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Échocardiographie

Publié le 01 mai 2018Lecture 10 min

Y a-t-il un intérêt à réaliser une échocardiographie d’effort en cas de rétrécissement aortique asymptomatique ?

Sylvestre MARÉCHAUX, Centre des valvulopathies, laboratoire d’échocardiographie, service de cardiologie, hôpital Saint-Philibert et Saint-Vincent, Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille

Le remplacement valvulaire aortique est indiqué en cas de sténose aortique valvulaire serrée en présence de symptômes d’effort (dyspnée, syncope, douleur thoracique), et si des signes d’insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG < 50 %) apparaissent(1). Le test d’effort est indiqué chez les patients porteurs d’une sténose sévère asymptomatique avec fraction d’éjection ventriculaire gauche préservée afin de dépister les faux asymptomatiques.

Un outil discuté L’échocardiographie d’effort en position semi-couchée a fait l’objet de plusieurs publications dans le domaine des valvulopathies, et notamment dans le cadre du rétrécissement aortique. Celles-ci ont abouti à la mise en avant en 2012 par la Société européenne de cardiologie d’une recommandation de classe IIB, niveau de preuve C, de l’échocardiographie d’effort, pour aider à la décision de remplacement valvulaire aortique chez le patient porteur d’un rétrécissement aortique serré asymptomatique(1). L’échocardiographie d’effort a toutefois été retirée des dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie publiées en 2017(2), un certain scepticisme s’étant installé sur l’utilité réelle de cette technique dans le rétrécissement aortique. Bien que la technique ait été retirée des tableaux des recommandations, elle est toujours décrite comme un outil de stratification du risque dans le texte(2). Le positionnement de l’échocardiographie d’effort dans le rétrécissement aortique asymptomatique mérite donc d’être discuté. Le but de cette synthèse est ainsi de faire le point sur l’utilité potentielle de cette technique en pratique clinique. Intérêt du test d’effort conventionnel Autrefois contre-indiqué, le test d’effort est maintenant recommandé dans les guidelines (indication de classe I) dans l’évaluation des patients porteurs d’une sténose aortique serrée asymptomatique qui seraient éligibles pour un remplacement valvulaire aortique chirurgical, le TAVI n’étant pas indiqué chez le patient asymptomatique(2). L’ensemble des travaux publiés a clairement démontré que plus de 20 % des patients porteurs d’une sténose aortique serrée asymptomatique sont en réalité des faux asymptomatiques et présentent un test d’effort anormal (pas d’élévation ou chute de la pression artérielle à l’effort, survenue d’une dyspnée, d’une douleur thoracique, d’une syncope d’effort, ou d’arythmies ventriculaires complexes(3-6). Un protocole de Bruce ou de peuvent être utilisés pour évaluer ces patients. Un test d’effort anormal est fort logiquement associé à la survenue à moyen terme de remplacements valvulaires aortiques dans l’ensemble de ces études. L’apparition d’une dyspnée d’effort à faible charge au cours du test d’effort semble être l’élément le mieux associé àla survenue de symptômes spontanés à moyen terme(5). Toutefois, la survenue d’une dyspnée d’effort chez des sujets âgés est peu spécifique ; les comorbidités comme le diabète, l’hypertension ou même le déconditionnement physique peuvent entraîner une dyspnée d’effort qui peut, à l’extrême, être totalement indépendante de la sténose aortique valvulaire. Ainsi, alors que la valeur prédictive négative du test d’effort est excellente, la valeur prédictive positive de la dyspnée induite par l’exercice pour la survenue de symptômes spontanés dans les 12 mois est médiocre (57 %)(5). Elle semble toutefois meilleure chez les patients jeunes physiquement actifs (< 70 ans, 79 %). Objectiver la relation entre dyspnée d’effort et sténose aortique en utilisant l’écho-Doppler cardiaque pendant l’effort pourrait donc paraître intéressant dans ce contexte. Intérêt potentiel de l’échocardiographie d’effort L’échocardiographie réalisée en continu chez un patient réalisant un exercice sur une bicyclette ergométrique en position semi-couchée permet un monitorage de la fonction ventriculaire gauche, des indices Doppler de sténose valvulaire et de l’hémodynamique intracardiaque pendant l’effort. Cet effort est réalisé dans des conditions similaires à celles du test d’effort conventionnel avec électrocardiogramme 12 dérivations, prise de pression artérielle brachiale au brassard, et avec un recueil précis de la cause d’arrêt d’effort en s’aidant par exemple de l’échelle semi-quantitative de Borg. L’échocardiographie d’effort fournit donc toutes les données du test d’effort conventionnel. Nous commençons habituellement l’effort à une charge de 25 watts avec un incrément de 20 watts toutes les 3 minutes. Cet examen ne peut être réalisé que chez des patients dont l’ est correcte et dont l’alignement optimal en Doppler continu sur le flux aortique est obtenu à l’aide de la coupe apicale 5 cavités (7,8). On peut tout d’abord observer lors de l’échocardiographie d’effort une altération de la fonction systolique du ventricule gauche à l’exercice avec