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Études

Publié le 18 jan 2005Lecture 8 min

RIO-North America : un tournant dans la prise en charge de l'obésité

M. NGUYEN

AHA 2004

L’année 2004 devrait marquer un tournant dans la prise en charge de l’obésité, du syndrome métabolique et des risques cardio-vasculaires associés. En effet, à chacun des grands congrès que sont l’ACC, puis l’ESC et enfin l’AHA, cardiologues et diabétologues ont uni leurs efforts pour inciter les praticiens à ne plus considérer l’obésité comme un problème esthétique, mais comme une véritable maladie. Les résultats de RIO-North America ont été présentés et sont concordants avec ceux de RIO-Europe.

Dans sa pratique quotidienne, le corps médical, comme le remarque J.-P. Després (université de Laval, Québec), est souvent perplexe devant l’extraordinaire hétérogénéité des patients obèses : certains présentent une adiposité substantiellement excessive, mais peuvent néanmoins avoir un profil métabolique normal, alors que d’autres, en surcharge pondérale bien plus modérée, ont déjà des complications métaboliques et cardio-vasculaires. C’est ainsi que, en travaillant depuis plus d’une quinzaine d’années sur ces populations de malades obèses, J.-P. Després a précisé les caractéristiques différentielles de ces deux populations tout en rendant hommage aux travaux précurseurs de J. Vague (Marseille). Les études épidémiologiques utilisent des variables anthropométriques comme le rapport taille/hanche pour définir l’adiposité abdominale ; toutefois, aujourd’hui des techniques d’imagerie sophistiquées, comme le scanner ou l’IRM, permettent de distinguer avec précision les dépôts de graisse abdominale ou viscérale de la graisse sous-cutanée. Et c’est grâce à ces progrès techniques, comme le souligne J.-P. Després, que l’on peut désormais affirmer que le tour de taille est bien la meilleure mesure anthropométrique pour diagnostiquer une obésité viscérale. Ce qui est intéressant à souligner, c’est que cette mesure est également applicable aux femmes, comme le prouve une étude menée pendant 7 ans sur une population féminine.   Une dyslipidémie athérogène Depuis une dizaine d’années, on sait que les obèses présentent souvent une hypertriglycéridémie et un taux bas de HDL cholestérol. Par ailleurs, il a été montré récemment (Circulation 2000) que la réduction du taux de HDL chez ces sujets obèses explique l’augmentation du rapport cholestérol total/HDL, lequel est considéré comme un puissant facteur prédictif du risque cardio-vasculaire. On sait aussi plus précisément qu’il y a, chez les patients à risque, davantage de petites particules de LDL athérogènes et une concentration accrue d’apolipoprotéines B définissant le risque athérogène ; or, ces indications n’apparaissent pas dans un bilan lipidique classique de routine. Et c’est tout l’intérêt des travaux des 5 dernières années que d’avoir identifié la triade à risque associant une hyperinsulinémie à jeun, une augmentation du taux des apolipoprotéines B et une augmentation du taux des petites particules LDL, puisqu’elle multiplie par 20 le risque de survenue d’une maladie coronaire chez un homme d’âge moyen, atteint d’une obésité abdominale. Pour J.-P. Després, cette hypertriglycéridémie avec obésité abdominale est le phénotype qui définit le patient à risque athérothrombotique. Sur le plan biologique, on peut observer dans cette population toute une série d’anomalies à rechercher : une résistance à l’insuline, une hyperinsulinémie, une intolérance au glucose, un diabète de type 2, une hypertriglycéridémie, une hypoalphalipoprotéinémie, une hyperapolipoprotéinémie B de petites particules hautement athérogènes LDL et HDL, une hyperlipémie postprandiale, une hypertension artérielle, des troubles de la fibrinolyse avec un risque accru de thrombose par suite d’une augmentation du taux de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène et du fibrinogène, d’une augmentation des facteurs inflammatoires que sont l’interleukine IL6 et de la protéine C réactive et, enfin, une dysfonction endothéliale. Toutes ces données expliquent pourquoi il ne faut pas prendre l’obésité à la légère et ne plus se contenter d’un simple rapport poids/taille pour en estimer la gravité, ce qui devrait impliquer à terme un changement de la définition généralement admise de l’obésité.   