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Thérapeutique

Publié le 20 sep 2023Lecture 8 min

Traitement antithrombotique dans la maladie coronaire instable

Arnaud FERRANTE, Cyril EL KAI, Sorbonne Université, ACTION Study Group, INSERM UMRS1166, Institut de Cardiologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Le SCA est la conséquence des réponses de l’organisme à la rupture ou l’érosion d’une plaque d’athérome, le tout aboutissant à la thrombose coronaire. Son traitement repose sur deux axes, le traitement antithrombotique (antiagrégants plaquettaires et anticoagulants) et l’angioplastie primaire. Le traitement antithrombotique a dans ce contexte un rôle double : il permet, en agissant sur différentes cibles de l’hémostase, d’antagoniser la cascade thrombotique à l’origine de l’occlusion artérielle, mais également de faciliter l’angioplastie en réduisant le risque de complications périprocédurales (infarctus périprocédural, thrombose de stent, thrombose de cathéter).

Rappel sur l’hémostase   On distingue classiquement deux phases de l’hémostase : – l’hémostase primaire (figure 1), aboutissant à la formation du clou plaquettaire ; – et l’hémostase secondaire (figure 2), aboutissant à la formation du caillot de fibrine insoluble. Figure 1. Formation du thrombus en réponse à une lésion vasculaire. A. Adhésion des plaquettes au sous-endothélium vasculaire et interfixation via la GpIIb/IIIa et le fibrinogène. B. Voie extrinsèque de la coagulation. C. Voie intrinsèque de la coagulation. D’après(1). Figure 2. Cibles pharmacologiques des traitements antithrombotiques. D’après(2)   En cas de lésion vasculaire, le collagène endothélial et le facteur von Willebrand sont exposés, provoquant une vasoconstriction et une activation plaquettaire. Les plaquettes s’interactivent, entraînant une exposition des GpIIb/IIIa membranaires, de l’adénosine diphosphate (ADP), du thromboxane A2 (TXA2) et de la thrombine. Le récepteur P2Y12 plaquettaire est un des récepteurs de l’ADP qui, une fois activé, favorise l’activation de la GpIIb/IIIa, entraînant une fixation des plaquettes entre elles grâce au fibrinogène. La thrombine convertit le fibrinogène en fibrine, permettant la consolidation du thrombus et sa croissance, le tout aboutissant à l’occlusion coronaire et l’infarctus du myocarde.   Molécules utilisées Plusieurs classes pharmacologiques sont utilisées, permettant d’agir sur différentes cibles de l’hémostase primaire ou secondaire avec pour objectif de bloquer le phénomène athérothrombotique aigu (figure 2).   Antiagrégants plaquettaires Leur rôle est d’inhiber l’hémostase primaire en bloquant l’activation plaquettaire. Plusieurs molécules existent, avec chacune des cibles différentes dans la cascade de l’hémostase. • L’acide acétylsalicylique ou aspirine, agit en inhibant de façon irréversible la cyclo-oxygénase plaquettaire COX1, elle-même impliquée dans la formation de TXA2. • Les inhibiteurs du récepteur P2Y12 inhibent ce récepteur et donc diminuent l’activation de la GpIIb/IIIa, et par conséquent l’agrégation plaquettaire. Il existe actuellement 4 molécules dans cette catégorie : clopidogrel, ticagrélor, prasugrel et cangrélor (tableau 1). • Les anti-GpIIb/IIIa inhibant directement la GpIIb/IIIa. Trois molécules sont disponibles, toutes par voie intraveineuse : abciximab, eptifbatide et tirofiban.   Anticoagulants Ces molécules agissent en inhibant différentes cibles de l’hémostase secondaire, empêchant la formation de fibrine. • Héparine non fractionnée (HNF) : elle agit en se liant directement à l’antithrombine III et l’active, entraînant une inhibition du facteur X activé, lui-même responsable de la transformation de prothrombine en thrombine. Elle est administrée en bolus intraveineux. Il s’agit de l’anticoagulant historique et donc le plus utilisé, mais présente comme principaux inconvénients d’être instable, d’avoir une demi-vie courte avec une réponse inter- et intra-individuelle difficilement prévisible et nécessitant un monitorage. Il existe également un risque prothrombotique à son arrêt et un risque de TIH, potentiellement grave. • Héparine de bas poids moléculaire (HBPM) : elle agit en inhibant le facteur X activé. Une molécule est utilisée dans le cadre du