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Polémique

Publié le 30 sep 2013Lecture 11 min

Stents biorésorbables : effet de mode ou vraie révolution ?

D. CARRIÉ, CHU Toulouse Rangueil

Il ne faut tout de même pas oublier que nous avons actuellement d’excellents stents nus et actifs avec un taux de thrombose extrêmement faible, un taux d’événements cardiaques à moyen terme, lui aussi très limité, et de multiples études randomisées qui nous permettent d’adapter le mieux possible nos choix de prothèses. 

Pourquoi un stent totalement biodégradable ? Les nombreuses études cliniques confirment la réduction majeure des taux de revascularisation de la lésion cible avec les stents actifs en comparaison avec les stents nus d’autant plus lorsque les lésions coronaires des patients sont de longues lésions, ou sur des petits vaisseaux ou que les patients diabétiques. Toutefois, le bénéfice de ces stents actifs dans la réduction de l’hyperplasie néo-intimale s’est accompagné d’une augmentation du risque de thrombose tardive intrastent et, même si cet événement est rare, il peut être catastrophique. De plus, des études d’autopsies humaines ont montré une augmentation du nombre de cellules inflammatoires autour de la zone stentée avec une mauvaise cicatrisation et, d’une façon générale, il existe toujours un retard de ré-endothélialisation avec les stents actifs. La plupart de ces effets secondaires sont dus à la présence du polymère à la surface du stent qui permet de délivrer la substance active, mais qui du fait de l’inflammation qu’il crée, peut entraîner la formation d’anévrismes, de thrombus voire d’infarctus. L’évolution technologique cherche à réduire l’effet inflammatoire des stents et des polymères par l’amélioration de ses constituants, par l’utilisation de polymères biodégradables ou, mieux encore, de stents totalement biodégradables.   Un stent biorésorbable a un potentiel de thrombose tardive réduit puisqu’il n’y a plus de contact entre un corps étranger et le sang circulant. L’absence de réponse inflammatoire chronique réduit ainsi la bithérapie antiagrégante plaquettaire.   Cette absence d’étayage permanent permet aussi de restaurer une réponse naturelle et physiologique du vaisseau en termes de vasomotricité et de remodelage positif tardif. Elle facilite la réintervention à distance par dilatation ou pontage aortocoronarien et pourrait réduire l’effet rebond de la resténose à long terme avec les stents actifs. Enfin, la mise en place de cette prothèse biodégradable limite les artefacts et est compatible avec des examens coronaires non invasifs tels que l’IRM ou le coroscanner. Tous les stents biodégradables sont-ils identiques ? Manifestement les stents biorésorbables en cours d’évaluation sont différents et sont constitués soit de polymères, soit d’alliages métalliques. Les stents en polymère de type PLLA Le stent Igaki-Tamai® a été le premier stent biodégradable à être utilisé dans les années 2000. Même s’il n’est plus utilisé en clinique humaine, la dégradation du polymère était complète en 18 à 24 mois et ses résultats étaient comparables à ceux des stents métalliques. Le Bioresorbable Vascular Scaffold (BVS) d’Abbott Vascular qui comprend un étayage biorésorbable en acide polylactide (PLLA), un coating totalement biorésorbable lui aussi en acide polyDLlactide (PDLLA), une molécule active, l’évérolimus, et un système de « délivrabilité » identique à celui du stent Xience (figure 1).   Figure 1. Les différents constituants du stent BVS. La dégradation de l’acide polylactide se fait par hydrolyse des liaisons esters. L’eau pénètre préférentiellement les régions amorphes de la matrice polymérique. L’hydrolyse initiale entraîne une perte du poids moléculaire mais avec conservation de la force radiale puisque celle-ci provient des domaines cristallins. Une fois que ceux-ci sont hydrolysés se produit une perte de masse (figure 2).   