Des projections épidémiologiques catastrophiques Deux enquêtes de population réalisées à 10 ans d’intervalle aux États-Unis montrent que la prévalence du syndrome métabolique chez les adultes de plus de 20 ans est passée de 23 à près de 28 %, ce qui permet d’estimer à plus de 50 millions le nombre de personnes concernées. Cette différence ne peut en aucun cas s’expliquer par un changement de la méthodologie de l’enquête, mais par une modification des habitudes alimentaires et de l’hygiène de vie, qui consistent, pour aller plus vite à prendre la voiture, l’ascenseur au lieu de marcher tout simplement. Mais on commence seulement à prendre conscience de la gravité de la situation : dans un article paru dans Diabetes Care en octobre 2004, E. Ford explique que le syndrome métabolique donne un éclairage sur l’état de santé de la population, que c’est un indicateur préoccupant qui annonce une augmentation de la prévalence du diabète et des maladies cardio-vasculaires, mais qu’il n’est pas sûr que l’ensemble des professionnels de santé en soient conscients et fassent tout le nécessaire pour dépister les malades, les prendre en charge et les conseiller pour que, par une modification de leur style de vie, ils puissent éviter l’évolution vers le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Le problème n’est pas seulement américain, il est mondial mais, comme souvent, les progrès viennent avec la recherche d’une solution thérapeutique. La bonne nouvelle, révélée par une étude scandinave il y a 2 ans au congrès mondial du diabète, c’est que, au stade de prédiabète, c’est-à-dire de syndrome métabolique, une perte de 5 à 10 % du poids suffit à réduire de 30 % l’adiposité viscérale, améliorant le profil lipidique, la sensibilité à l’insuline, la susceptibilité à la thrombose, les marqueurs d’inflammation et la fonction endothéliale. Le drame, explique J.-P. Després, c’est que nous sommes prisonniers de notre environnement qui nous facilite trop la vie, contribuant à nous sédentariser de plus en plus, tant au bureau, avec les systèmes de visioconférences, qu’en dehors ; de plus, l’alimentation rapide et peu onéreuse rassasie avant même qu’on ait faim, au grand dam de notre « ceinture » de sécurité.   Système endocannabinoïde et équilibre énergétique La découverte récente des récepteurs endocannabinoïdes, de leurs ligands naturels, les endocannabinoïdes, a singulièrement accéléré le programme de recherche visant à découvrir le rôle physiologique de ce système. C’est ainsi qu’on a appris que le système endocannabinoïde, comprenant des récepteurs et des messagers, intervient dans l’équilibre pondéral et les métabolismes lipidique et glucidique, et qu’il joue un rôle dans la dépendance tabagique. Les endocannabinoïdes, qui sont les médiateurs de ce système, activent les récepteurs CB1 que l’on trouve tant au niveau du système nerveux central qu’en périphérie, en particulier des adipocytes qui sont non pas des réserves, mais des cellules actives impliquées dans le métabolisme. Normalement, le système endocannabinoïde (EC) est activé en réponse à un stimulus pour restaurer l’équilibre tissulaire ou cellulaire. Comme l’a montré le Pr Pagotto, l’activation physiologique est brève, limitée dans le temps et l’espace. Les récepteurs centraux, après une période de jeûne, déclenchent la prise alimentaire. L’activation s’observe au niveau du noyau accumbens, une zone sous-corticale que l’on pense impliquée dans la motivation et l’appétit. Toutefois, le système EC est impliqué à différents niveaux périphériques de l’équilibre énergétique, en particulier au niveau du tube digestif et des adipocytes. Ainsi, il stimule la lipogenèse, permettant l’accumulation des graisses, la modulation de l’expression de l’adiponectine, une hormone impliquée dans les métabolismes glucidique et lipidique. In fine, le système EC participe à l’équilibre énergétique et contrôle le besoin physiologique de la prise alimentaire et le stockage énergétique.   