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Explorations-Imagerie

Publié le 14 avr 2015Lecture 6 min

Intérêt du dosage de la troponine en dehors des SCA

P. AMBROSI, CHU de Marseille

La troponine cardiaque est un marqueur très sensible et très spécifique de la souffrance myocardique. Elle est donc augmentée dans de multiples situations qui vont du marathon au syndrome coronarien aigu (SCA) (tableau 1). Les lignes qui suivent sont consacrées aux indications du dosage de la troponine qui peuvent avoir un intérêt pratique en dehors des SCA.

Tests hypersensibles   La troponine cardiaque existe sous plusieurs formes. Celles qui sont communément dosées sont la troponine Ic et la troponine Tc. Par définition, les tests hypersensibles détectent la troponine Ic ou Tc chez une proportion significative de sujets sains, classiquement chez au moins 50 % d’entre eux. Au moins 2 seuils doivent être considérés pour chaque test. Le seuil de détection est le seuil au-delà duquel le test est capable de détecter la troponine circulante. Pour les tests hypersensibles, ce seuil est de l’ordre de 0,0001 à 0,010 ng/ml selon le test. Ce seuil est donc beaucoup plus bas que le seuil des tests conventionnels qui est de l’ordre de 0,5 ng/ml. Les quantités mesurées sont donc réellement infimes. Les faux positifs, généralement liés à des anticorps circulants comme le facteur rhumatoïde, sont très rares avec les tests hypersensibles. Le seuil utilisé pour la définition de l’infarctus du myocarde est le 99e percentile d’une population saine. Ce seuil varie environ de 0,003 à 0,040 ng/ml selon les tests. Ce seuil est très bas et est dépassé dans de multiples autres situations que les SCA (figure 1). Le diagnostic d’infarctus du myocarde nécessite donc que d’autres conditions soient réunies : douleur évocatrice et/ou modifications ECG évocatrices (y compris l’apparition d’un BBG) et/ou des arguments d’imagerie comme un caillot sur une coronarographie ou des anomalies de la cinétique ventriculaire. De plus, la cinétique de la troponine sur plusieurs prélèvements à 3 heures d’intervalle doit être évocatrice. Figure 1. Valeurs habituelles de la troponine cardiaque hypersensible dans diverses conditions. Troponine dans les myocardites   Contrairement à ce que suggéraient de vieilles études menées avant 2000, l’élévation de la troponine est un des éléments importants du diagnostic de myocardite aiguë. La troponine hypersensible est en règle élevée à la phase initiale des myocardites aiguës et peut atteindre des concentrations comparables à celles observées dans des SCA ST+. Le diagnostic différentiel myocardite/SCA repose essentiellement sur la constatation d’un réseau coronaire normal et sur l’IRM, mais bien d’autres considérations entrent en jeu comme les facteurs de risque, la topographie des atteintes de la contraction myocardique (pour écarter un Takotsubo), la possible récupération de la cinétique avec le temps, etc.   Troponine dans le Takotsubo   La troponine est élevée dans environ 90 % des Takotsubo, mais de façon modérée, ce qui contraste avec l’importance de l’altération de la cinétique ventriculaire. Le diagnostic est fait essentiellement sur l’atteinte transitoire de la cinétique médioventriculaire, s’étendant éventuellement à l’apex, et la normalité des coronaires. Le contexte est souvent celui d’une femme âgée stressée. Les signes ECG sont peu discriminants entre SCA, myocardite et Takotsubo.   Troponine au cours des chimiothérapies   Le dosage de la troponine peut être intéressant pour guider des chimiothérapies cardiotoxiques. En effet, le pic de troponine est corrélé au pronostic cardiaque au cours d’une chimiothérapie aux anthracyclines ou à l’Herceptin®. A contrario, l’absence d’élévation de la troponine est de bon pronostic. De plus, la cardiotoxicité peut être diagnostiquée précocement par le dosage de la troponine avant les signes échographiques. Ceci explique que les recommandations ESMO 2012 préconisent le dosage de la troponine avant et immédiatement après chaque cure de chimiothérapie aux anthracyclines. Ces mêmes recommandations préconisent le dosage de la troponine I chez les patients recevant du paclitaxel ou du 5-FU s’ils ont des antécédents d’ischémie myocardique. Elles se heurtent cependant à diverses difficultés pratiques : à quel moment exact faut-il réaliser les dosages ? Ne risque-t-on pas de passer à côté du pic de troponine si le dosage est réalisé juste