Publié le 15 nov 2018Lecture 5 min
À la recherche de l’ischémie myocardique...
Noumer NASSER CCA, service du Pr S. Lafitte, Hôpital du Haut-Lévêque, Pessac
La mise en évidence de l’ischémie myocardique (ou de son absence) est indispensable dans la pratique courante de la cardiologie. La justesse de la technique pour sa recherche permet d’éviter la coronarographie blanche dans le cadre des douleurs thoraciques ou de guider le cathétériseur pour le choix épineux de la revascularisation de lésions intermédiaires chez le coronarien connu.
La mesure de la réserve du flux coronaire ou FFR (fractional flow reserve) effectuée lors d’une coronarographie et nécessitant une injection intracoronaire d’adénosine, est devenue la technique de référence pour quantifier le caractère hémodynamiquement significatif d’une sténose au cours d’une coronarographie. En non-invasif, les techniques d’imagerie disponibles pour la recherche de l’ischémie sont aujourd’hui nombreuses et une bonne connaissance de leurs avantages et inconvénients permettra au cardiologue de faire pour chaque patient le choix de la raison.
Échographie d’effort et dobutamine
D’après Fabrice Bauer, Rouen
Le choix de l’échographie offre de nombreux avantages. Elle est basée sur la recherche au pic de l’effort ou d’un stress par dobutamine d’une dégradation de la cinétique segmentaire révélant une lésion coronarienne ischémiante en regard. L’examen est de bonne disponibilité, permet une évaluation morphologique de repos, localise l’ischémie et permet une analyse associée du jeu valvulaire et des pressions à l’effort. Les études montrent une fiabilité satisfaisante avec une sensibilité de 85 % et une spécificité de 82 % en comparaison à l’angiographie.
Dans le cadre du dépistage de l’ischémie, l’échographie d’effort reproduit de manière plus physiologique la mise en charge du ventricule gauche et sera préférée dans la majorité des cas à la perfusion de dobutamine.
Celle-ci sera choisie en cas d’impossibilité technique pour le patient d’atteindre 85 % de sa fréquence théorique ou de recherche de viabilité dans un territoire séquellaire post-infarctus. Il faut cependant se souvenir des limites de l’examen échographique. La principale est évidemment la fenêtre ultrasonore de mauvaise qualité pouvant mener à une visualisation insuffisante du myocarde. La performance de l’examen peut également être impactée par la présence d’un bloc de branche gauche, d’une myocardiopathie hypertrophique ou d’une altération importante de la fraction d’éjection de repos.
Scintigraphie myocardique
D’après François Rouzet, Paris
Il s’agit d’un examen également facilement disponible et largement validé. La scintigraphie myocardique comprend dans la plupart des cas une véritable épreuve d’effort sur vélo ou tapis roulant, éventuellement complétée par l’administration d’un vasodilatateur direct (dipyridamole ou régadénoson). Après injection de l’agent d’imagerie au maximum de la stimulation, l’acquisition synchronisée à l’ECG permet d’analyser la perfusion du myocarde à l’effort et au repos, ainsi que la cinétique et les volumes VG. Les caméras de nouvelle génération (CZT) autorisent des acquisitions rapides tout en réduisant la dosimétrie.
La scintigraphie myocardique offre des performances fiables avec une sensibilité et une spécificité de 85 % (en comparaison à l’angiographie). Elle apporte également des informations pronostiques, avec un risque de mortalité plus élevé en cas de large territoire ischémié ou de dysfonction systolique post-stress.
Outre son caractère irradiant, le diagnostic de la scintigraphie reste limité par la qualité des acquisitions avec possibilité d’artéfacts et la nécessité d’un opérateur expérimenté pour l’interprétation.
IRM myocardique
D’après Chirine Parsai, Marseille
Elle peut être pratiquée selon deux protocoles distincts : l’imagerie dynamique de perfusion ou le ciné-IRM.