Figure 2. Dégradation par hydrolyse des lésions esters du stent BVS. La résorption complète du stent se fait donc sur une période de 2 ans selon un processus naturel avec trois phases de revascularisation, de restauration de la structure naturelle du vaisseau et enfin de résorption du stent. La figure 3 sur un modèle d’artère coronaire porcine ne retrouve aucune inflammation autour des mailles du stent après implantation. Entre 1 et 2 ans, le polymère est remplacé par une matrice extracellulaire, elle-même remplacée entre 2 et 3 ans par des cellules musculaires lisses naturelles.   Figure 3. Résorption complète du stent à 2 ans (modèle artère coronaire porcine). Le stent REVA (REVA Medical, San Diego, Californie) est un stent en polycarbonate qui se dégrade en eau, dioxyde de carbone et éthanol, avec une durée de résorption d’environ 3 ans. Sa force radiale est comparable à celle d’un stent métallique conventionnel avec un retour élastique à la paroi minime. Le stent IDEAL (Bioabsorbable Therapeutics, Menlo Park, Californie) lui aussi entièrement biorésorbable intègre au polymère de l’acide salicylique et un coating au sirolimus. Cette association est supposée conférer à l’endoprothèse des propriétés anti-inflammatoires et antiprolifératives. Le stent ART18Z Biorésorbable (Arterial Remodeling Technologies, Noisy-le-Roi, France) est constitué de co-polymères PLA permettant d’ajuster la vitesse de dégradation et de s’adapter au remodelage artériel (figures 4 et 5).   Figure 4. Différents constituants du stent ART18Z. Figure 5. Dégradation du stent ART18Z en moins de 24 mois. Les stents métalliques biodégradables Le stent métallique AMS-1 (Absorbable Metallic Stent, Biotronik, Berlin, Allemagne) est composé de 93 % de magnésium et de 7 % de métaux rares. Il est pourvu des mêmes qualités mécaniques que les stents métalliques conventionnels avec en particulier un rappel élastique limité (< 8 %), une pression de rupture élevée et un faible raccourcissement après déploiement (< 5 %). La résorption de ce stent s’effectue en 3 phases (revascularisation, remodelage et bioabsorption) avec une hydrolyse du magnésium qui permet de libérer au bout de 9 mois des cristaux lisses d’hydroxyapatite, terme ultime des produits de dégradation et de résorption de ce stent (figure 6). Un polymère lui aussi totalement dégradable sur 6 mois permet de délivrer la molécule active.   Figure 6. Différents constituants du stent AMS. Où en sont les études cliniques ? Le stent BVS À tout seigneur tout honneur, il est force de constater que le programme ABSORB avec le stent BVS est celui qui de loin est le plus avancé avec des données scientifiques robustes, randomisées, multicentriques lui valant d’avoir le marquage CE. Dès les années 2005, les premiers stents biodégradables ont été implantés chez l’homme. Les études de Cohortes A et B ont évalué ce stent dans des lésions simples de novo, peu ou pas calcifiées, sans bifurcation alors qu’à une échelle plus large l’étude ABSORB EXTEND a permis d’étayer des lésions plus longues avec parfois la possibilité de mettre en place 2 stents en contigu avec chevauchement. Ces patients sont extrêmement bien documentés sur le plan de l’imagerie notamment dans les deux premières cohortes avec des contrôles angiographiques, IVUS et OCT (figure 5) à 6 mois et 2 ans ainsi qu’un scanner coronaire à 18 mois et un suivi clinique sur 5 ans.   