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Études

Publié le 07 juin 2011Lecture 7 min

Prévention cardiovasculaire chez les patients avec insuffisance rénale

M. DEKER

La morbi-mortalité cardiovasculaire associée à l'insuffisance rénale chronique est particulièrement élevée. Les complications cardiovasculaires représentent environ la moitié des causes de décès, soit une proportion plus importante que dans la population générale. Des études épidémiologiques révèlent que les complications corrélées à l'athérosclérose sont à elles seules responsables de plus de la moitié des décès cardiovasculaires, les autres causes de mortalité cardiovasculaire n'étant pas directement liées à l'athérome [troubles du rythme, insuffisance cardiaque, etc.).

L'athérosclérose « accélérée» de l'insuffisant rénal   Comparativement à la population sans insuffisance rénale, les lésions d'athérosclérose de l'insuffisant rénal diffèrent par leur caractère rapidement progressif, qui a motivé le qualificatif d'« athérosclérose accélérée », et par leur composition, riche en collagène et en produits d'oxydation nitrés. L'augmentation de l'épaisseur intima-média artérielle est surtout due à une prépondérance de la fibrose, laquelle infiltre l'ensemble des organes. Par ailleurs, les calcifications artérielles, en particulier coronaires, sont plus fréquentes chez l'insuffisant rénal. Elle apparaissent précocement, et s'aggravent avec la progression de la maladie rénale.   En plus des facteurs de risque couramment retrouvés à l'origine des lésions athérosclérotiques, les insuffisants rénaux chroniques cumulent d'autres dysfonctionnements liés à l'urémie, tels que l'augmentation du stress oxydant, un état inflammatoire chronique qui se renforcent l'un l'autre dans un véritable cercle vicieux et favorisent la constitution de l'athérome, et la malnutrition.   Un profil lipidique athérogène   La relation entre l'athérosclérose de l'insuffisant rénal et le profil lipidique est bien différente de ce qui est observé en population générale, où il existe une relation linéaire entre les concentrations de cholestérol et les maladies cardiovasculaires. Dans certaines cohortes de dialysés, la relation entre cholestérolémie et mortalité est une relation en U. Le surcroît de mortalité chez les patients ayant les taux de cholestérol les plus bas peut s'expliquer par l'état de malnutrition. Le profil lipidique des insuffisants rénaux est très particulier, se rapprochant de celui du diabétique, et différent de celui retrouvé dans la population générale en association avec le risque cardiovasculaire. Cette dyslipidémie particulièrement athérogène du patient urémique est caractérisée par une augmentation des triglycérides et de la Lp(a), une diminution du HDL-cholestérol, des concentrations généralement quasi normales de LDL-cholestérol mais une augmentation des particules petites et denses dont l'athérogénicité est prouvée.   Dans ce contexte, la présentation de l'étude SHARP qui montre le bénéfice d'un traitement hypolipidémiant associant ézétimibe 10 mg/simvastatine 20 mg sur les événements athéromateux dans l'insuffisance rénale chronique prend un relief tout particulier.   Les essais antérieurs   On pouvait, en effet, s'interroger sur la pertinence d'un traitement hypocholestérolémiant chez des patients dont la cholestérolémie est quasiment normale, d'autant que deux études (4D et AURORA) ayant évalué une statine chez des patients dialysés n'avaient pas montré de bénéfice significatif sur les événements cardiovasculaires majeurs. Toutefois, la dernière métaanalyse de la Cholesterol Treatment Trialists' (CTT) Collaboration (Lancet 2010 ; 376 : 1670-81) ayant rassemblé près de 170000 patients a montré que, parmi les patients inclus dans les groupes d'intervention, ceux qui présentaient une altération de la fonction rénale répondaient de manière identique au traitement. L'étude 4D avait inclus 1 255 patients diabétiques dialysés suivis pendant 4 ans sur un critère mixte réunissant des événements cardiovasculaires athéromateux et non athéromateux ; il en était de même de l'étude AURORA chez des patients dialysés (2450). Malgré une diminution du cholestérol, la baisse des événements cardiovasculaires n'a atteint le seuil de significativité dans aucune de ces deux études. L'analyse critique de la méthodologie de ces deux études a conduit à reconsidérer à la fois la population à inclure dans l'essai, en termes de sévérité de l'atteinte rénale et de nombre, ainsi que les critères de jugement.   Près de 9 000 patients inclus dans SHARP   SHARP a donc inclus un nombre plus important de patients insuffisants rénaux (près de 9 000), en prédialyse pour les deux tiers et en dialyse pour un tiers, en excluant des patients ayant un antécédent coronarien (infarctus du myocarde et/ou revascularisation) et les patients déjà traités par une statine pour une hypercholestérolémie.   Le choix du traitement hypolipidémiant par l'association ézétimibe/simvastatine a été guidé par le souci d'optimiser la baisse du LDL-cholestérol, en évitant les effets indésirables.   