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Valvulopathies

Publié le 19 avr 2005Lecture 10 min

Situations cliniques révélatrices d'une sténose artérielle rénale athéromatheuse : diagnostic et prise en charge

C. MOUNIER-VEHIER, F. BIAUSQUE et S. DUQUENOY, CHRU de Lille

Les Journées européennes de la SFC

La sténose artérielle rénale (SAR) est une des localisations de la maladie vasculaire athéromateuse.
Sa prévalence est en progression constante avec le vieillissement de la population. Elle est fréquemment associée à des lésions distales complexes, ischémiques et athéromateuses, entrant ainsi dans le cadre nosologique de la maladie vasculo-rénale. La SAR athéromateuse survient sur un terrain particulier : le sujet âgé, hypertendu de longue date, insuffisant rénal, diabétique, ou encore polyathéromateux. Elle est un marqueur de risque de mortalité cardio-vasculaire indépendant. Trois situations cliniques peuvent révéler la maladie vasculo-rénale : l’HTA, l’insuffisance rénale et un tableau cardiaque (œdèmes pulmonaires « flash », angor). Elle peut aussi être découverte fortuitement lors de la réalisation d’une exploration vasculaire invasive ou non (écho-Doppler, angioscanner hélicoïdal, angio-IRM). Si l’angioplastie rénale a démontré une certaine efficacité sur la réduction tensionnelle, il existe en revanche peu de données sur son bénéfice dans la cardiopathie hypertensive ou encore sur la protection néphronique.

