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Thérapeutique

Publié le 14 fév 2006Lecture 11 min

Ramipril : l'histoire continue

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Le ramipril est un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) dont l’histoire, depuis sa commercialisation, a contribué à marquer la pratique cardiologique. Nous nous proposons dans cet article de relater les grandes étapes de cette histoire, dont l’actualité récente concerne la mise à disposition d’une forme en association fixe avec un diurétique.

1989 : mise à disponibilité C’est en 1989, après plusieurs années de recherche fondamentale puis clinique que la molécule initialement dénommée HOE 498 puis ramipril, dont la forme active est le ramiprilate, a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France sous le nom commercial de Triatec®. Une même autorisation a été obtenue aux États-Unis en 1991. Cette molécule est apparue dans un contexte alors caractérisé notamment par : - les préoccupations sur le rapport vallée/pic : en effet, il avait été constaté que pour obtenir une durée d’action prolongée, la posologie de quelques molécules avait été fortement majorée, contribuant à diminuer de façon très importante et précoce la pression artérielle afin de maintenir un effet antihypertenseur à 24 heures. Afin d’éviter de tels phénomènes de diminution intense de la pression artérielle, les molécules commercialisées depuis cette époque devaient justifier d’un rapport vallée/pic favorable ; ce fut le cas du ramipril dont le rapport vallée/pic est de 64 % ; - la découverte du système rénine-angiotensine tissulaire qui avait été pressenti comme étant plus impliqué dans les modifications structurelles des organes que le système circulant. Le ramipril est caractérisé par une forte affinité pour l’enzyme de conversion tissulaire et cet élément a marqué son développement clinique initial. Outre le soutien du laboratoire commercialisant cette molécule à de nombreux groupes de recherche sur le système rénine-angiotensine tissulaire, le développement du ramipril a initialement porté sur l’évaluation de son efficacité pour prévenir ou corriger l’atteinte des organes cibles de l’hypertension artérielle et notamment réduire l’hypertrophie ventriculaire gauche. Plusieurs études, utilisant parfois des moyens innovants comme l’IRM, ont alors confirmé que le ramipril permet de faire régresser l’hypertrophie ventriculaire gauche.   1993 : l’étude AIRE Quatre ans seulement après sa commercialisation, l’étude AIRE, dont les résultats ont été publiés dans le Lancet en 1993, a été le premier essai thérapeutique contrôlé pertinent à démontrer le bénéfice clinique du ramipril. Cette étude a été effectuée dans le contexte particulier de l’infarctus aigu du myocarde, compliqué précocement d’insuffisance cardiaque clinique et il a pu être démontré que, chez ces patients (n = 2 006), dont le taux spontané de mortalité est élevé (23 % à 15 mois), un traitement par ramipril prescrit à la posologie cible de 10 mg par jour permet de réduire de 27 % à 15 mois le risque de décès de toutes causes. Cet essai a conduit à une indication spécifique pour le ramipril : « le ramipril est indiqué dans le postinfarctus du myocarde compliqué d'insuffisance cardiaque transitoire ou persistante. Le traitement au long cours par ramipril améliore la survie et réduit le risque d'évolution vers l'insuffisance cardiaque sévère ou résistante ».   