une absence d’augmentation, voire une diminution de la FEVG à l'effort(9). L’altération de la FEVG à l’effort est souvent accompagnée de troubles de la cinétique segmentaire, notamment dans le territoire latéral qui sont peu spécifiques et qui se retrouvent même en l’absence de lésions coronaires. Cette dysfonction systolique aiguë transitoire au pic de l’effort peut s’accompagner d’une insuffisance mitrale fonctionnelle à l’exercice. L’élévation du gradient moyen est dans ce cas en règle très modérée, et celui-ci peut même parfois diminuer. Cette réponse ventriculaire gauche anormale est trèssouvent associée à un test d’effort anormal, et notamment à la survenue d’une dyspnée d’effort. Elle renforce ainsi la signification pronostique de l’apparition peu spécifique d’une dyspnée d’effort qui peut survenir chez le sujet âgé, même indépendamment de la présence d’une sténose aortique. La survenue d’une dysfonction systolique du ventricule gauche à l’exercice est donc un « surrogate » (critère de substitution) objectif de la dyspnée d’effort, notamment chez le sujet âgé. Chez le patient réellement asymptomatique, c’est-à-dire présentant un test d’effort normal, la dégradation de la FEVG à l’effort est rare. On peut par contre observer une large augmentation du gradient moyen transvalvulaire à l’effort (> 18-20 mmHg, figure 1). Cette large augmentation a pu être associée dans deux études à la survenue d’événements cliniques plus fréquents dans le suivi (figure 2A). Figure 1. Large élévation du gradient moyen transvalvulaire (augmentation de 37 à 70 mmHg soit + 33 mmHg) chez un patient porteur d’une sténose aortique limite (surface 1,0 cm2, Vmax 3,9 m/s). Figure 2. Survie sans événements chez des patients porteurs de rétrécissement aortique asymptomatique modéré à sévère, selon Maréchaux S et al. Eur Heart J 2010 (A) et selon Goublaire et al. JACC Imaging 2017 (B). • La première étude publiée du groupe de Liège retrouvait une valeur prédictive d’augmentation du gradient > 18 mmHg après ajustement statistique sur la sévérité de la sténose au repos évaluée par la surface valvulaire et sur les données du test d’effort conventionnel. La seconde étude a permis de mettre en évidence le même type de relation entre large augmentation du gradient moyen transvalvulaire (> 20 mmHg) et survenue plus fréquente d’événements cliniques dans le suivi, mais cette fois chez des patients réellement asymptomatiques (à test d’effort normal). De façon intéressante, la valeur prédictive de cette large augmentation du gradient de pression transvalvulaire était observée à la fois chez les patients porteurs d’une sténose sévère mais aussi d’une sténose modérée. La seule explication logique serait donc que les patients porteurs d’une sténose modérée avec une large augmentation du gradient transvalvulaire progresseraient plus vite que les autres. Afin de valider ce concept, nous avons rétrospectivement étudié la relation entre augmentation du gradient moyen transvalvulaire à l’effort et progression de la valvulopathie à l’échocardiographie chez des patients porteurs d’une sténose aortique modérée et sévère(10). Les patients présentant une large élévation du gradient moyen transvalvulaire à l’effort progressaient en moyenne plus rapidement que les autres, et ce, que la sténose soit modérée ou sévère (figure 3). La large élévation du gradient moyen transvalvulaire à l’effort identifie donc des patients présentant une valve aortique plus malade, moins pliable lors de l’augmentation du débit lors de l’effort, et qui bénéficieront donc plus rapidement d’un remplacement valvulaire aortique. Figure 3. Progression annualisée de la Vmax aortique en fonction de l’élévation du gradient moyen transvalvulaire aortique < ou ≥ 20 mmHg lors de l’échocardiographie initiale chez des patients porteurs d’une sténose aortique modérée asymptomatique. D’après Ringle et al. ACVD 2017. • Ces données ont été récemment remises en cause par un travail de l’équipe du CHU Bichat coordonné par David Messika-Zeitoun(11). Ce travail a porté sur un large effectif de patients porteurs de sténose aortique asymptomatique (dans la plupart des cas serrée) évalués en échocardiographie d’effort au CHU Bichat. La méthodologie était similaire à celle de notre travail multicentrique, avec exclusion des patients présentant un test d’effort anormal. À noter que la dysfonction ventriculaire gauche à l’effort ou la survenue d’anomalies de la cinétique segmentaire à l’effort étaient considérées comme des critères de test d’effort anormal devant conduire à l’intervention. Ceci confirme donc l’utilité diagnostique de l’échocardiographie d’effort dans l’interprétation des symptômes et la prise en charge thérapeutique. Par contre, tandis que la sévérité de la sténose évaluée par le gradient moyen au repos (< ou ≥ 40 mmHg) était prédictive de la survenue d’événements cliniques dans le suivi, l’élévation du gradient moyen transvalvulaire > 20 mmHg n’était pas prédictive de la survenue d’événements (figure 2B). Ceci semble totalement contredire les données des deux études initiales. Quels facteurs ont donc pu influencer les données pour aboutir à des résultats si différents ? Explication de la divergence des études Il faut tout d’abord