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Réadaptation

Publié le 06 fév 2007Lecture 7 min

Réadaptation cardiaque : pourquoi ? pour qui ? comment ?

A. BELIN, centre hospitalier de Trouville

Condition physique et degré d’activité physique régulière conditionnent étroitement le bon fonctionnement cardiovasculaire. La première observation du bénéfice de l’exercice, dans l’angor remonte à 1772 ; elle fut rapportée par Heberden et relatait la diminution de l’angor chez un bûcheron au terme d’une saison de travail comparativement aux périodes de repos.

Les bénéfices de l'entraînement à l'effort Ils sont multiples et désormais bien connus : • diminution de la demande en oxygène à l’effort et recul du délai d’apparition de l’ischémie myocardique du fait de l’entraînement, • préconditionnement à l’ischémie chez le patient coronarien (la récurrence d’épisodes ischémiques brefs et réversibles diminuerait la taille de la nécrose lors de l’occlusion coronaire et semblerait limiter la mortalité liée à l’infarctus), • amélioration de la vasodilatation endothélium-dépendante, de l’ischémie myocardique (travaux d’Hambrecht), • effet antiagrégant, • diminution du tonus sympathique et augmentation du parasympathique (effet antiarythmique). L’entraînement à l’exercice apparaît donc comme une thérapeutique fantastique : « an agent with lipid-lowering, antihypertensive, positive inotropic, negative, chronotropic, vasodilatating, diuretic, anorexigenic, weight reducing, hypoglycemic, tranquilizing, hypnotic and antidepressive qualities » Williams C. Roberts, editor-in-chief, Am J Cardio 1884 ; 53 : 251. Dans les années 80, la réadaptation cardiaque a connu son essor avec, comme champ d’action préférentiel, la maladie coronaire, le postopératoire de chirurgie cardiaque et, depuis peu, l’insuffisance cardiaque. Plusieurs métaanalyses ont mis en évidence une diminution de la morbi-mortalité, en particulier dans la maladie coronaire ; toutes ces études ont été réalisées avant les années 90. En 2006, à l’heure des prouesses technologiques dans les domaines de la revascularisation et de l’insuffisance cardiaque (resynchronisation, assistance cardiaque…), il est légitime de s’interroger sur la place de la réadaptation.   Pourquoi adresser un patient en réadaptation cardiaque en 2006 ? La réadaptation cardiaque ne se limite pas au réentraînement à l’effort ; elle comporte également une prise en charge des facteurs de risque, une optimisation du traitement médical et l’éducation du patient et de sa famille sur la maladie, les signes d’alerte, c’est-à-dire un ensemble de mesures visant à améliorer le pronostic à long terme et à réduire les répercussions de l’accident aigu. La réadaptation cardiaque est l’ensemble des activités nécessaires pour influer favorablement sur le processus évolutif de la maladie, ainsi que pour assurer aux patients la meilleure condition physique, mentale et sociale possible, afin qu’ils puissent, par leurs propres efforts, préserver ou reprendre une place aussi normale que possible dans la vie de la communauté (définition de l’OMS).   Les effets bénéfiques de la réadaptation cardiaque sont confirmés Récemment, dans une métaanalyse portant sur 48 essais randomisés incluant 8 940 patients, Taylor a confirmé les effets bénéfiques de la réadaptation cardiaque chez le coronarien. Le bénéfice est observé, indépendamment de la date de réalisation des études, avant ou après 1995 : • réduction de la mortalité globale de 20 % et de la mortalité cardiaque de 26 % ; • meilleur contrôle des facteurs de risque : - réduction du taux de cholestérol et de triglycérides, - baisse de la pression artérielle systolique, - diminution du tabagisme ; • amélioration de la qualité de vie. Il n’a pas été mis en évidence de diminution du taux d’infarctus non fatals et du nombre de revascularisations nécessaires (pontages ou angioplasties). La durée moyenne du suivi relativement courte (15 mois en moyenne) pourrait expliquer l’absence d’impact sur la survenue de revascularisation et le taux de récidive d’infarctus non mortel (durée insuffisante pour mettre en lumière une régression de l’athérome). La diminution de la mortalité liée à l’infarctus évoque le rôle probable du préconditionnement à l’ischémie lié à l’exercice. Dans l’insuffisance cardiaque, une métaanalyse parue en 2003, EXTRAMATCH (9 essais, 801 patients) comparant les effets du réentraînement à l’effort au suivi conventionnel, montre une diminution de la mortalité globale de 23 % et du taux de réhospitalisation (figure). EXTRAMATCH : effets du réentraînement à l’effort comparativement au suivi conventionnel sur la mortalité globale (A) et le taux de réhospitalisations (B). Malgré ces résultats très intéressants, la réadaptation cardiaque souffre du manque de grande étude randomisée multicentrique faute de sponsor. Néanmoins, un essai international randomisé multicentrique, HF Action, mené par la Duke University, est en cours ; il compare les effets du réentraînement à l’effort sur la morbi-mortalité dans l’insuffisance cardiaque par dysfonction ventriculaire gauche systolique. En 2006 la réadaptation cardiaque confirme ses effets bénéfiques sur la mortalité globale dans la maladie coronaire et l’insuffisance cardiaque par dysfonction ventriculaire gauche, indépendamment des progrès thérapeutiques de la dernière décennie.   