Épidémiologie La sténose artérielle rénale (SAR) est une des localisations de la maladie vasculaire athéromateuse. Elle est fréquemment associée à des lésions intrarénales complexes, ischémiques et athéromateuses. Cette atteinte distale, encore appelée néphropathie vasculaire athéromateuse (NVA), est un problème de santé publique de plus en plus préoccupant puisque, si l'on se réfère à la base de données américaines, cette pathologie est retrouvée chez 12 à 14 % des nouveaux patients entrant dans un programme de dialyse, soit 14 % des insuffisances rénales chroniques. La prévalence de la SAR athéromateuse varie de 0,5 à 4 % chez les hypertendus non sélectionnés à 26 % chez les hypertendus suspects d’HTA secondaire, voire 30 % dans les situations d’HTA maligne. Elle est en progression constante en raison du vieillissement de la population et de l’exposition croissante aux facteurs de risque cardio-vasculaires (FRCV). La SAR athéromateuse est un marqueur de mortalité cardio-vasculaire (CV) indépendant. Les travaux de Conlon rapportent une diminution significative de la courbe de survie chez les patients coronariens ayant une SAR athéromateuse ; dans cette étude, la SAR était le facteur prédictif le plus puissant de mortalité CV, supérieur aux autres facteurs tels que l’insuffisance cardiaque congestive, la baisse de la fraction d’éjection ou la créatininémie. Une autre étude suédoise rapporte une augmentation du risque relatif de mortalité totale de 3,3 et du risque relatif de mortalité CV de 5,7 chez le patient hypertendu en présence d’une SAR athéromateuse.   Tableaux cliniques de la SAR athéromateuse La SAR athéromateuse survient le plus souvent sur un terrain particulier : sujet âgé, hypertendu de longue date, insuffisant rénal, diabétique, ou encore polyathéromateux.   La SAR peut être découverte fortuitement Cette situation clinique est de plus en plus fréquente chez le patient polyathéromateux. Ces patients vont, en effet, bénéficier d’un bilan vasculaire exhaustif qui va faire découvrir la SAR, nécessitant alors une évaluation précise de la balance bénéfice/risque d’une revascularisation. À titre d’exemple, une SAR peut être découverte au cours d'une artériographie des membres inférieurs dans 36,2 à 50 % des cas ou d'une angiocoronarographie dans un tiers des cas. Figure 1. Éléments physiopathologiques de la maladie vasculo-rénale athéromateuse. DSR : débit sanguin rénal. DFG : débit de filtration glomérulaire. SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone IRC : insuffisance rénale chronique. Trois tableaux cliniques peuvent révéler la SAR et, de manière plus générale, la maladie vasculo-rénale athéromateuse (tableau et figure 1) : L’HTA, circonstance de découverte très fréquente et la mieux connue. Elle est souvent sévère dans ce contexte et résistante à une polythérapie. Elle peut être d’apparition ou d’aggravation récente chez un sujet âgé de plus 50 ans. Toutefois, l’HTA réellement secondaire à la SAR, qualifiée par certains d’HTA rénovasculaire, est une situation beaucoup plus rare dans ce contexte athéromateux. La rénine-dépendance de l’HTA, qui traduit l’hypoperfusion rénale, est, en effet, rarement mise en évidence, l’HTA étant plutôt volo-dépendante. L’HTA s’intègre par ailleurs dans le cadre des HTA de type « vasculaire », à prédominance systolique, qui sont associées à une importante rigidité artérielle. L’HTA est donc plutôt d’origine multifactorielle. La SAR vient aggraver l’évolution de cette HTA souvent ancienne (> 2 ans) chez des patients porteurs également de lésions distales (néphroangiosclérose, athérome, ischémie). Ces données physiopathologiques permettent de comprendre pourquoi les examens fonctionnels tels que la scintigraphie rénale avec test au captopril ou encore les dosages de rénine-aldostérone sont souvent peu contributifs à la prise en charge. L’insuffisance rénale est une autre situation, de plus en plus fréquente, qui peut révéler la maladie vasculo-rénale. Une cause vasculaire est d’autant plus évoquée que l’insuffisance rénale est rapidement évolutive et sans protéinurie. De même, une aggravation datée d’une insuffisance rénale lors de l’introduction d’un agent bloqueur du système rénine angiotensine (SRA), ou encore une trop bonne réponse tensionnelle à l’introduction de cette classe pharmacologique doivent faire rechercher une SAR. La SAR peut enfin se manifester par un tableau cardiaque. Il s’agit d’une situation clinique classique mais moins bien connue car plus rare et peu étudiée. Il peut s’agir de l’apparition ou de l’aggravation d’un angor, d’une insuffisance cardiaque congestive, dont le tableau le plus caractéristique est celui d’œdèmes aigus pulmonaires (OAP) « flash » à répétition chez un sujet hypertendu âgé dont la contractilité myocardique est conservée. La prévalence de la SAR athéromateuse chez les personnes de plus de 65 ans ayant une insuffisance cardiaque de type diastolique est d’environ 34 %. Cette relation entre décompensations cardiaques et SAR serait attribuée à une rétention hydrosodée et une augmentation de la perméabilité de la microcirculation pulmonaire induite par l’angiotensine II. Les OAP « flash », dénommés ainsi en raison de leur survenue rapide, sont d’autant plus fréquents que les SAR sont bilatérales et/ou associées à une néphropathie. L’hypothèse de l’ischémie rénale, comme facteur déclenchant d’épisodes de décompensations cardiaques, a été étayée depuis par la démonstration de l’efficacité remarquable de l’angioplastie rénale sur la prévention de nouvelles récidives de décompensations cardiaques chez ces patients.   Hypothèses physiopathologiques   Rôle du SRA Le SRA est un acteur majeur de la régulation du système cardio-vasculaire. Il est un des principaux acteurs de l’autorégulation du débit sanguin rénal. À partir d’un certain degré de rétrécissement, l’hypoperfusion du rein, en aval de la SAR, induit une vasodilatation de l’artériole préglomérulaire. Il en résulte une synthèse de rénine au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire puis une synthèse d’angiotensine II, qui va être responsable d’une vasoconstriction de l’artériole efférente pour maintenir la filtration glomérulaire constante. Ces effets bénéfiques pour le rein porteur de la SAR vont être contrebalancés par les effets délétères, tissulaires et systémiques, de l’angiotensine II. Cette hormone agit, en effet, sur le remodelage vasculaire et tubulo-interstitiel ; il en résulte des lésions atrophiques qui participent à la réduction de la masse néphronique et à la progression de l’insuffisance rénale. L’angiotensine II agit également : • sur la régulation de la pression artérielle, induisant ou aggravant une HTA systémique à prédominance systolique ; • sur le remodelage vasculaire. L’activation du SRA et la synthèse d’angiotensine