tenir compte du type d’événements cliniques rapportés dans toutes les études validant l’utilisation des tests d’effort avec ou sans échocardiographie dans le rétrécissement aortique. La mort subite classique dans le rétrécissement aortique asymptomatique est extrêmement rare. Le taux de mort subite est de l’ordre de 0,3 %/an dans les séries de rétrécissement aortique asymptomatique et est particulièrement faible (voire nulle) dans les études les plus récentes(12). Les événements comptabilisés sont essentiellement des remplacements valvulaires aortiques survenus dans le suivi. La survenue d’un remplacement valvulaire chez un patient porteur d’une sténose aortique asymptomatique dépend de beaucoup de paramètres, et notamment des pratiques cliniques locales qui vont varier d’un centre à un autre : la fréquence du suivi clinique par le cardiologue, de la réalisation ou non de tests d’efforts plus ou moins espacés, de la perception de la sévérité de la pathologie par le cardiologue, par le patient et par son médecin traitant. Ainsi, des remplacements valvulaires peuvent survenir avant la survenue d’indications de remplacement valvulaire de classe I (symptômes spontanés, dysfonction VG de repos), par exemple à la faveur de la nécessité d’une chirurgie non cardiaque(13). Enfin, la perception et l’intégration de la pathologie et de ses signes cliniques par le patient et le médecin traitant sont des éléments fondamentaux qui vont influencer la survenue d’un remplacement valvulaire. Dans un travail récent, notre équipe a évalué les connaissances des médecins traitants et des patients plusieurs mois après une évaluation par échocardiographie d’effort en raison d’un rétrécissement aortique 14). Près de la moitié des patients ne se souvenaient pas avoir été informés des symptômes d’alerte à connaître devant conduire à une prise en charge plus rapide. Des résultats similaires étaient retrouvés chez les médecins traitants, avec uniquement 14 % d’entre eux reportant les trois symptômes classiques du rétrécissement aortique. Enfin, un tiers des patients n’avaient pas bénéficié du suivi clinique et à 6-12 mois initialement recommandé. Ceci montre bien l’hétérogénéité de la prise en charge de ces patients lorsqu’ils sont suivis médicalement et apporte une explication convaincante sur d’éventuels résultats discordants d’études cliniques, utilisant comme critère de jugement le remplacement valvulaire aortique. La valeur pronostique des données de repos et beaucoup plus étayée ; en effet, les patients asymptomatiques présentant une sténose très sévère ( > 5,50 m/s(15), gradient moyen > 60 mmHg(16)) ont une augmentation du risque de mortalité dans le suivi, indépendamment de la survenue d’un remplacement valvulaire aortique. Ces données de repos, qui nécessitent une évaluation précise, avec notamment l’utilisation de la sonde pour obtenir les gradients et les vitesses les plus élevées, ont un poids beaucoup plus important dans la décision thérapeutique que les données du test d’effort. Importance d’un réseau de soins valvulopathies Quoi qu’il en soit, le suivi de ces patients porteurs d’une sténose aortique asymptomatique nécessite un réseau de soins structuré associant le patient, le médecin traitant, son cardiologue, le centre spécialisé des valvulopathies et le centre chirurgical. L’évaluation fonctionnelle du patient se fera au sein du centre des valvulopathies à l’aide de la technique la mieux maîtrisée localement et sur laquelle le centre aura le plus de recul et d’expérience, échocardiographie d’effort pour certains, test d’effort conventionnel pour d’autres, voire parfois épreuve d’effort métabolique. Le principe du réseau de soins valvulopathies est détaillé dans la figure 4. La formalisation de ce réseau de soins permet de ne pas perdre de vue les patients, en leur faisant prendre conscience du caractère chronique de leur pathologie et en permettant ainsi une éducation thérapeutique, tout en permettant également aux médecins traitants et aux cardiologues de pouvoir bénéficier de l’expertise des centres des valvulopathies pour la réalisation d’examens techniquement longs et difficiles. Figure 4. Importance du centre des valvulopathies dans un réseau de soins valvulopathies. En pratique L’échocardiographie d’effort reste un examen utile chez le patient porteur d’une sténose aortique modérée à sévère. En effet, elle permet d’obtenir les données du test d’effort conventionnel. La survenue d’une dysfonction systolique du ventricule gauche à l’effort est un bon outil diagnostic permettant de confirmer que le patient est un faux asymptomatique. Ceci est particulièrement utile chez les patients présentant des symptômes équivoques. L’évaluation pronostique du patient porteur de sténose aortique asymptomatique repose toutefois essentiellement sur les données cliniques et sur celles de l’échocardiographie de repos. Les patients porteurs de sténose aortique asymptomatique doivent participer à un réseau de soins valvulopathies impliquant leur médecin traitant, leur cardiologue référent, le centre des valvulopathies et le centre chirurgical afin d’optimiser le timing de la chirurgie avec le but d’améliorer leur pronostic. 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