Sur le plan clinique, que ce soit dans les études de Cohorte A (30 patients) ou de Cohorte B (101 patients), le taux d’événements cardiaques majeurs à type d’infarctus avec ou sans onde Q avoisine les 7 % et est comparable à 2 ans à celui des études SPIRIT avec le stent Xience, sans surrisque thrombotique. De même sur le plan angiographique, la perte tardive luminale à 2 ans proche de 0,35 mm est strictement superposable à celle obtenue avec le stent actif Xience. Enfin, les résultats du registre international ABSORB EXTEND incluant 1 000 patients dont certains plus instables et avec des lésions plus complexes sont attendus ainsi que ceux de l’étude de non-infériorité ABSORB II qui a randomisé les patients en 2 groupes : stent biodégradable versus stent actif Xience. Les résultats intermédiaires semblent très encourageants en termes d’événements cardiaques majeurs ou de contrôle d’imagerie cardiaque. Le stent REVA Les premiers résultats de l’étude RESORB (REVA Endovascular Study of a Bioresorbable Coronary Stent) ont été décevants concernant les taux de revascularisation à 6 mois (67 %), du fait de la fragilisation et de la fragmentation du polymère, alors que l’hyperplasie néo-intimale était superposable à celle d’un stent conventionnel. Un stent de deuxième génération, le ReZolve® (Reva) avec un polymère plus robuste et un coating au sirolimus est en cours d’évaluation clinique. Le stent IDEAL L’étude WHISPER a confirmé l’absence de retour élastique à 1 an mais a montré une prolifération néo-intimale importante liée aux doses insuffisantes de sirolimus et à leur faible durée de diffusion. Une évolution technologique de ce stent est en cours avec une optimisation du profil et une augmentation à la fois des doses et de la durée de libération du sirolimus. Le stent ART 18Z L’étude « first in man » ARTDIVA (50 patients) menée sur cinq centres français a inclus des lésions simples de type A ou B1 avec une longueur de lésion < 10 mm. La seule prothèse utilisable a un diamètre de 3 mm. Les inclusions avec ce stent non coaté sont maintenant terminées et le premier suivi à 6 mois sera présenté au TCT 2013. Le stent métallique AMS Dans les années 2005, l’étude PROGRESS-I montrait la faisabilité et la sécurité de cette nouvelle technologie au prix toutefois d’un taux de revascularisation de la lésion cible à 6 mois de 24 % et d’une perte luminale tardive de 1,08 mm. L’optimisation de ce stent biodégradable se fait depuis 4-5 ans vers une dégradation et donc une résorption plus lente du stent en 9 à 12 mois pour diminuer la réaction inflammatoire et l’association d’une drogue antiproliférative tout en réduisant l’épaisseur des mailles et en augmentant sa force radiale. Le programme DREAMS (Drug Eluting AMS) a donc débuté avec l’étude BIOSOLVE-I. L’épaisseur des mailles du stent est de 120 microns avec un polymère PLGA biodégradable de 1 micron délivrant le paclitaxel alors que le système de délivrabilité est le Pro-Kinetic permettant une excellente biocompatibilité. Les premiers résultats ont montré sur le plan angiographique un taux de perte luminale tardive encore prohibitif de 0,68 mm. Même si ces résultats étaient très encourageants avec 37 % de moins de perte tardive par rapport à l’étude PROGRESS I, un nouveau programme de recherche clinique est en cours dont l’une des étapes est de remplacer le paclitaxel par le sirolimus afin d’arriver à un taux de perte luminale tardive aux alentours de 0,3-0,4 mm. L’engouement actuel pour les stents biodégradables des cardiologues interventionnels et des industriels est-il justifié ? Sur le plan physiopathologique Les deux faits majeurs après implantation de stents biorésorbables sont la restauration de la vasoréactivité et l’amélioration du diamètre luminal du vaisseau au niveau du site implanté. Le segment traité répond à un stimulus physiologique comme un vaisseau natif et confirme bien la restauration du tonus vasomoteur à travers un endothélium fonctionnellement actif. De plus, il existe une augmentation du diamètre luminal et de la surface luminale tardive (d’environ 18 % avec le BVS) sans remodelage positif. Sur le plan conceptuel Réparer un tissu, un organe voire une artère sans laisser de corps étranger à court ou moyen terme, c’est effectivement le « rêve » de tout patient et par voie de conséquence, de tout médecin. Si certains patients hésitent encore à rentrer dans des