Toutefois, à l'époque où l'étude a été mise en route, l'ézétimibe était une molécule d'introduction récente et dont la sécurité d'emploi chez ce type de patients était inconnue. Il a donc été décidé de débuter l'étude par une randomisation à trois bras, dont un bras simvastatine en plus des groupes ézétimibe/simvastatine et placebo, afin d'évaluer la tolérance après un an. Les quelque 1 000 patients du groupe simvastatine ont ensuite été re-randomisés dans les deux autres bras de traitement.   Les patients inclus dans l'étude SHARP sont représentatifs de la population des insuffisants rénaux. Ce sont majoritairement des hommes, plutôt âgés, rarement fumeurs ; un quart sont diabétiques. La majorité d'entre eux sont en stade 3-4 d'insuffisance rénale et les quatre cinquièmes ont une albuminurie. Durant l'étude, deux tiers des patients ont été observants, ce qui est habituel dans les essais conduits chez les insuffisants rénaux multitraités. La comparaison des bras simvastatine et ézétimibe/simvastatine à 1 an a montré, comme attendu, un avantage significatif de l'association hypolipidémiante (baisse du LDL-cholestérol de 0,43 g/l versus 0,30 g/l), qui a démontré sa bonne tolérance (Am Heart J 2010 ; 160 : 785-794.elO).   Une diminution significative des événements athérosclérotiques majeurs   Le critère d'évaluation principal de l'étude SHARP était les événements athérosclérotiques majeurs (décès coronariens, infarctus du myocarde non fatals, accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques ou revascularisation). Après un suivi médian de 4,9 ans, une diminution très significative de 17 % des événements athérosclérotiques majeurs a été observée chez les patients traités par l'association ézétimibe/simvastatine (OR : 0,83 ; IC : 0,74- 0,94; p = 0,0022) comparativement au placebo. Sur l'ensemble des événements cardiovasculaires majeurs, la réduction significative obtenue sous traitement est de 15 % comparativement au placebo ; elle est de 16 %, toujours significative si l'on ne tient pas compte du bras de traitement intermédiaire. Tous les patients inclus ont bénéficié du traitement hypolipidémiant, qu'ils soient dialysés ou en prédialyse. Sachant que les patients dialysés sont généralement plus âgés et présentent de nombreuses complications qui rendent leur prise en charge plus difficile, il serait souhaitable de traiter le plus tôt possible pour limiter la morbi-mortalité athérosclérotique, ce que les résultats de l'étude SHARP encouragent à faire.   Sur un autre critère d'évaluation, la progression de la maladie rénale, le traitement hypolipidémiant n'a pas eu d'effet, le nombre de patients évoluant vers l'insuffisance rénale terminale étant identique dans les deux groupes, sans que l'évolution de la néphropathie soit affectée. Ce constat devrait également inciter à traiter le plus tôt possible les patients ayant une insuffisance rénale débutante.   La tolérance du traitement par ézétimibe/simvastatine est très bonne chez l'insuffisant rénal. En particulier, aucun signal de toxicité hépatique ou musculaire n'a été observé. Autre point rassurant, la baisse des taux de cholestérol ne s'est pas accompagnée d'une augmentation des cancers.   Les leçons à tirer pour le futur   Nous disposons aujourd'hui avec l'association ézétimibe/simvastatine d'un traitement capable de diminuer la morbi-mortalité liée aux événements athérosclérotiques dans l'insuffisance rénale chronique, qui en outre a fait la preuve de sa tolérance et de sa sécurité d'emploi. Il faut également souligner qu'au départ, les concentrations de LDL-cholestérol de la population incluse étaient relativement basses, aux alentours de 1 g/l, et qu'elles se sont abaissées sous traitement aux alentours de 0,7 g/l. La baisse de 17 % des événements athérosclérotiques majeurs observée dans l'étude SHARP est cohérente avec les résultats observés dans les études d'intervention en population générale. L'effet est d'ampleur comparable dans tous les sous-groupes selon l'âge, le sexe, la mise en dialyse ou non, l'existence d'un diabète ou non.   Si l'observance des traitements avait été complète, une diminution de près de 25 % des événements athérosclérotiques majeurs aurait pu être observée, ce qui correspond à un gain de 30 à 40 événements pour 1000 patients traités pendant 5 ans.   Une question se pose concernant un éventuel effet spécifique exercé par l'ézétimibe dans le cadre de cette association d'hypolipémiants, qui pourrait expliquer la positivité de l'étude SHARP comparativement aux résultats négatifs des deux études précédentes ayant évalué une statine. Et ce, d'autant que l'ézétimibe a déjà fait la preuve de son efficacité dans la dyslipidémie du diabétique, très proche de celle de l'insuffisant rénal. Mais, l'étude SHARP n'a pas été conçue pour répondre à cette question. Elle montre avant tout qu'abaisser le cholestérol chez l'insuffisant rénal avec l'association ézétimibe/simvastatine est bénéfique en termes de réduction des événements cardiovasculaires et cela en toute sécurité. D'après une communication de Z. MASSY (Amiens), au Congrès de la Société francophone du diabète, Genève le 24 mars 2011.

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