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Thérapeutique

Publié le 10 oct 2006Lecture 4 min

Place des IEC chez le coronarien chronique

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il y a quelques années l’ordonnance de base du patient coronarien chronique stable répondait au sigle ABS. Ce sigle était à l’époque « parlant » puisque ce système d’assistance électronique au freinage était encore relativement nouveau et représentait un argument de vente et donc de promotion dans l’industrie automobile ! Suite à la publication de l’essai EUROPA (perindopril versus placebo) montrant une réduction de morbi-mortalité modérée mais significative dans le groupe des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), nos sociétés savantes ont transformé ABS (aspirine + bêtabloquant + statine) en BASIC (bêtabloquant + aspirine + statine + IEC + contrôle des facteurs de risque).

Je reconnais que BASIC sonne tout aussi bien, voire peut-être même un peu mieux qu’ABS… Le C de BASIC, contrôle des facteurs de risque est à l’évidence indiscutable mais il l’était déjà quelques années auparavant à l’époque ABS ! Reste donc la véritable nouveauté qui est la « recommandation » d’inclure les IEC dans l’ordonnance de tous les coronariens.   Le niveau de preuves est-il suffisamment indiscutable ?   Respecter les règles de prescription Les inconvénients sont loin d’être nuls. Il est vrai que la sécurité d’utilisation des IEC est bonne et que, moyennant un maniement judicieux, le risque d’effets indésirables graves et irréversibles est faible. La toux est une éventualité relativement fréquente (5 à 6 %) mais parfaitement réversible à l’arrêt du traitement. L’insuffisance rénale aiguë et l’hyperkaliémie sont bien plus rares si les règles de prescription et de surveillance ont été bien appliquées. Enfin, le coût journalier de prescription, s’il est loin d’être nul n’est pas non plus un réel facteur limitant, ne représentant qu’une faible part du coût total de la prise en charge d’un coronarien chronique.   Respecter les posologies cibles Pourquoi donc mes réticences ou plus exactement mon exigence d’un niveau de preuves plus élevé qu’actuellement ? Parce que cette prescription, dont le bien-fondé chez tous les patients ne me paraît pas évident, risque d’alourdir la prise en charge, de prolonger l’hospitalisation, voire même de mettre en péril les 3 piliers ABS. Un patient se croyant en pleine santé apparente, subissant un syndrome coronaire aigu, sortira de l’hôpital, s’il a bénéficié d’une angioplastie (ce qui devient l’éventualité à juste titre la plus fréquente), avec une ordonnance comportant un minimum de 5 lignes de prescription (aspirine, clopidogrel, bêtabloquant, statine, nitrés sublinguaux à la demande). Pour un patient qui ne recevait antérieurement aucun traitement, c’est déjà pas mal ! En rajouter une sixième doit donc se méditer avec circonspection… La survenue d’une toux, même anodine, peut diminuer l’adhérence… La constatation de chiffres tensionnels « un peu faibles » peut amener paradoxalement à la suppression, non pas de l’IEC, mais du bêtabloquant, dont l’impact sur le pronostic est bien plus solidement documenté ! L’instauration du traitement par IEC, si l’on prétend à une réelle efficacité et à une bonne tolérance, doit répondre à deux contraintes : • commencer par des doses faibles, • titrer les posologies jusqu’à l’obtention de la « pleine dose ». Cette contrainte à pour conséquences soit : • de prolonger au-delà des 3 à 5 jours nécessaires l’hospitalisation d’un syndrome coronaire aigu ; • éventualité fréquente, de n’instaurer qu’un traitement IEC à demi-dose, voire à quart de dose, dont l’inefficacité est consensuellement admise. Les faibles doses sont totalement efficaces.   Quelle est l’ampleur du bénéfice ? Parfois le mieux peut être l’ennemi du bien. L’interprétation des deux vastes études d’évaluation des IEC chez le coronarien chronique, HOPE avec le ramipril et EUROPA avec le périndopril, n’est pas univoque. S’agit-il d’un bénéfice d’ampleur modeste mais observable chez tous les patients ou presque ? S’agit-il, au contraire, de la dilution dans la population totale des coronariens d’un bénéfice plus important, déjà bien connu, mais ne concernant que certains sous-groupes de patients à risque ? À l’évidence, les coronariens diabétiques, porteurs d’une dysfonction ventriculaire gauche ou restant hypertendus malgré leur traitement bêtabloquant tireront un bénéfice important de la prescription des IEC. Il n’est pas impossible – mais mon interprétation n’est pas la seule recevable – que les effets bénéfiques des IEC chez ce type de patient « tire » à lui seul les chiffres de morbi-mortalité observés dans les études HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation Study) et EUROPA (EUropean trial on Reduction Of cardiac events with Perindopril in stable coronary Artery disease). Des études s’intéressant spécifiquement au coronarien à plus faible risque (notamment sans dysfonction gauche) n’ont pas montré d’effet bénéfique des IEC. Plus récemment, une étude effectuée en médecine ambulatoire en Grande-Bretagne (BMJ 2005, 330 :1059-63) sur 13 000 patients a tenté d’identifier parmi les classes pharmacologiques prescrites chez ces coronariens celles qui conféraient un bénéfice en matière de survie. À cet exercice ne sont « sortis » que l’aspirine, les bêtabloquants, et les statines… Chez le coronarien non diabétique à fonction gauche conservée, éventualité de plus en plus fréquente grâce à la mise en œuvre rapide des techniques de reperfusion à la phase aiguë, mieux vaut à mon avis, l’essentiel (ABS) que le BASIC !

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