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Avis d'expert

Publié le 28 fév 2013Lecture 10 min

Facilitation de la conduction atrioventriculaire spontanée : mythes et réalités

S. GARRIGUE, Clinique Saint Augustin, Bordeaux

Au début des années 2000, des études cliniques multicentriques financées par tous les constructeurs de stimulateurs et défibrillateurs cardiaques ont clairement montré que plus on stimulait le ventricule droit (VD), plus le patient développait une arythmie atriale sur le moyen et le long terme. Pour couronner le tout, la stimulation VD s’avérait délétère sur le plan hémodynamique. Le fameux mode DDD avait définitivement perdu de son panache et de son efficacité.  

Certes il permet une coordination atrioventriculaire (AV), mais il augmente l’incidence des arythmies atriales avec une baisse de la fraction d’éjection ventriculaire gauche chez la majorité des patients. Les recommandations internationales, dès 2005, ont vite rectifié le tir en conseillant fortement de respecter la conduction AV spontanée si elle est présente de façon permanente ou si elle est bloquée de façon très occasionnelle (BAV complet paroxystique de survenue rare). Les recommandations ont privilégié ainsi les modes de stimulation atriale avec stimulation ventriculaire dite « de sauvetage » dans les cas de bloc AV paroxystiques. Cela a permis à de brillants ingénieurs de développer différents algorithmes souvent très élaborés, ardus à expliquer et difficiles à interpréter sur un plan électrocardiographique compliquant le choix de l’indication pour les rythmologues…   Nous présentons dans cet article quelques exemples à éviter tant par expérience personnelle que par l’enseignement que nous avons tous reçu.  De nouveaux modes de stimulation  Ces modes très particuliers de stimulation confèrent plus de sécurité au patient tout en respectant leur physiologie cardiaque : le ventricule n’est stimulé qu’à bon escient et si nécessaire sans jamais concurrencer le fonctionnement natif du cœur. Les résultats cliniques montrent que le mode de facilitation de la conduction AV préserve l’activité ventriculaire en cas de bloc AV tout en maintenant une stimulation ventriculaire inférieure à 1 % chez 65 % des patients. Cette fonction novatrice s’est imposée comme une référence dans le traitement des arythmies cardiaques, en raison de sa capacité à réduire de manière significative le nombre d’hospitalisations liées aux arythmies atriales et secondairement à l’insuffisance cardiaque congestive.  En conséquence, les stimulateurs cardiaques intègrent tous aujourd’hui ce nouveau mode de stimulation ; il est appelé « AAIsafeR » chez Sorin Group, « MVP pour Managed Ventricular Pacing » chez Medtronic, « IRS+ pour Intrinsic Rhythm Support » chez Biotronik, « VIP pour Ventricular Intrinsic Preference » chez St Jude Medical et enfin « RYTHMIQ » chez Boston.  Ces algorithmes sont-ils efficaces ?  Oui, ils le sont dans la très grande majorité des cas (figure 1), même si certains tracés ECG peuvent sembler inquiétants (figure 2). Un cardiologue si brillant échocardiographiste ou angioplasticien soit-il pourrait être très surpris par ce type d’électrocardiogramme si ses connaissances en stimulation cardiaque ne sont pas à jour. Or, il a déjà fort à faire pour garder une expertise au sein même de sa spécialité. Par conséquent, ne restent que deux solutions (qui peuvent très bien se combiner) :  • la première est de prêcher la bonne parole de façon permanente et de multiplier les réunions dites « informatrices » ;   • la seconde est d’avoir une permanence fax ou mail permettant de répondre aux inquiétudes légitimes de chacun. Aujourd’hui, deux marques programment leurs stimulateurs double chambre nominalement en mode « facilitation de la conduction AV spontanée » : Medtronic et Sorin Group. Donc, si un patient en BAV complet est implanté, il y aura de temps à autre pendant 2 à 3 secondes, des ondes « p » non suivies de ventricules stimulés. Il est clair que durant le suivi clinique, il est totalement inutile de garder cet algorithme actif. De plus, chez certaines personnes (notamment jeunes), ce « trou » ventriculaire peut être ressenti et si on ne connaît pas correctement l’algorithme activé, le patient peut être amené à subir plusieurs investigations parfois invasives, inutilement. Cette population très particulière dite « ventriculodépendante » est heureusement très minoritaire, ce pourquoi le fait d’opter pour des programmations nominales en mode « facilitation de la conduction AV spontanée » est plutôt utile, voire subtil.  