II sont, de plus, délétères pour le cœur, avec des effets : cellulaire direct, d’activation du système sympathique, vasoconstricteur et sur l’expression des proto-oncogènes ; il peut en résulter une action inotrope positive, une dysfonction diastolique, une hypertrophie myocardique et une ischémie myocardique (figures 2). Figure 2. Critères permettant l’évaluation de la balance bénéfice/risque de la revascularisation pour chaque patient. DFG : débit de filtration glomérulaire. Indications de la revascularisation rénale La décision de revasculariser une SAR athéromateuse tient compte de plusieurs paramètres : • la situation clinique, maîtrisée ou non ; • le caractère fortuit du diagnostic ; • le caractère uni- ou bilatéral, serré ou non de la SAR (> 70 %) ; • l’état des reins ; • les comorbidités associées (figure 3). Figure 3 : Cas d’un patient opéré d’un anévrisme de l’aorte et chez qui on a découvert des SAR bilatérales et serrées dans un contexte d’HTA sévère avec insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine plasmastique = 60 ml/min). 3a : Angio-IRM de l’aorte et des artères rénales. 3b : Artériographie des artères rénales avant angioplastie. 3c : Contrôle angiographique immédiatement après l’angioplastie bilatérale avec stenting. La prise en charge de la SAR athéromateuse associera dans tous les cas un traitement médical optimisé de l’athérothrombose (statines et antiagrégants plaquettaires), une surveillance étroite des lésions, qu’elles soient revascularisés ou non (une à deux fois par an) et une prise en charge adaptée des autres sites de la maladie athéromateuse.   Éléments de bon pronostic Un certain nombre de paramètres sont considérés comme de bon pronostic et incitent à proposer un geste d’angioplastie, en présence d’une SAR significative, c’est-à-dire une réduction de la lumière artérielle > 60 % en diamètre : • l’âge < 65 ans, • une protéinurie non détectable, • une microalbuminurie < 200 mg/minute, • une créatinine plasmatique comprise entre 15 et 30 mg/l (une élévation de la créatininémie > 20 mg/l traduit le plus souvent une atteinte rénale bilatérale) , • une aggravation datée de la fonction rénale sous traitement antihypertenseur. Très récemment, dans une étude sur 27 patients hypertendus réfractaires, Silva et coll. ont rapporté qu’un taux de BNP > 80 pg/ml est un marqueur de bon pronostic quant au succès de l’angioplastie ; l’élévation du BNP traduirait l’activation rénale du SRA.   Éléments de mauvais pronostic Certains marqueurs morphologiques témoignent au contraire d’une atteinte rénale évoluée. Il s’agit principalement de la taille du rein et plus récemment de l’épaisseur corticale moyenne au scanner rénal. La diminution de la taille du rein traduit l’existence de lésions déjà matures ; elle est un marqueur de mauvais pronostic en dessous de 8 cm. De même, une diminution de l’épaisseur corticale moyenne en dessous d’une valeur seuil de 8 mm, à taille rénale préservée, témoigne d’une atteinte vasculaire distale associée à la SAR. L’évaluation des résistances vasculaires intrarénales par l’écho-Doppler est aussi intéressante pour évaluer l’état de la vascularisation intrarénale. La diminution des résistances artériolaires, en présence d’une SAR, est un argument en faveur de son caractère hémodynamiquement significatif. À l’opposé, un index de résistance vasculaire > 80 au niveau du rein controlatéral est un marqueur de sévérité témoignant de lésions structurelles évoluées.   Bénéfices de l’angioplastie Les essais cliniques montrent que l’angioplastie va aggraver l’insuffisance rénale dans un tiers des cas. Le bénéfice de l’angioplastie sur la protection néphronique n’est, du reste, pas encore démontré. Les résultats de l’angioplastie sont parallèlement très décevants en ce qui concerne le contrôle de l’HTA au vu de la métaanalyse de Nordmann qui a inclus les essais DRASTIC, EMMA et SNRASCG. Cette métaanalyse a montré que l’angioplastie permet la diminution non significative de la PAS de 7 mmHg et de la PAD de 3 mmHg, comparativement au traitement médical, avec une réduction moyenne de 1,5 traitement antihypertenseur. Il existe peu de données concernant le bénéfice de la revascularisation rénale sur les tableaux d’une insuffisance cardiaque. Gray a toutefois récemment montré une diminution de la fréquence des OAP « flash », une diminution du nombre d’épisodes de décompensation cardiaque et un moins grand nombre d’hospitalisations des patients au décours d’une angioplastie rénale, notamment en cas de SAR bilatérale.   Pour la pratique Face à un diagnostic de SAR, les pièges à éviter : - prétendre que l’HTA est forcément secondaire à la lésion ; - prétendre que la SAR est l’unique cause de la détérioration de la fonction rénale ; - garder un réflexe « oculo-sténotique » conduisant à l’angioplastie devant toute lésion > 50 % ; - intervenir sur des lésions n’ayant pas de retentissement hémodynamique. À l’opposé, les situations cliniques non maîtrisées comme les œdèmes pulmonaires répétés, l’insuffisance rénale rapidement évolutive, l’HTA maligne et l’HTA résistante sont des indications formelles de revascularisation car elles mettent en jeu le pronostic vital du patient. La décision de revasculariser doit aussi tenir compte du risque de resténose et de thrombose de l’endoprothèse avec infarctus rénal, du risque d’embols de cholestérol, du risque de néphrotoxicité des produits de contraste et des comorbidités.   Points forts   La SAR athéromateuse est un marqueur de mortalité cardio-vasculaire indépendant, témoignant d’une maladie vasculaire diffuse. La SAR athéromateuse survient le plus souvent sur un terrain particulier : sujet âgé, hypertendu chronique, insuffisant rénal, diabétique, ou encore patient polyathéromateux. La SAR peut être de découverte fortuite ou, au contraire, se manifester par un tableau clinique souvent sévère et difficile à contrôler. Il peut s’agit d’une HTA, d’une insuffisance rénale évolutive ou encore d’un tableau cardiaque (OAP « flash », angor). La décision de revasculariser une SAR athéromateuse tient compte de plusieurs paramètres : la situation clinique non maîtrisée, le caractère fortuit du diagnostic, le caractère uni ou bilatéral, serré ou non de la SAR (> 70 %), l’état des reins et les comorbidités. La décision de revasculariser doit tenir compte des risques de re-sténose et de thrombose de l’endoprothèse avec infarctus rénal, d’embols de cholestérol et de néphrotoxicité des produits de contraste. La prise en charge d’une SAR athéromateuse doit être personnalisée pour chaque patient et prendre en compte la balance bénéfice/risque de la revascularisation en regard d’un traitement médical optimisé et d’une surveillance étroite des différents sites de la maladie athéromateuse.

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