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Valvulopathies

Publié le 27 mai 2008Lecture 8 min

L'évaluation du RAC de l'adulte : ce que je fais dans les situations difficiles

R. ROUDAUT, hôpital Cardiologique, CHU de Bordeaux

En 2006, l’échocardiographie Doppler est un outil essentiel, incontournable, fiable dans la prise en charge d’un patient présentant un rétrécissement aortique (RA) valvulaire. En effet, cet examen permet, de confirmer le diagnostic d’obstacle valvulaire à l’éjection du ventricule gauche, d’en préciser la gravité en termes de gradient, de surface et de retentissement sur le ventricule gauche, enfin de déterminer le mécanisme et l’étiologie (maladie de Mönckeberg, sténose rhumatismale, bicuspidie). Cependant, l’expérience au quotidien montre qu’il existe bon nombre de situations d’interprétation difficile car discordantes. Le but de cette mise au point est de revenir sur les différents éléments à prendre en considération dans la réflexion.

Le diagnostic différentiel avec la sténose sous-valvulaire aortique se pose rarement chez l’adulte, mais il faut savoir reconnaître une sténose sous-valvulaire à type de membrane ou de cône fibromusculaire (cas clinique n°1). L’évaluation de la sévérité d’une sténose aortique Elle se fait habituellement sur les notions de gradient et de surface. Classiquement, un RA est dit serré lorsque le gradient moyen est > 50 mmHg, la surface valvulaire calculée par l’équation de continuité < 1 cm2/m2, l’indice de perméabilité < 0,25. Les recommandations américaines ACC/AHA ont récemment été publiées (Bonow, Circulation 2006 ; 114 : 450-521), elles distinguent : - RA serré : aire < 1 cm2, gradient moyen (GM) > 40 mmHg, Vmax > 4 m/s ; - RA modéré : aire 1 à 1,5 cm2, GM 25 à 40 mmHg, Vmax 3 à 4 m/s ; - RA minime : aire > 1,5 cm2, GM < 25 mmHg, Vmax < 3 m/s. Par ailleurs, les travaux récents de Otto (J Am Coll Cardiol 2006 ; 47 : 2141-51) et Rosenhek (Eur Heart J 2004 ; 25 : 199-205) ont souligné l’importance des critères suivants pour identifier les « patients à haut risque » : - Vmax du jet aortique au Doppler continu > 4 m/s ; - présence de calcifications valvulaires importantes ; - augmentation du pic de vitesse > 0,3 m/s dans l’année (progression rapide). En pratique, dans la majorité des cas, les paramètres sont cohérents et la conduite à tenir face à un RA serré dépendra de deux autres paramètres essentiels : - la symptomatologie : tant que le patient reste asymptomatique, il n’y a pas lieu de l’opérer, le risque de mort subite est faible. Il faut par contre prévenir le patient que, dès que les premiers symptômes apparaîtront, il conviendra d’opérer sans retard car, à ce stade, le risque de mort subite devient significatif. Soulignons que, chez le patient asymptomatique, le test d’effort fait de nos jours partie de l’algorithme décisionnel, en particulier chez les patients de moins de 70 ans (Amato, Heart 2001 ; 86 : 381-6) ; - l’âge : un patient symptomatique « jeune » sera opéré sans arrière-pensée ; par contre, au-delà d’un certain âge (de l’ordre de 80 ans), il faut être prudent et ne prendre cette décision qu’après avoir évalué complètement le risque propre à chaque patient et en avoir discuté avec le patient et sa famille.   Situations difficiles De nombreuses situations difficiles existent en termes de quantification de sténoses liées aux pièges d’évaluation de la surface fonctionnelle, comme à celle de l’évaluation des gradients. Ces pièges doivent être connus pour comprendre les discordances et optimiser la prise en charge thérapeutique des patients. Les travaux récents de la littérature insistent sur la notion de prise en compte du couple ventriculo-artériel. Les modifications du débit cardiaque, d’une part, de la rigidité de l’aorte, d’autre part, peuvent influer sur l’évaluation quantitative d’une sténose aortique, en gardant en mémoire que dans la maladie de Mönckeberg, du fait de l’absence de fusion commissurale, il existe un certain degré de compliance valvulaire.   Les pièges Commençons par discuter les pièges de l’évaluation quantitative de la surface valvulaire et des gradients, en fonction de la contractilité VG, des pressions aortiques et de la notion de compliance de la valve, pour tirer quelques conclusions pratiques quant à la prise en charge des patients. Évaluation de la surface valvulaire La surface valvulaire mesurée par l’équation de continuité est une surface fonctionnelle et non anatomique (figure 1). Figure 1. Calcul de la surface fonctionnelle de la valve aortique. S Ao = S ch ch x ITV ch ch / ITV Ao En théorie, une surface anatomique pourrait être mesurée grâce aux progrès de l’imagerie de seconde harmonique et aux nouvelles sondes. Cependant, l’évaluation de l’aire par planimétrie reste difficile chez bon nombre de patients, en particulier dans la maladie de Mönckeberg du fait des calcifications (Brasch A, Am J Cardiol 2001 ; 88 : 1047-49). La surface valvulaire fonctionnelle mesurée fait appel à l’équation de continuité qui exprime la conservation de la masse : S Ao = S ch ch x ITV ch ch ITV Ao Plusieurs remarques doivent être formulées : - la surface fonctionnelle mesurée par l’équation de continuité est celle de la vena contracta, liée à la contraction de la colonne sanguine, qui est légèrement inférieure à celle de la surface anatomique (figure 2). - la validité de l’équation de continuité suppose que le flux soit laminaire en avant et en aval de l’obstacle (profil de vélocité plat), ce qui peut être un défaut en cas de bourrelet septal sous-aortique ou de bas débit. - les difficultés à mesurer le diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche sont bien connues. Rappelons qu’il doit toujours être mesuré en incidence parasternale grand axe au ras des sigmoïdes aortiques. Toute erreur de mesure de ce diamètre sera portée au carré dans l’évaluation de la surface ! À titre de garde-fou, rappelons-nous que le diamètre de la chambre de chasse est corrélé à la surface corporelle ; il est de l’ordre de 21 ± 3 mm chez l’homme, 19 ± 2 mm chez la femme. Une chambre de chasse inférieure à 17 mm est très rare, mais possible chez une femme de petite taille. Une valeur basse de chambre de chasse conduit à sous-évaluer la surface aortique (cas clinique n°2). - la surface valvulaire a été longtemps considérée comme indépendante du débit. Cependant, les travaux expérimentaux récents, en particulier de L Kadem (J Am Coll Cardiol 2006 ; 47 : 131-7) montrent qu’en augmentant le volume d’éjection, on augmente la surface fonctionnelle d’une bioprothèse, ce qui n’est pas le cas au niveau d’un orifice non valvé. La même équipe a beaucoup travaillé ces dernières années sur la notion de compliance valvulaire (Arsenault M, J Am Coll Cardiol 1998 ; 32 : 1931-37 ; Blais C, Circulation 2006 ; 113 : 711-21) et a bien montré que la surface anatomique évolue tout au long de cycle cardiaque avec un maximum d’ouverture retardé en mésosystole dans le RA serré. Par ailleurs, dans le RA en bas débit sous faible dose de dobutamine, on peut souvent observer une « réserve d’ouverture » qui caractérise les RA « pseudo serrés ». - enfin, bien entendu, cette surface aortique fonctionnelle ne peut être évaluée chez un patient en fibrillation auriculaire ou s’il existe une fuite associée ! Figure 2. Évaluation de la surface valvulaire par l’équation de continuité. Évaluation des gradients transvalvulaires Ils sont très dépendant du débit, d’où le risque de surestimation en cas d’anémie, de fistule artério-veineuse, d’insuffisance aortique associée, en cas de renforcement postextrasystolique, risque de sous-estimation en cas de bas débit, de mauvais alignement. Par ailleurs, en cas d’aorte ascendante de petit calibre (> 30 mm), il y a un risque de discordance dans l’évaluation du gradient entre l’écho-Doppler et le cathétérisme. En effet, l’écho-Doppler évalue le gradient lié aux vitesses les plus élevées de la vena contracta, alors que le gradient « cathétérisme » évalue les pressions aortiques en un point distant de la valve, où l’énergie cinétique s’est transformée en énergie potentielle, d’où restitution de pression (Garcia D, J Am Coll Cardiol 2003 ; 41 : 435-442). Le gradient mesuré par cathétérisme risque donc d’être sous-estimé de 5 à 10 mmHg. Le gradient Doppler est plus fiable mais avec un risque de surélévation modérée du gradient (vitesse de vena contracta) dans les sténoses modérément serrées ! Enfin, l’équipe de J.