1997 : l’étude AIREX Le suivi à long terme des patients inclus dans l’étude AIRE a constitué le principal objectif de l’étude AIREX dont les résultats ont montré que, chez les pa-tients ayant des signes cliniques d’insuffisance cardiaque à la phase précoce d’un infarctus du myocarde, le bénéfice du traitement par ramipril, prescrit entre le 2e et le 9e jour après la nécrose myocardique, persiste à 42 mois. Par ailleurs, il est apparu qu’un effet bénéfique, possiblement indépendant de l’effet initial, a continué de s’exprimer après un an de traitement continu. Ainsi, les résultats de l’étude AIRE ont pu être exprimés comme suit : • le traitement par ramipril pendant 1 an de 9 patients ayant eu des signes d’insuffisance cardiaque lors de la survenue d’un infarctus du myocarde permet d’épargner 1 vie à 5 ans ; • le traitement par ramipril pendant 1 an de 1 000 patients permet de sauver 114 vies à 5 ans.   1997 : l’étude REIN L’étude REIN avait pour objectif d’évaluer si un traitement par ramipril peut ralentir la dégradation de la fonction rénale chez des patients ayant une néphropathie chronique non diabétique. Elle a montré que, chez les patients ayant une protéinurie des 24 heures au moins supérieure à 3 g, le traitement par le ramipril permet de réduire l’altération du taux de filtration glomérulaire et multiplie par deux le délai dans lequel sera observé un doublement de la créatinémie ou l’apparition d’une insuffisance rénale terminale.   2000 : l’étude HOPE L’étude HOPE fait partie des essais thérapeutiques contrôlés majeurs de la cardiologie contemporaine. La genèse de cette étude est issue de l’analyse rétrospective des essais effectués dans le postinfarctus du myocarde et l’insuffisance cardiaque, indiquant qu’un traitement par un IEC permettrait de réduire le risque d’infarctus du myocarde chez les patients à risque. De ce fait, S. Yusuf, l’investigateur principal de cet essai a postulé qu’un traitement par un IEC, chez des patients à risque cardiovasculaire élevé, (prévention secondaire, patient âgés > 55 ans, diabétiques), devait permettre de réduire le risque de survenue d’événements cardiovasculaires majeurs : infarctus du myocarde mais aussi accident vasculaire cérébral et décès de cause vasculaire. L’étude HOPE a donc inclus 9 297 patients et a été arrêtée avant son terme, soit avec un recul moyen de 4 ans, en raison de la mise en évidence d’un bénéfice hautement significatif constaté sous ramipril à une posologie cible de 10 mg par jour tant sur le critère primaire que sur chacun des éléments composants ce critère composite (tableau 1). La réduction du risque est apparue dès la première année et a atteint déjà la significativité dès la deuxième. 2000 : l’étude Micro-HOPE L’étude Micro-HOPE a été une sous-étude préspécifiée de l’étude HOPE, conduite dans l’objectif d’évaluer l’effet du ramipril chez les 3 577 patients ayant un diabète de type 2 et inclus dans l’étude HOPE. Elle a permis de montrer que, chez ces patients, avec un suivi moyen de 4,5 ans, le ramipril diminue le risque d’événements cardiovasculaires majeurs de 25 % et retarde la survenue d’une néphropathie.   2001 : l’étude SECURE L’étude SECURE, une étude complémentaire de l’étude HOPE était destinée à évaluer chez 732 patients les effets d’une posologie de 10 mg/j de ramipril (n = 244), de 2,5 mg/j de ramipril (n = 2 44) versus placebo (n = 244) sur l’évolution de l’athérome carotidien. Au terme d’un suivi moyen de 4,5 ans, cette étude a montré que la pente de progression de l’épaisseur intima-média carotidienne était de 0,0137 mm/an dans le groupe ayant reçu le ramipril à 10 mg/j, de 0,018 mm/an dans le groupe ayant reçu 2,5 mg/j de ramipril et de 0,0217 mm/an dans le groupe ayant reçu le placebo (p = 0,033 pour la tendance globale et p = 0,028 pour la comparaison du ramipril 10 mg/j et du placebo). Cette étude a donc démontré que le ramipril permet de diminuer la progression du processus athéromateux carotidien de façon dose-dépendante.   2004 : l’étude Diab-Hycar L’étude Diab-Hycar avait pour objectif d’évaluer si une très faible posologie de ramipril (1,25 mg/j) permet de diminuer le risque de complications cardiovasculaires et d’améliorer le pronostic rénal chez 4 912 pa-tients ayant un diabète de type 2 et une protéinurie. Cet essai n’a pas montré d’effet significatif du ramipril à cette posologie, ce qui renforce, après les résultats de l’étude SECURE, la notion d’un effet dose-dépendant et justifie d’utiliser en pratique courante et dans le cadre de la protection cardiovasculaire des posologies cibles de 10 mg/j de ramipril.   