Quels patients adresser en réadaptation cardiaque ? Au vu des données de la littérature, assurément tous les coronariens et les insuffisants cardiaques, avec pour objectif ambitieux mais réaliste, de diminuer la mortalité globale, la progression de la maladie athéromateuse par le biais d’un meilleur contrôle des facteurs de risque, d’un entraînement à l’effort et d’une éducation. Pour les patients en postopératoire de chirurgie cardiaque, le séjour en réadaptation cardiaque fait office de soins de suite spécialisés. Pour ces patients de plus en plus âgés, un séjour en centre de réadaptation cardiaque permet le retour plus rapide à l’autonomie et c’est le moment idéal pour éduquer le patient et sa famille au traitement, au régime sans sel éventuel et à la pratique régulière d’activité physique adaptée à la maladie cardiaque et aux pathologies souvent associées. Fait important : il n’y a pas d’âge pour bénéficier d’une prise en charge en réadaptation ; les essais portant sur le réentraînement à l’effort du sujet âgé montrent également un bénéfice important.   Comment réadapter les patients ? Seuls les patients stables peuvent être admis en réadaptation, du fait du risque potentiel de l’exercice physique. Avant de proposer un réentraînement à l’effort, un bilan de stratification du risque est fait à partir de l’histoire de la maladie, de l’échocardiogramme, du test d’effort, du holter. On peut alors définir un groupe de patients à bas risque (bonne fonction ventriculaire gauche, bonne tolérance à l’effort) et un groupe à haut risque (dysfonction ventriculaire gauche, mauvaise capacité physique). Les patients à bas risque, en général des coronariens à bonne fonction ventriculaire gauche, avec ou sans séquelle d’infarctus, justifient d’une réadaptation en externe comportant une éducation sur les facteurs de risque et sur l’intérêt de la pratique d’une activité physique régulière. Il est malheureusement parfaitement irréaliste d’espérer prendre en charge en réadaptation l’ensemble des patients qui le justifieraient. Les patients à bas risque devraient pouvoir bénéficier au minimum de réadaptation à domicile. Les essais comparant la réadaptation à domicile à la réadaptation en centre – tous effectués chez des patients à bas risque – ont été rapportés dans une métaanalyse réalisée par Kate Jolly (18 essais, moins de 750 patients). L’amélioration de la capacité physique, le taux de cholestérol, les chiffres de pression artérielle, la qualité de vie paraissent identique que la réadaptation soit faite au domicile ou en centre. Peu pratiquée en France, la réadaptation à domicile est une alternative à encourager : éducation sur les facteurs de risque, prescription d’exercice d’endurance avec une fréquence cardiaque aux alentours de la réserve cardiaque (FC max obtenue au test d’effort – FC de repos) x 0,6 + FC de repos. Elle pourrait être prescrite par le cardiologue et suivie par le médecin généraliste du patient. Pour les patients à haut risque (infarctus étendu, ischémie importante, insuffisant cardiaque) la réadaptation doit être débutée en centre, idéalement lors d’une hospitalisation, fréquemment poursuivie en externe. Réadapter, éduquer un insuffisant cardiaque, optimiser son traitement est, en effet, un travail de longue haleine (dans la métaanalyse EXTRA MATCH, la diminution de la mortalité est d’autant plus nette que la réadaptation est prolongée au-delà de 26 semaines). Dans l’insuffisance cardiaque, l’éducation du patient et de sa famille, est, à elle seule, génératrice de diminution du taux de réhospitalisation, et probablement de la mortalité. Le réentraînement à l’effort sera personnalisé et pourra comporter musculation passive, musculation segmentaire (travail en résistance à très faible niveau donc sans travail cardiaque, puis travail en endurance, en aérobie strict. Le bénéfice d’un entraînement régulier a été confirmé quel que soit l’âge.   En pratique   Peu spectaculaire, la réadaptation cardiaque reste néanmoins diablement efficace avec une diminution de la mortalité globale et de la mortalité cardiaque, en particulier dans la maladie coronaire et dans l’insuffisance cardiaque. Au réentraînement à l’effort doivent être associées une éducation personnalisée du patient et une optimisation du traitement médical. Les patients à bas risque peuvent effectuer cette réadaptation en ambulatoire, voire dans l’avenir à domicile. Dans l’insuffisance cardiaque, il est raisonnable de la débuter en hospitalisation. Le réentraînement à l’effort n’est efficace que s’il est maintenu au cours du temps, il doit donc être suivi et encouragé par le cardiologue et le médecin traitant. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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