SCA, l’énoxaparine. Elle présente comme avantage par rapport à l’HNF d’avoir une demi-vie plus longue, avec un effet plus prévisible ne nécessitant donc pas de monitorage, et un risque moindre de TIH. Elle peut être administrée en sous-cutané ou par voie intraveineuse. • Bivalirudine : elle agit en se liant à la thrombine et l’inhibe. Son intérêt avancé repose sur la mise en évidence dans les études d’une réduction des hémorragies, mais celle-ci était observée avec comme comparateur l’association HNF-anti- GpIIb/IIIa, ce bénéfice disparaissant contre l’HNF seule. Elle est cependant associée à une augmentation des thromboses de stents ayant restreint son utilisation même si elle reste intéressante en cas de TIH. • Fondaparinux : il agit en se liant à l’antithrombine III, comme l’HBPM, mais avec une meilleure demi-vie et une meilleure affinité. Le complexe inhibe ensuite le facteur X activé. Comme la bivalirudine, cette molécule est intéressante dans le cas de TIH. Son principal inconvénient est la mise en évidence dans les études d’un risque accru de thrombose de cathéter et de thrombose périprocédurale nécessitant un bolus supplémentaire d’anticoagulant au cours de l’angioplastie.   Traitement à la phase aiguë du SCA   Le traitement antithrombotique administré à la phase aiguë d’un SCA bloque l’activation de la cascade thrombotique à l’origine de l’occlusion artérielle et facilite l’angioplastie en réduisant le risque d’infarctus périprocédural, de thrombose de stent ou de thrombose sur cathéter. Il repose sur une dose de charge d’aspirine administrée dès le diagnostic de SCA (en l’absence d’anémie sévère), sur une dose de charge d’un inhibiteur oral du P2Y12i (prasugrel ou ticagrélor en l’absence de contre-indication, clopidogrel en deuxième intention) et enfin d’un bolus d’anticoagulant(2,3). Le type de molécule utilisé, la dose et la temporalité d’administration varient selon le type de SCA, ST+ ou non ST+ (tableau 2). Un autre P2Y12i d’action rapide et administré par voie injectable, le cangrélor, peut également être utilisé en particulier chez les patients instables incapables d’ingérer les comprimés (arrêt cardio-respiratoire, choc cardiogénique). L’utilisation d’inhibiteurs du GpIIb/IIIa est indiquée en cas de charge thrombotique importante, de no reflow ou de complication thrombotique. Enfin, la thrombolyse conserve une place dans le SCA ST+ en cas d’angioplastie primaire non réalisable dans les 120 minutes après le premier contact médical, après avoir vérifié l’absence de contre-indication.   Syndrome coronarien avec élévation du segment ST (SCA ST+) Le traitement repose sur une biantiagrégration plaquettaire en dose de charge et une anticoagulation curative dès la suspicion diagnostique. Le traitement antiagrégant doit comporter de l’aspirine associée à une dose de charge de prasugrel ou du ticagrélor, ou du clopidogrel si ces derniers sont indisponibles ou contre-indiqués (hémorragie cérébrale, anticoagulation au long cours, insuffisance hépatique), dès le diagnostic posé sur le premier ECG. Le choix du traitement anticoagulant se fait entre l’héparine non fractionnée (classe I, C) ou l’énoxaparine (classe IIa, A)(3). L’HNF a une importante variabilité interindividuelle et un risque de thrombopénie induite. L’énoxaparine (0,5 mg/kg par voie intraveineuse) a une demi-vie plus longue, un effet anticoagulant plus prévisible et un risque inférieur de thrombopénie induite à l’héparine(4). La bivalirudine et le fondaparinux ne sont pas ou peu utilisés dans cette indication en raison d’un risque accru de thrombose sur cathéter ou de thrombose de stent.   Syndrome coronarien sans élévation du segment ST L’aspirine est administrée dès la suspicion diagnostique alors que celle de l’inhibiteur du P2Y12 doit être différée jusqu’à la connaissance de l’anatomie coronaire et la décision d’une revascularisation percutanée(5). Cette population est en effet caractérisée par un plus grand nombre de patients sans lésion coronaire, ou au contraire des lésions sévères nécessitant une revascularisation chirurgicale. L’HNF (classe I, A) et l’énoxaparine (classe IIa, B) sont également recommandées en pré-interventionnel(2). Le fondaparinux peut aussi être utilisé (classe I, B) sous réserve d’administrer un bolus d’HNF au moment de l’angioplastie en raison du risque de thromboses de cathéter et périprocédurale. La bivalirudine peut également être utilisée en alternative (classe IIb, A).   