à la fin de la cure ? Quel seuil de troponine retenir pour rapprocher la surveillance ou pour suspendre les cures ? Tant que des réponses claires n’auront pas été données à ces questions, l’intérêt pratique du dosage de la troponine en cas de chimiothérapie aux anthracyclines demeurera discuté (figure 2). Figure 2. Recommandations ESMO 2012. Algorithme de prise en charge des patients recevant une chimiothérapie par anthracycline. Au-delà de la 3e année, un suivi tous les 3-5 ans est suggéré. Troponine dans l’amylose cardiaque   La troponine est souvent modérément augmentée dans l’amylose cardiaque, probablement par lyse chronique des myocytes remplacés par de la substance amyloïde. Cette notion est importante pour éviter d’interpréter à tort les ondes Q du cœur amyloïde comme des signes de nécrose lorsqu’elles sont associées à une troponine supérieure au 99e percentile. Une troponine élevée permettrait d’identifier les formes précoces avant les signes échocardiographiques et ECG. Par ailleurs, la troponine a un intérêt pratique pour évaluer le pronostic des amyloses AL. Ainsi, la sévérité des amyloses est classée selon la classification de la Mayo Clinic qui utilise les dosages du BNP et de la troponine (tableau 2). Elle est utile pour déterminer l’indication de transplantation cardiaque, réservée aux stades III. Une version plus élaborée de cette classification a été proposée récemment. La troponine est dite élevée si troponine T ≥ 0,035 ng/ml ou si troponine I ≥ 0,1 ng/ml. Les peptides natriurétiques sont dits élevés si BNP ≥ 100 ng/l ou si NT-proBNP ≥ 332 ng/l.   Troponine dans l’embolie pulmonaire   L’élévation de la troponine est un marqueur de gravité dans l’embolie pulmonaire, en rapport avec la souffrance myocardique elle-même secondaire à la tachycardie, l’hypoxie et l’hyperpression cavitaire. Cependant, la valeur pronostique de la troponine dans cette situation n’est pas assez bonne pour qu’elle puisse aider à la décision de thrombolyse. Son dosage en routine n’est donc pas préconisé par les recommandations des Chest Physicians. De manière divergente, les recommandations européennes de 2014 préconisent le dosage de la troponine pour une classification fine de la sévérité de l’embolie pulmonaire, mais son intérêt pour la pratique n’est pas évident. En effet, l’indication de la thrombolyse demeure l’instabilité hémodynamique.   Troponine dans l’insuffisance cardiaque   La constatation d’une troponine élevée au cours d’un OAP ne doit pas faire conclure systématiquement à un SCA associé. En effet, dans cette circonstance, la troponine dépasse fréquemment le 99e percentile, même en l’absence de cardiopathie ischémique sous-jacente. Elle est également assez souvent discrètement élevée dans l’insuffisance cardiaque chronique. Par exemple dans l’étude de Grodin et coll. chez des insuffisants cardiaques stables, la valeur médiane de la troponine Tc est à 0,02 ng/ml et le 3e interquartile à 0,04 ng/ml. La troponine prédit un mauvais pronostic chez ces patients. Cependant sa valeur ajoutée par rapport au BNP est modeste et il n’y a pas d’indication à mesurer en routine la troponine chez l’insuffisant cardiaque.   Troponine chez le greffé cardiaque   La troponine s’élève au cours du rejet aigu de greffe cardiaque. Cependant, le diagnostic de rejet demeure pour l’essentiel fondé sur l’échocardiographie et/ou la biopsie endomyocardique. Plus intéressant est le dosage de la troponine en routine au cours du suivi pour identifier les patients à haut risque d’événement cardiaque à moyen terme. En effet avec les paramètres habituels biologiques ou échographiques, il est difficile d’identifier les patients qui évoluent vers un rejet chronique à bas bruit. L’idéal est de pratiquer une coronarographie avec cathétérisme droit à la recherche d’atteintes coronariennes diffuses ou d’élévation des pressions de remplissage. Or, la répétition des coronarographies se trouve vite confrontée à des difficultés techniques et est mal acceptée par le patient. Nous avons montré qu’une troponine supérieure à 0,006 ng/ml était associé à un événement cardiaque dans 30 % des cas à 21 mois, alors qu’une troponine inférieure à 0,006 ng/ml était associée à un excellent pronostic cardiaque. Ceci confirme dans cette population particulière la bonne valeur pronostique de la troponine cardiaque. L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.  

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