publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Vasculaire

Publié le 04 oct 2011Lecture 6 min

Dépistage de l’anévrysme de l’aorte abdominale - Qui ? Quand ? Comment ?

V. ABOYANS, CHU de Limoges

Avec près de 12 000 décès en Europe et 9 000 aux États-Unis, la rupture de l’anévrysme de l’aorte abdominale est la 12e cause de décès dans les pays occidentaux. La mortalité ajustée à l’âge par rupture d’AAA est restée stable ces dernières années, alors qu’en même temps la morbi-mortalité d’origine coronaire ou par AVC a nettement diminué. Après des années de développement silencieux, le tableau cataclysmique d’une rupture d’AAA est grevée d’une mortalité effroyable, puisque près de 70 % des victimes d’une rupture décèdent avant d’arriver en salle d’opération, et près de 15 % meurent durant la période péri-opératoire. Ainsi, seuls moins de 20 % des cas de rupture d’AAA quittent l’hôpital vivants. Ces résultats contrastent avec une morbi-mortalité < 5 % lors d’une intervention à froid sur un AAA non rompu.

Épidémiologie des AAA Sur le plan épidémiologique, un AAA est généralement défini par un diamètre maximal > 30 mm. La prévalence des AAA et le risque de rupture selon le diamètre sont présentés dans la figure 1. Les facteurs de risque associés à la présence d’AAA diffèrent quelque peu des facteurs de risque de la maladie athéromateuse (figure 2) : ainsi, les deux principaux facteurs associés à la présence d’un AAA sont le tabagisme et les antécédents familiaux au premier degré. La prévalence d’AAA chez les hommes fumeurs de 55 ans est équivalente à celle des non fumeurs de 75 ans. Contrairement à une idée un peu ancienne, l’hypertension est un facteur moins prépondérant. À l’inverse, les diabétiques présentent moins souvent des AAA que les non-diabétiques. Figure 1. Prévalence et risque de rupture annuelle des AAA selon la taille. Figure 2. Principaux facteurs de risque (ou de protection) des AAA dans la littérature. Dépistage de l’AAA : les essais Forts de ces constats, et s’inspirant du modèle de cancer du sein, plusieurs essais ont évalué l’efficacité d’un dépistage de masse des AAA. Quatre essais (tableau 1) ont inclus au total près de 150 000 hommes, avec une randomisation en 2 bras, l’un avec invitation pour dépistage échographique versus un groupe contrôle. Seul un essai (la Chichester study) avait également étudié près de 9 000 femmes. L’attitude de prise en charge des porteurs d’AAA était globalement semblable, à savoir un suivi régulier des porteurs de petits AAA (> 30 mm) et une intervention généralement à partir d’un AAA de 50 mm. Un AAA a été retrouvé chez 5,5 % des sujets dépistés. Chez les hommes, malgré une tendance favorable, 2 des 4 études ont été négatives, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas permis de retrouver une réduction de mortalité liée à l’AAA. Les deux autres études, notamment l’étude MASS comprenant près de deux tiers de l’ensemble des participants aux 4 essais, étaient positives. Dans une métaanalyse reprenant les données des 4 études, la mortalité par rupture d’AAA a été réduite de 43 % par une politique de dépistage. Par contre, la mortalité totale n’a pas été réduite. Une métaanalyse récente a repris les données de ces études avec un suivi de 10 ans (figure 3). Cette fois, au-delà de la mortalité liée à l’AAA, un résultat favorable a été retrouvé concernant la mortalité totale (-2 %, p = 0,05). Figure 3. Résultats en termes de mortalité liée à l’anévrysme et mortalité totale des essais de dépistage d’AAA : métaanalyse (suivi à 10 ans). D’après Takagi et al., JVS 2010. Diamètre aortique : marqueur de risque CV Ce résultat rappelle que les patients porteurs d’AAA meurent essentiellement d’autres comorbidités, en particulier cardiovasculaires. Après un suivi de 10 ans d’une cohorte américaine en population générale (la Cardiovascular Health Study), seuls 2 % de porteurs d’AAA > 30 mm sont décédés du fait de cette lésion, mais près de 20 fois plus sont morts d’accidents coronaires (figure 4). Ainsi, un dépistage aortique permet non seulement de réduire le risque de rupture, mais aussi d’identifier une population à haut risque cardiovasculaire, nécessitant un suivi et des actions préventives renforcées. Cependant, le traitement « médical » d’un petit AAA, c’est-à-dire avant