Cependant, comme pour toute solution thérapeutique, ce mode de stimulation ne peut être idéal chez tout patient ; existe-t-il une population spécifique pour laquelle le mode « facilitation de la conduction AV spontanée » serait délétère ? Il en existe au moins trois types que l’on rencontre fréquemment, et qui sont illustrés ci-dessous.    Figure 1. Exemple de bloc AV paroxystique sur stimulateur Medtronic avec algorithme MVP activé. L’intervalle AP-VS est long (280 ms). Le 4e « AP » est bloqué au niveau des ventricules, et le « AP » suivant est suivi d’un délai AV court de 80 ms afin d’identifier « facilement » que l’algorithme MVP fonctionne normalement. Nous pourrions conclure par : « fonctionnement normal du stimulateur double chambre Medtronic face à un bloc AV paroxystique ».     Figure 2. Exemple de bloc AV paroxystique sur stimulateur Sorin Group avec mode AAIsafeR activé. Les 5 premiers spikes sont atriaux avec conduction AV spontanée longue (280 ms). Le premier astérisque désigne une stimulation atriale efficace, mais bloquée vers les ventricules. Même chose pour le second astérisque. Le mode AAIsafeR peut tolérer de 2 à 3 secondes de pause ventriculaire selon la programmation effectuée par le cardiologue. Passé ce délai, le stimulateur commute en mode DDD avec onde « p » stimulée ou détectée, délai AV programmé et stimulation ventriculaire. Nous pourrions conclure par : « fonctionnement normal du stimulateur double chambre Sorin Group face à un bloc AV paroxystique ».  Le PR long de repos Plus l’intervalle PR est long, plus il risque d’être délétère sur le plan hémodynamique (figure 3). Ainsi, un intervalle PR long que l’on entretient en activant (ou en n’ayant pas désactivé) un algorithme complexe, peut très bien engendrer une symptomatologie d’insuffisance cardiaque.    Figure 3. Chez ce patient (intervalle PR = 370 ms), si l’on privilégie la conduction atrioventriculaire spontanée (sinus rhythm), les ondes E et A mitrales sont confondues d’où une altération franche du remplissage VG. Il en résulte une diminution marquée de l’intégrale tempsvitesse (ITV) aortique. En raccourcissant le délai AV (VDD pacing), on rétablit une synergie efficace entre les ondes E et A mitrales avec ITV aortique augmentée.     Le meilleur ami du rythmologue reste assurément l’échocardiographiste et la bonne entente voire la complicité sont primordiales pour éviter les cas d’intervalle PR long destructeur.  Les différentes marques de stimulateurs sont directement concernées par ce cadrage. Sorin Group, par exemple, propose de programmer des temps limites de délai AV et de pause ventriculaire, pour lesquels l’algorithme basculera automatiquement en mode DDD classique avec le délai AV préprogrammé par l’implanteur. Dans ce cas, on peut éviter la bévue. Chez Medtronic, Boston et Biotronik, le délai AV n’est pas sous contrôle de l’opérateur. Certes les pauses ventriculaires seront courtes et la stimulation ventriculaire sera réduite au minimum, mais le stimuliste n’a pas la main sur l’hémodynamique éventuellement délétère de ce type de mode de stimulation. Il reste St Jude Medical qui, avec le mode VIP, n’ajoute qu’une hystérésis AV au délai AV programmé. L’algorithme est donc très simple et limité si le stimuliste ne programme pas méticuleusement la valeur de cette hystérésis en fonction de la conduction AV native du patient, avec l’aide de son collègue l’échocardiographiste. Si tous les deux se donnent un peu de temps, l’éventualité d’un délai trop long délétère sur le plan hémodynamique sera évitée.  