Une nouvelle voie thérapeutique À partir de là, il était concevable qu’un inhibiteur des récepteurs EC pourrait ouvrir une nouvelle voie thérapeutique, ce qui a conduit en 1994 à la mise au point par la recherche Sanofi Aventis du premier bloqueur sélectif des récepteurs CB1, véritable tournant dans la prise en charge de l’obésité et des facteurs de risque cardio-vasculaires associés à cette maladie. Le clonage et la caractérisation des récepteurs endocannabinoïdes humains et de leurs agonistes et antagonistes spécifiques ont conduit à la mise au point de différentes molécules dont le potentiel d’activité a été évalué. C’est ainsi que le rimonabant a été sélectionné pour son action puissante et sélective sur le contrôle de l’hyperactivité du système EC. Après le passage avec succès des études préliminaires de vérification de l’activité et de la tolérance, un vaste programme de recherche clinique a été mis sur pied d’emblée au niveau mondial pour évaluer l’effet de ce produit sur le contrôle pondéral et le sevrage tabagique : à savoir le programme RIO (Rimonabant In Obesity) et STRATUS (Studies with Rimonabant And Tobacco USe).   Résultats de RIO-North America F. X. Pi-Sunyer (université de Columbia) a présenté les résultats de RIO-North America, étude multicentrique randomisée, réalisée en double aveugle versus placebo ; cet essai phase III a été conduit sur une population de 3 040 patients, en grande majorité des femmes, âgées de 45 ans en moyenne et traitées pendant une période de 2 ans. Les patients ont reçu soit un placebo, soit du rimonabant à la dose de 5 ou de 20 mg/j. L’objectif était double : déterminer si le traitement actif permettait une perte de poids au cours de la première année, puis le maintien de cette perte de poids l’année suivante. L’étude avait aussi pour objectif d’apprécier une éventuelle réduction des facteurs de risque cardio-vasculaire, de contrôler l’impact sur le métabolisme glucidique et lipidique et, enfin, de voir la sécurité d’emploi et la tolérance de ce nouveau produit. Après une période de screening d’une semaine, l’ensemble des patients a été mis sous un régime légèrement hypocalorique (une réduction de 600 kal/j par rapport aux besoins usuels) pendant 4 semaines au bout desquelles ils ont été randomisés en trois groupes. Au bout de la première année, les patients ont été à nouveau randomisés pour la seconde période de 52 semaines. Les résultats présentés par F. X. Pi-Sunyer démontrent qu’un traitement par rimonabant 20 mg permet une baisse significative du poids, de l’adiposité viscérale abdominale, et entraîne une réduction des risques cardio-vasculaires et métaboliques chez les patients : le tour de taille est en moyenne diminué de 8 cm, 62,5 % des sujets sous rimonabant 20 mg ont eu une perte de plus de 5 % de leur poids. Les paramètres biologiques ont, eux aussi, été améliorés de façon significative : diminution de 24,5 % du HDL cholestérol, réduction de 9,9 % du taux des triglycérides avec, par ailleurs, une amélioration de la sensibilité à l’insuline.   Une bonne sécurité d’emploi Rimonabant à la dose de 20 mg, dose la plus efficace, s’est montré sûr et bien toléré sur cette période de 2 ans. Les effets secondaires ont été le plus souvent bénins et transitoires avec peu de différences entre les trois groupes. L’ensemble des patients a été soumis aux tests par les échelles de dépression et, là encore, il n’y avait pas de différence notable entre les trois groupes, et pas non plus de modification de l’ECG ou du rythme cardiaque. Aussi, F. X. Pi-Sunyer a-t-il pu conclure que ces nouveaux résultats, concordant avec ceux de RIO-Europe, suggèrent que le rimonabant pourrait devenir une pièce maîtresse de la lutte contre les facteurs de risque cardio-vasculaire.

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