-G. Dumesnil a souligné récemment l’impact du couplage ventriculo-artériel sur les pressions. En d’autres termes, chez le sujet âgé, à fortiori hypertendu, l’augmentation de la postcharge liée à la rigidité artérielle (Kadem L, Heart 2005 ; 91 : 354-61 ; Briand M, J Am Coll Cardiol 2005 ; 46 : 291-8) tend à masquer la sévérité de la sténose aortique. L’étude expérimentale de Kadem montre qu’une hypertension artérielle entraîne une diminution importante du gradient transvalvulaire qui résulte de plusieurs mécanismes : – l’augmentation de la postcharge liée à l’augmentation des résistances périphériques et à la diminution de la compliance aortique peut entraîner une baisse du débit cardiaque ; – l’augmentation du régime de pression dans l’aorte peut induire un élargissement significatif de l’aire valvulaire effective, à la faveur d’une augmentation du coefficient de contraction et d’une augmentation de la surface anatomique de la valve. L’augmentation de la pression intraaortique entraîne, en effet, une dilatation de l’aorte ascendante, un élargissement des commissures, un étirement du bord des valves, à fortiori dans le RA dégénératif qui ne présente pas de fusion commissurale ; – la diminution de la compliance aortique associée à l’HTA modifie beaucoup la morphologie de l’onde des pressions aortiques et les gradients de pic à pic. Au final, l’HTA et la réduction de la compliance aortique peuvent masquer le RA en termes de gradients et surface ! Dans cette population de sujets âgés hypertendus, il est capital d’évaluer la sténose aortique après normalisation de la tension artérielle. Il ne faut donc pas hésiter à mesurer la TA pendant l’écho-Doppler. Enfin, les travaux de ces équipes montrent qu’en présence d’un RA modérément serré, une altération de la compliance artérielle entraîne une augmentation de la postcharge et du stress pariétal VG, d’où un retentissement sur le ventricule gauche et un remodelage ventriculaire gauche. Ces petits ventricules à fraction d’éjection normale ont un volume d’éjection systolique et un débit cardiaque diminué, éléments qui participent à l’apparition des symptômes, même en cas de RA modérément serré ! La stratégie thérapeutique à adopter chez ces patients reste à préciser. L’équipe de Dumesnil a aussi récemment rapporté les situations de RA serré (surface < 1 cm2) à bas gradient et bas débit en dépit d’une fraction d’éjection préservée. Ces patients ont en fait un bas volume d’éjection systolique par remodelage VG concentrique. Il s’agit le plus souvent de femmes à niveau de postcharge élevé. Ces patients ont un pronostic péjoratif. En pratique L’évaluation quantitative de la sténose aortique a largement bénéficié des performances de l’écho-Doppler. Cependant, un certain nombre de situations difficiles persistent dans l’évaluation quantitative, qui doivent conduire à prendre en compte les paramètres mesurés avec circonspection et à la rediscuter en fonction du contexte : • du ventricule gauche : - le débit cardiaque est-il normal ? - la surface de la chambre de chasse est-elle bien évaluée ? • de l’aorte : - le calibre de l’aorte ascendante est-il étroit ? - le patient est-il hypertendu au moment de l’examen écho-Doppler ? • voire de la valve : - existe-t-il un certain degré de compliance valvulaire ? La synthèse de ces paramètres et leur confrontation à la clinique (symptômes, âge) et éventuellement au dosage du BNP (Lim P, Eur Heart J 2004 ; 25 : 2048-53) permettra de prendre la meilleure décision pour un individu donné.

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