2005 : l’étude HOPE TOO L’objectif de l’étude HOPE TOO était d’évaluer avec un suivi prolongé (7 ans) le pronostic des patients enrôlés dans l’étude HOPE et randomisés pour recevoir soit du ramipril à 10 mg/j, soit un placebo (traitement poursuivi en moyenne pendant 4,5 ans dans la phase active de l’étude). Les résultats de cette évaluation ont montré qu’au terme du suivi prolongé à 7 ans, les patients initialement randomisés pour recevoir du ramipril avaient une réduction du risque d’infarctus du myocarde de 19 % (IC95 % : 0,65 à 1,01), une réduction du risque de revascularisation coronaire de 16 % (IC95 % : 0,70 à 0,99) et une réduction du risque de diabète de 34 % (IC95 % : 0,46 à 0,95). Les réductions du risque d’événements vasculaires ont été jugées équivalentes durant la phase active de l’essai et durant la prolongation du suivi et ce, indépendamment du niveau de risque cardiovasculaire initial (risque relatif de 0,76, 0,89 et 0,83 respectivement chez les patients de risque bas, moyen et élevé). Ce résultat a été constaté alors qu’un nombre similaire de patients dans les deux groupes initiaux a reçu du ramipril après la clôture de l’étude, soit 72 % parmi les patients initialement randomisés dans le groupe ramipril et 68 % parmi les patients randomisés dans le groupe placebo.   À partir de 2006 : l’étude DREAM L’analyse des résultats de l’étude HOPE a montré que, comparativement au placebo, le ramipril permettrait de réduire l’incidence du diabète (cette analyse de l’étude a fait l’objet d’une publication spécifique en 2001). De ce fait, il a été envisagé qu’un tel traitement, administré à des patients à risque élevé de diabète (patients ayant une intolérance aux hydrates de carbone), qu’ils soient ou non hypertendus, permettrait de retarder, voire de prévenir l’apparition d’un diabète. L’évaluation de cette hypothèse constitue l’enjeu de l’étude DREAM. Cette étude, dont le budget est de 25 millions de dollars, a inclus 5 269 patients entre juillet 2001 et août 2003 ; son suivi moyen prévu est de 3 ans. Ces résultats pourraient donc être disponibles en fin d’année 2006. Le critère primaire évalué est l’apparition d’un diabète et la mortalité totale. Si elle était positive, cette étude pourrait contribuer à faire du ramipril le premier traitement préventif du diabète chez les patients à risque. À noter que dans cette étude la posologie de ramipril évaluée est de 15 mg/j.   À partir de 2006 : l’étude ON TARGET L’étude ON TARGET est un essai très ambitieux puisque son objectif est d’évaluer s’il est possible d’améliorer les résultats obtenus dans l’étude HOPE. Pour ce faire, 28 400 patients ont été enrôlés dans le monde dans plus de 700 centres investigateurs afin de comparer les effets du ramipril seul, du telmisartan seul et de l’association de ramipril et de telmisartan. Les patients sont inclus selon les mêmes critères que ceux de l’étude HOPE et les mêmes événements cardiovasculaires constituent les critères évalués. Cette étude laisse envisager que si un résultat favorable était constaté chez les patients recevant tout à la fois le ramipril et le telmisartan, une association fixe comprenant ces deux molécules pourrait être envisagée.   Les formulations Les formulations disponibles du ramipril ont été progressivement adaptées afin de permettre une utilisation plus aisée des protocoles posologiques validés dans les essais cliniques pertinents.   Au début Lors de sa commercialisation, le ramipril a été proposé sous forme de gélules à 1,25 mg, 2,5 mg et 5 mg. Il convient de reconnaître que ces formes étaient peu adaptées à une titration et à une adaptation de la posologie dans plusieurs situations cliniques, notamment parce que les gélules sont par définition non sécables.   