L’avenir réside bien évidemment dans l’évaluation hémodynamique (et non électrique) automatique du délai AV, à l’aide de capteurs embarqués dans le stimulateur ou les sondes. Cela se fait déjà chez Sorin Group, un précurseur, et nous devinons tous que la concurrence va s’exprimer dans un temps record, cela va de soi. Le PR long d’effort L’intervalle PR peut être « relativement » long au repos mais sans effet délétère sur le plan hémodynamique. L’échocardiographiste a bien vérifié le remplissage VG et l’ITV aortique, et il certifie une bonne tolérance « Doppler » du mode « facilitation de la conduction AV spontanée » mais, au repos.  À l’effort, cela peut donner une toute autre image bien moins rassurante (figure 4). En effet, si les catécholamines n’ont aucun effet sur le système de conduction atrioventriculaire, on peut voir apparaître un syndrome du pacemaker à l’effort avec essoufflement rapide, gêne thoracique, et il ne serait pas étonnant que ce type de patient puisse « bénéficier » d’une coronarographie. Et si par malheur, on trouvait une sténose significative, il est à craindre qu’on se rue sur la pauvre sténose qui était restée bien muette depuis des années…  Encore une fois, seuls les algorithmes qui proposent des bornes programmables peuvent éviter cela, si l’on se donne la peine et le temps de les programmer, bien entendu.    Figure 4. Effet délétère de la stimulation AAIR avec conduction AV spontanée au cours d’une épreuve d’effort. L’intervalle PR s’allonge au fur et à mesure que l’effort s’intensifie et que la fréquence cardiaque augmente, jusqu’à reproduire un syndrome du pacemaker, à savoir une contraction atriale pendant la systole ventriculaire.  La sous-détection atriale… Si l’on tolère un intervalle PR particulièrement long, une tachycardie atriale peut être sous-détectée. En effet, comme le montre la figure 5, une onde atriale sur deux ne sera pas détectée par le stimulateur car tombant dans le blanking atrial postventriculaire. Dans ce cas, la fonction mémoire du stimulateur n’est plus fiable, et surtout le mode de stimulation n’est plus approprié. Ce sont des cas peu communs, mais qui se répètent si tous les patients avec intervalle PR très long (> 300 ms) sont programmés avec « facilitation de la conduction AV spontanée ». Encore une fois, l’algorithme débrayable (St Jude Medical et Sorin Group) permet au stimuliste de fixer une limite d’intervalle PR tolérable ou à moindre risque.  D’un point de vue empirique, plus le patient est stimulé sur l’oreillette (A) avec un intervalle AR long, plus cet intervalle va rapidement s’aggraver au cours du temps. Si l’on programme ces patients présentant une dysfonction sinusale sévère et des troubles de la conduction atrioventriculaire, en mode « pseudo-AAI », il faut les surveiller comme de l’huile sur le feu, régulièrement et minutieusement. Les algorithmes doivent être maîtrisés par le stimuliste afin de se sortir des griffes de l’électronique.     Figure 5. Tachycardie atriale non détectée par le stimulateur. En mode « facilitation de la conduction AV spontanée », le stimulateur ne voit pas une onde atriale sur deux (onde p’) et ne peut identifier une tachycardie atriale vraie. Il reste en mode pseudo-AAI car l’intervalle PR est si long que l’onde « p’ » se trouve dans le blanking atrial postventricule détecté. Si l’on abandonne le mode pseudo-AAI pour le mode DDD, un délai AV plus court fera sortir l’onde « p’ » du blanking atrial postventricule stimulé (si ce blanking n’est pas programmé trop long < 160 ms). Ainsi, la tachycardie atriale aura plus de chance d’être détectée par le stimulateur générant un repli approprié. En pratique Les algorithmes avec « facilitation de la conduction AV spontanée » sont très performants mais aussi souvent complexes et non débrayables. Devant un patient avec intervalle PR long, si l’on veut utiliser ces modes « pseudo-AAI », il faut bien distinguer les différences entre les marques de stimulateur, faire son choix en conséquence, et surtout suivre le patient à l’effort avec notre meilleur ami, l’échocardiographiste, et redoubler de vigilance si le patient est stimulé de façon permanente sur l’oreillette. 

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