d’arriver à la zone d’intervention (chirurgie ou endoprothèse), n’est pas encore défini. Seul l’arrêt du tabac a apporté sa preuve indéniable dans le ralentissement de la progression de l’anévrysme. Les statines auraient un bénéfice, mais des essais thérapeutiques spécifiques sont manquants. Dans un registre canadien, les patients sous IEC auraient moins fréquemment présenté de rupture aortique. Figure 4. Taux d’événements selon le diamètre aortique initial, après un suivi de 10 ans de la population de la Cardiovascular Health Study. La question du dépistage chez la femme L’étude de Chichester, seul essai incluant aussi des femmes, a retrouvé une prévalence nettement moindre d’AAA > 30 mm chez celles-ci (1,3 %) comparées aux hommes dans la même étude (7,6 %). L’étude a été négative tant pour la mortalité totale que celle liée à l’AAA. Plusieurs explications existent. Globalement, les femmes ont moins favorablement répondu à l’invitation (65 % vs 73 % chez les hommes). De plus, dans la littérature, la majorité des ruptures par AAA chez la femme surviennent après 80 ans, soit au-delà de l’âge du dépistage. Il est cependant plausible que la prévalence d’AAA soit sous-estimée chez la femme, si l’on prend le seuil à 30 mm de diamètre : en effet, les femmes ont naturellement un diamètre aortique plus faible, et la rupture survient en moyenne sur une aorte de 5 cm (versus 6 cm chez l’homme). Ainsi, il serait peut-être judicieux dans l’avenir de rechercher une augmentation du diamètre aortique de plus de 1,5 fois le diamètre aortique au-dessus de l’anévrysme, et non pas un diamètre absolu. Ceci reste néanmoins à être démontré.   Dépistage d’AAA : les recommandations À partir de ces mêmes 4 études, les recommandations de dépistage d’AAA varient d’un pays à l’autre (tableau 2). Celles en Grande-Bretagne, États-Unis et Canada ne proposent pas de dépistage chez la femme. Les recommandations françaises sont plus détaillées, tenant compte de l’âge, du sexe et des facteurs de risque et comorbidités. Il faut souligner qu’aucun dépistage de masse n’est instauré dans notre pays et seule la Grande-Bretagne lance une campagne nationale en 2011. Dépistage d’AAA : comment ? À défaut d’un dépistage systématique, bon nombre de cas de porteurs d’AAA sont détectés de manière fortuite, lors d’une imagerie abdominale faite pour toute autre raison (examen de la prostate notamment). En raison de leur caractère inoffensif et non invasif, les ultrasons sont la méthode d’imagerie de choix pour dépister ces lésions, avec une sensibilité > 95 % et une spécificité de 100 % pour dépister les AAA. Compte tenu de la résolution spatiale, c’est le diamètre antéro-postérieur (bord externe à bord externe) qui fait référence.   Dépistage d’AAA lors d’une ETT : soyons opportuniste ! En attendant un dépistage plus systématisé, une approche « opportuniste » peut être envisagée. Bon nombre de sujets bénéficiant d’une ETT pour toute cause sont à risque d’AAA, et pourraient être dépistés par la même sonde utilisée pour l’imagerie cardiaque. Dans une revue récente de la littérature, 10 séries de patients consécutifs ont été colligées. La prévalence d’AAA > 30 mm varie de 0,8 % à 6,5 % selon les séries, montant jusqu’à 19 % chez les hommes de > 70 ans. Les variations s’expliquent par des différences en termes de recrutement, de profil des patients et de la définition de l’AAA. À ce jour, aucune étude multicentrique recherchant à connaître l’intérêt d’un tel dépistage lors de l’échocardiographie n’a été publiée.   Évaluation nationale du dépistage d’AAA lors d’une ETT : étude E2T3A Organisée au sein de la société française de cardiologie (SFC) par le groupe vasculaire/thrombose et la filiale d’échocardiographie, une étude multicentrique à l’échelle nationale a été initiée au printemps 2011 pour mieux étayer les caractéristiques épidémiologiques et la rentabilité d’un tel dépistage lors de l’échocardiographie. Les cardiologues de France (quel que soit le mode d’exercice) étaient invités à participer à l’étude, en dépistant des patients de plus de 65 ans ayant une échocardiographie. Le recrutement est terminé depuis peu, avec inclusion de plus de 1 300 patients. Les données sont en cours d’analyse et seront présentées en 2012.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème