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Valvulopathies

Publié le 10 juin 2008Lecture 8 min

Rétrécissement aortique calcifié : quand est-il trop tard pour opérer ?

B. IUNG, hôpital Bichat, Paris

Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est désormais la valvulopathie la plus fréquente dans les pays occidentaux. Compte tenu de la prédominance de l’étiologie dégénérative, le RAC concerne une majorité de patients âgés présentant souvent des comorbidités et chez qui le risque du remplacement valvulaire aortique (RVA) est parfois élevé. À l’heure du développement de nouveaux traitements moins invasifs que la chirurgie, il est utile de faire le point sur les indications opératoires en cas de RAC serré chez les patients chez qui la chirurgie est à haut risque.

Résultats de la chirurgie cardiaque   Déterminants de la mortalité opératoire La mortalité opératoire du remplacement valvulaire aortique est conditionnée par de multiples données : âge, fonction ventriculaire gauche, comorbidités et modalités de l’intervention. Comme pour toute chirurgie cardiaque, le risque opératoire augmente avec l’âge, en particulier après 70 ans. Cela est particulièrement important dans le cas du RAC compte tenu de l’âge des patients. La mortalité opératoire du RVA chez l’octogénaire est en moyenne de 10 % (tableau 1) avec toutefois des différences selon les séries, qui tiennent en partie à la sélection des patients. L’altération de la fonction systolique ventriculaire gauche est tardive dans le RAC. La dysfonction ventriculaire gauche augmente le risque opératoire, surtout lorsqu’elle est sévère. La mortalité opératoire est estimée entre 10 et 20 % lorsque la fraction d’éjection ventriculaire gauche est inférieure à 35 % (tableau 2). Les comorbidités contribuent aussi à l’augmentation du risque opératoire. La plus fréquente est l’insuffisance coronaire qui est présente chez 30 à 50 % des patients opérés en raison d’un RAC. Dans tous les registres chirurgicaux, l’association d’un pontage coronaire augmente d’au moins 50 % la mortalité opératoire du RVA. Cela peut s’expliquer par la prolongation de geste opératoire mais aussi par le fait qu’il s’agit de patients polyartériels, l’ensemble des localisations athéromateuses augmentant le risque opératoire. Outre l’athérosclérose, les deux comorbidités ayant un impact important sur le risque opératoire sont l’insuffisance respiratoire et l’insuffisance rénale. L’évaluation des comorbidités est particulièrement importante dans le bilan préopératoire du RAC chez le sujet âgé, en raison de leur fréquence et de leur impact sur le risque opératoire. La réalisation de la chirurgie en urgence est un facteur majeur d’augmentation du risque opératoire dans toutes les séries. Les différents facteurs déterminant le risque opératoire peuvent être combinés dans des scores multivariés dont le but est d’estimer la mortalité opératoire pour un patient donné en fonction de ses caractéristiques. L’Euroscore a l’avantage d’être un score simple à utiliser pour l’ensemble de la chirurgie cardiaque. Bien qu’initialement élaboré surtout pour la chirurgie coronaire, il a également été validé pour les cardiopathies valvulaires.   Résultats tardifs du remplacement valvulaire aortique Une fois passée la période postopératoire, le pronostic est globalement bon, l’espérance de vie des patients redevenant comparable à celle d’une population générale. Il faut souligner que ces bons résultats tardifs concernent également les patients à haut risque. En particulier la survie relative, c’est-à-dire comparée à la survie attendue dans une population de même âge et de même sexe, est meilleure après 70 ans qu’avant. L’espérance de vie est également bonne à distance du RVA chez les patients qui présentaient une dysfonction ventriculaire gauche préopératoire. Cela s’explique notamment par le fait que la fonction systolique ventriculaire gauche s’améliore souvent en postopératoire. Outre son impact sur l’espérance de vie, le RVA entraîne le plus souvent une franche amélioration de la qualité de vie, que ce soit sur des indices physiques ou psychologiques.   Déterminants du pronostic spontané Les résultats de la chirurgie du RAC doivent bien évidemment être analysés en fonction du pronostic spontané des patients chez lesquels l’intervention est discutée.   Pronostic spontané du RAC Les études d’histoire naturelle remontant aux années 1960 ont montré que la médiane de survie des patients présentant un RAC est de 4 à 5 ans après l’apparition des symptômes et inférieure à 2 ans en cas d’insuffisance cardiaque. Des données plus récentes concernant les patients âgés ont montré que la sévérité des symptômes et la dysfonction ventriculaire gauche sont des facteurs importants du pronostic spontané. Dans la série de Bouma et coll., la survie à 3 ans en l’absence d’intervention n’était que de 20 % chez des patients âgés de plus de 70 ans présentant un RAC serré en classe III ou IV de la NYHA avec une dysfonction ventriculaire gauche. Ces données soulignent l’importance de mettre en perspective le risque opératoire et les résultats de chirurgie avec le pronostic spontané. Cela est particulièrement important en cas de dysfonction ventriculaire gauche. En effet, si la dysfonction ventriculaire gauche augmente le risque opératoire, elle aggrave aussi considérablement le pronostic spontané si bien qu’en pratique, les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche sont ceux qui bénéficient le plus de la chirurgie du RAC (figure 1). Figure 1. RAC serré avec dilatation et dysfonction ventriculaire gauche. Espérance de vie L’indication opératoire doit également tenir compte de l’espérance de vie des patients en fonction de leur âge et de leurs comorbidités. En particulier, il paraît logique