études de recherche clinique en cardiologie interventionnelle (stents actifs, antithrombotiques, etc.), aucun n’a refusé le stent totalement biorésorbable, voire même était plus que déçu s’il était randomisé dans le groupe contrôle (étude ABSORB II). C’est bien la preuve de l’effet « magique » de ces mots « dégradation » complète et « disparition » du corps étranger. Peut-on ou doit-on résister à cet engouement populaire et industriel ? Le cardiologue interventionnel comme « un enfant devant le sapin de Noël » a toujours été émerveillé devant la dernière innovation technologique et a toujours voulu être le premier à tester tel ou tel outil diagnostique ou thérapeutique. L’erreur serait donc, comme le font certains pays qui peuvent dépenser sans compter, de basculer du jour au lendemain du stent actif vers le stent biorésorbable. N’a-t-on pas attendu 5 ans voire 10 ans pour confirmer que le fameux Wallstent(R), premier stent à avoir été implanté dans les coronaires, était bien toléré, sans sur-risque thrombotique, sans migration ni embol… Seul le temps et la recherche clinique nous conforteront dans la véracité de nos propos qui doivent rester encore mesurés. Sur le plan scientifique N’oublions pas que nous avons actuellement d’excellents stents nus et actifs avec un taux de thrombose extrêmement faible et un taux d’événements cardiaques à moyen terme lui aussi très limité. Par ailleurs, de multiples études randomisées nous permettent d’adapter au mieux nos choix de prothèses. Même vis-à-vis de la chirurgie de pontage aortocoronarien, nous savons exactement quels patients confier au chirurgien et vice-versa. Sur le plan scientifique, nos connaissances sur le « biodégradable » sont encore à « des années lumière » par comparaison à celles que nous avons sur les stents actifs et il est important de ré-écrire l’histoire afin que la boucle soit bouclée. Les patients randomisés dans ABSORB II n’ont que des lésions de novo à bas risque. Quid des patients multitronculaires, avec des troncs communs, des lésions de bifurcations, des lésions longues, calcifiées, tortueuses, ostiales voire des syndromes coronaires aigus ? Quid encore de la durée de la double antiagrégation plaquettaire ? Est-il intéressant d’avoir un stent biorésorbable si le temps de résorption est de 2 à 3 ans alors que le risque de thrombose tardive au-delà de 4 ans est faible avec les stents métalliques ? Lors de cette dégradation, n’y a-t-il pas un risque de migration embolique des picots qui sont parfaitement visibles à l’OCT ? Faut-il enfin recouvrir ces stents d’une substance antiproliférative, sachant que si le déploiement et la résorption du stent s’effectuent correctement, il n’y a pas d’intérêt à inhiber le processus cicatriciel ? Sur le plan de la santé publique Le seul stent actuellement commercialisé est le BVS dont le prix est encore trop prohibitif (2 000 euros). Certes la compagnie a réduit son coût de 30 % mais son non-remboursement en France limite encore son implantation dans l’Hexagone. Il faudra attendre les résultats de certains pays européens qui ont obtenu le remboursement et qui peuvent donc évaluer ce stent dans de nombreuses indications avant de se faire une idée de son devenir à 5 ans  Conclusion Après l’ère des angioplasties au ballon, des stents nus puis des stents actifs avec ou sans polymère, la cardiologie interventionnelle se dote aujourd’hui d’un nouvel outil avec l’apport du stent totalement biodégradable. Tout le travail actuel est de savoir avec précision quelle place il occupera demain dans notre arsenal thérapeutique. Faisons confiance aux améliorations technologiques concernant la nature des polymères et la libération des substances actives mais n’oublions pas qu’il devra permettre une cicatrisation complète de la paroi artérielle en restaurant l’intégrité de ses propriétés vasomotrices.

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