L’imagerie de perfusion permet d’étudier le premier passage myocardique de gadolinium après injection de dipyridamole ou d’adénosine. La présence d’un hyposignal au sein d’un ou plusieurs segments myocardiques témoigne d’une hypoperfusion relative par rapport aux territoires sains.
Le ciné-IRM est acquis sur plusieurs niveaux de coupes en vues petit axe et grand axe, sous doses croissantes de dobutamine. L’examen est positif en cas d’apparition d’anomalies de la cinétique segmentaire dans au moins deux segments myocardiques contigus.
L’examen est complété par l’étude du rehaussement tardif 10 minutes après l’injection de gadolinium permettant de déterminer la présence éventuelle de foyers d’infarctus ou de fibrose.
L’IRM de stress est un examen d’une très bonne fiabilité (sensibilité de 91 % et spécificité de 81 % en comparaison à l’angiographie pour l’IRM de perfusion), permettant l’étude la plus précise de la fonction VG, avec une excellente résolution spatiale, notamment chez les patients peu échogènes.
La technique reste cependant limitée par une accessibilité souvent difficile et des contre-indications nombreuses (prothèses métalliques, claustrophobie, pacemaker). Il n’y a pas de possibilité de recherche de l’ischémie à l’effort.
CT-scan
D’après Gilles Rioufol, Lyon
Le coroscanner permet l’obtention d’une information anatomique coronaire de bonne qualité. L’examen doit être synchronisé sur le rythme cardiaque et permettra de localiser et quantifier les sténoses du réseau coronaire. Elle offre une excellente fiabilité avec une sensibilité de 97 %, une spécificité de 78 % en comparaison avec l’angiographie.
La première limite, pour le coroscanner conventionnel, est l’absence de mise en évidence fonctionnelle de l’ischémie. L’examen doit donc être complété par un test fonctionnel localisateur en cas de lésion(s) intermédiaire(s) ou pluritronculaires.
Le scanner, outre son caractère irradiant, est limité par un risque d’artéfacts. Une fréquence cardiaque rapide ou une fibrillation atriale peuvent également perturber les acquisitions. Les calcifications peuvent enfin entraîner une surestimation du degré de sténose des lésions coronariennes à l’origine de faux positifs.
Il est actuellement possible de calculer la FFR à partir des images du coroscanner (dite CT-FFR) et sans injection d’agent vasodilatateur.
La technique est basée sur la modélisation de l’écoulement sanguin dans le réseau coronaire à partir de l’image scanner, en prenant en compte les variations relatives d’atténuation du sang et du tissu myocardique le long de l’artère coronaire et en utilisant des équations spécifiques. Les images, qui doivent être de très bonne qualité, sont adressées dans un centre de traitement aux États-Unis qui renverra après calcul une valeur de CT-FFR.
L’évaluation coroscanner associée à la CT-FFR, seule technique non invasive associant analyse coronarienne anatomique et fonctionnelle pourrait permettre une amélioration des performances du scanner dans la recherche d’ischémie myocardique.
Choix du test ischémique
D’après Gilles Baronne-Rochette, Grenoble
Le choix pour le cardiologue entre ces séduisantes techniques devant un patient se plaignant d’angor n’est pas chose aisée. Les recommandations ESC de 2013 proposent différents éléments d’orientation (figure). La première étape est d’écarter les patients dont la probabilité pré-test (score basé sur le sexe, l’âge et la typicité de la douleur) est inférieure à 15 %, pour lesquels la valeur prédictive positive est trop faible. Il faut ensuite s’intéresser à la faisabilité technique des différents examens, notamment la fenêtre ultrasonore pour l’échographie de stress ou la présence de contre-indications à l’IRM. Selon les possibilités restantes, le cardiologue choisira en fonction de la disponibilité des techniques et la confiance dans l’expertise de ses correspondants...
Figure. Évaluation ischémique non invasive des patients suspects d’angor stable à risque pré-test intermédiaire, selon les recommandations ESC de 2013 sur l’angor stable. PPT : probabilité pré-test.
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