Traitement au long cours   La bithérapie antiagrégante plaquettaire double doit être prescrite pendant 12 mois par défaut. Cette durée peut être raccourcie jusqu’à un mois si le risque hémorragique est très élevé selon la classification ARC-HBR (figure 3). Figure 3. Score ARC-HBR permettant d’évaluer le risque hémorragique et de décider de la durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire. D’après(6).   À l’inverse, chez les patients sans antécédent d’AVC à haut risque ischémique (tableau 3) et à faible risque hémorragique, cette durée peut être prolongée au-delà d’un an où l’adjonction de faibles dose de rivaroxaban (2,5 mg 2 fois/j) en association à l’aspirine peut également être considérée(7). Des scores évaluant le profil ischémique et hémorragique des patients ont été validés dans des essais randomisés pour tenter de personnaliser au mieux le traitement antithrombotique des patients en fonction de la prévalence de l’un ou l’autre des risques(8,9). Enfin, l’éviction précoce de l’aspirine dès le troisième mois au profit d’un nouveau P2Y12i est une approche validée pour réduire les saignements sans augmenter les complications ischémiques de façon significative(10,11). Ce chapitre sur la durée de la bithérapie est résumé dans la figure 4 qui prend en compte toutes les possibilités.   CTO : occlusion chronique totale ; DFG : débit de filtration glomérulaire ; IRC : insuffisance rénale chronique ; TC : tronc commun ; VIH : virus d’immunodéficience humaine Figure 4. Résumé des recommandations sur la durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire dans la maladie coronaire instable. D’après(2). CAS CLINIQUE   Mme M., âgée de 65 ans, se présente aux urgences pour douleur thoracique. Celle-ci évolue depuis 6 mois, est oppressive, irradiant à la nuque, survenant à la montée des escaliers et l’obligeant à s’arrêter pour reprendre son souffle, la douleur cédant après 2 minutes de repos. Ce jour, la douleur est plus intense et persiste au repos. Ses principaux antécédents sont une hypertension artérielle, un surpoids (IMC 29 kg/m2), un tabagisme actif estimé 15 PA et une hérédité coronaire. Elle est traitée par valsartan/hydrochlorothiazide 80/12,5 mg/j. Les paramètres vitaux sont les suivants : pression artérielle à 170/95 mmHg, fréquence cardiaque à 80/min, SpO2 98 % en air ambiant. L’examen clinique est sans particularités, la douleur a cédé à l’arrivée aux urgences. L’ECG est le suivant : QCM1 - Quel traitement antithrombotique peut être administré aux urgences ? A. Aspirine par voie parentérale B. Dose de charge d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 C. Héparine non fractionnée à la dose de 100 UI/kg D. Énoxaparine à la dose de 1 mg/kg sous-cutanée E. Un inhibiteur du récepteur IIb/IIIa par voie intraveineuse Réponse : A, C ou D ▸ Le traitement antithrombotique administré aux urgences consiste en une dose de charge de 250 mg d’aspirine en intraveineux et 1 mg/kg d’énoxaparine en sous-cutané. La troponines Ths est élevée à 250 ng/L (normale < 14 ng/L) et une échographie cardiaque montre une FEVG à 50 % et une hypokinésie en antéro-septal.   QCM2 - Quelle est la suite de la prise en charge ? A. Il convient de réaliser une angiographie coronaire en urgence et sans délai B. Il convient de faire un scanner coronaire pour éliminer une maladie coronaire C. Admission en USIC et angiographie coronaire dans les 24 heures D. Admission en USIC pour une surveillance médicale avant la sortie E. Admission en service de cardiologie et angiographie coronaire dans les 72 heures Réponse : C ▸ Une coronarographie est réalisée 2 h plus tard devant une récidive de douleur et retrouve une sténose subocclusive de l’IVA proximale qui bénéficie de la mise en place d’un stent actif après avoir reçu une dose de charge de 180 mg de ticagrélor sur la table de coronarographie. L’évolution clinique est simple, la patiente sort à J2 avec une troponine à la baisse et un traitement antithrombotique par ticagrélor 90 mg 2 fois/j.

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