Aujourd’hui Ainsi, les formulations ont progressivement évolué avec la mise à disposition d’une forme à 10 mg (en comprimé) puis, par la transformation en 2005 de toute la gamme disponible en comprimés sécables (à l’exception de la forme 1,25 mg, dont le comprimé n’est pas sécable). Par ailleurs, toujours en 2005, une forme particulière a été proposée, le Triateckit® devant permettre, sans changer de boîte de traitement, d’effectuer une titration progressive permettant d’atteindre la posologie de 10 mg/j en 30 jours (encadré). Enfin, le ramipril étant par définition un traitement de l’hypertension artérielle, il était normal que sa formulation évolue aussi et cela a été le cas récemment avec la mise à disposition d’une association fixe comprenant un diurétique : ainsi, depuis le début 2006, il a été mis à disposition une association fixe de ramipril 5 mg et d’hydrochlorothiazide 12,5 mg en un comprimé dé-nommé Cotriatec® pour le traitement de l’hypertension artérielle (encadré).   Demain Le ramipril étant l’un des IEC les plus évalués et dont le bénéfice est démontré dans de nombreuses situations cliniques, il est légitime que son futur soit envisagé sous des aspects originaux. Sans savoir actuellement si ces formes seront un jour disponibles en France, deux axes de recherche sont poursuivis : • celui de l’association du ramipril à un antagoniste calcique, la félodipine pour le traitement de l’hypertension artérielle ; • celui de l’association du ramipril à une statine, la pravastatine, pour la prévention cardiovasculaire des patients à risque élevé. Mais l’avenir de la molécule repose aussi sur son programme de développement qui se poursuit à travers deux essais majeurs, DREAM et ON TARGET, qui pourraient peut-être conduire à disposer de nouvelles formulations : comprimés à 15 mg , association fixe avec un ARA II.   Synthèse Le parcours d’une vingtaine d’années d’essais thérapeutiques centrés sur une seule molécule, le ramipril, a ainsi permis de constater que : • en diminuant les chiffres tensionnels de façon efficace, cette molécule peut revendiquer un bénéfice clinique dans l’hypertension artérielle ; • le ramipril permet de diminuer la mortalité totale lorsqu’il est administré précocement dans les suites d’un infarctus du myocarde compliqué d’insuffisance cardiaque clinique : cette molécule a donc démontré qu’elle permet de réduire la mortalité dans une situation clinique à risque élevé ; • le ramipril permet de diminuer la mortalité totale, le risque d’infarctus du myocarde et le risque d’AVC chez les patients à haut risque cardiovasculaire et ce bénéfice persiste au terme d’un délai de 7 ans ; • le ramipril ralentit la progression de la néphropathie non diabétique (étude REIN) et prévient les complications cardiovasculaires et rénales chez les diabétiques de type 2 (étude Micro-HOPE)…   Quel palmarès… Ainsi, le parcours d’une molécule comme le ramipril ne peut que combler les espoirs de ses développeurs, des médecins mais aussi et surtout des pa-tients. À une époque où la critique de l’industrie pharmaceutique est devenu un sport international, il est permis de constater au travers des lignes qui précédent que le ramipril n’a pas seulement et simplement été mis à disposition de la pratique médicale, mais que tous les acteurs qui l’ont accompagné ont permis à travers cette molécule de faire avancer la médecine pour une meilleure prise en charge de nos patients.   Acronymes des études citées AIRE: Acute Infarction Ramipril Efficacy AIREX : AIRE Extension REIN: Ramipril Efficacy In Nephropathies HOPE: Heart Outcomes Prevention Evaluation Micro-HOPE : Microalbuminuria, Cardiovascular, and Renal Outcomes in HOPE SECURE: Study to Evaluate Carotid Ultrasound changes in patients treated with Ramipril and vitamin E Diab-Hycar: noninsulin- dependent diabetes, hypertension, microalbuminuria or proteinuria, cardiovascular events, and ramipril HOPE TOO : HOPE–The Ongoing Outcomes DREAM: Diabetes REduction Assessment with ramipril and rosiglitazone Medication ON TARGET: ONgoing Telmisartan Alone and in combination with Ramipril Global Endpoint Trial

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