de récuser une indication de RVA si l’espérance de vie du patient est plus compromise par son âge ou ses comorbidités que par le RAC. Ainsi, l’espérance de vie en France à 80 ans est d’environ 9 ans pour une femme et 7 ans pour un homme. À 85 ans, l’espérance de vie est de 6 ans pour une femme et 5 ans pour un homme. En cas de RAC serré symptomatique sans insuffisance cardiaque, l’amélioration de l’espérance de vie peut donc être considérée comme un objectif justifié autour de 80 ans mais plus discutable après 85 ans. Le RVA peut cependant être envisagé après 85 ans dans un but d’amélioration fonctionnelle chez des patients très symptomatiques. De même, l’espérance de vie peut être sévèrement compromise en raison de comorbidités. Ce sont en général les mêmes comorbidités (notamment l’insuffisance respiratoire et l’insuffisance rénale) qui augmentent de façon importante le risque opératoire et compromettent l’espérance de vie, indépendamment de la cardiopathie. Dans ces cas, l’analyse du rapport bénéfice/risque peut conduire à récuser l’indication de la chirurgie. La décision peut être aidée par des scores permettant d’estimer l’espérance de vie d’un patient en fonction de son âge et de ses comorbidités.   Recommandations Dans les recommandations récentes de la Société européenne de cardiologie (tableau 3), comme dans les recommandations américaines de 2006, l’âge en soi n’est pas une contre-indication au RVA. En outre, les recommandations européennes précisent qu’il n’y a pas de limite inférieure de la fraction d’éjection ventriculaire gauche pour envisager la chirurgie lorsque le gradient aortique moyen est supérieur à 40 mmHg (figure 2). Lorsque le gradient est plus faible, l’échocardiographie sous dobutamine est un élément additionnel de stratification du risque (figure 3). Figure 2. RAC serré avec gradient aortique moyen à 71 mmHg. Figure 3. RAC serré avec en bas débit avec gradient aortique moyen à 25 mmHg. Plus généralement, les recommandations soulignent que la décision opératoire doit prendre en compte l’ensemble des caractéristiques du patient et ainsi appréhender le rapport risque/bénéfice de l’intervention par rapport au pronostic spontané. Il est rare que le caractère évolué de la cardiopathie ou l’âge avancé d’un patient soit la seule raison pour récuser l’indication chirurgicale dans un RAC serré. En revanche, ces éléments peuvent contribuer à une décision d’abstention chirurgicale lorsque d’autres éléments, en particulier les comorbidités risquent d’augmenter encore le risque opératoire et compromettent le résultat de la chirurgie en termes d’espérance et de qualité de vie. En pratique, il semble toutefois que l’âge avancé et la dysfonction ventriculaire gauche conduisent trop souvent à récuser l’intervention chirurgicale. D’après les données de l’Euro Heart Survey, un tiers des patients de plus de 75 ans très symptomatiques présentant un RAC serré sont récusés pour la chirurgie. En analyse multivariée, les deux facteurs associés à une décision de ne pas opérer sont l’âge et la dysfonction ventriculaire gauche, alors que les comorbidités ne sont pas significativement liées à la décision thérapeutique.   Perspectives futures La possibilité d’implanter une prothèse aortique par voie percutanée est apparue récemment (cf.Cardiologie Pratique n°831). Compte tenu de l’efficacité reconnue de la chirurgie, les premières procédures ont été réservées à des patients à haut risque chez qui la chirurgie était formellement contre-indiquée. Cela explique que les résultats initiaux aient plus été compromis par les comorbidités que par la procédure elle-même. Toutefois, la durabilité du substitut valvulaire semble prometteuse, avec un recul dépassant 3 ans chez les premiers patients. Ces résultats préliminaires ont conduit à des études élargissant les indications chez des patients dont le risque opératoire du RVA est élevé sans toutefois être prohibitif (risque prédit par l’Euroscore(3) 20 %). Ces études permettront de mieux évaluer les résultats à moyen terme des prothèses aortiques implantées par voie percutanée artérielle rétrograde. Chez les patients dont l’état artériel ne permet pas un abord endovasculaire, la prothèse peut être implantée par une chirurgie mini-invasive utilisant un abord transapical.   En pratique   Il n’est pas possible de répondre de façon simple à la question : quand est-il trop tard pour opérer un patient présentant un RAC, en particulier sur la base d’un seul critère ? Même si le risque opératoire augmente avec l’âge et la dysfonction ventriculaire gauche, le rapport risque/bénéfice est le plus souvent en faveur de l’intervention, à l’exception des patients très âgés. En revanche, les comorbidités sont davantage de nature à restreindre les indications opératoires. La décision thérapeutique doit reposer sur l’analyse de l’ensemble des caractéristiques du patient et les scores de risque, malgré leurs limites, sont utiles afin de réduire la subjectivité des évaluations. Ces décisions difficiles doivent faire l’objet d’une concertation entre cardiologues, chirurgiens et anesthésistes et prendre en compte les souhaits du patient et de son entourage à l’issue d’une information des risques et des bénéfices des différentes attitudes. Lorsque l’indication opératoire est récusée, l’intérêt des nouvelles techniques d’implantation de prothèses aortiques par voie percutanée représente une alternative dont les résultats seront mieux précisés dans un proche avenir. Enfin, les difficultés inhérentes aux indications opératoires dans ces situations sont l’opportunité de rappeler l’importance d’une évaluation précoce des valvulopathies afin de discuter l’intervention à un stade où le risque de l’intervention est moindre.

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