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Vasculaire

Publié le 09 mar 2010Lecture 8 min

La détection de la fibrillation auriculaire après un accident vasculaire cérébral ischémique - Un enjeu thérapeutique majeur

M. H. MAHAGNE, Hôpital Saint Roch, Centre Hospitalier Universitaire de Nice

Étiologies cardio-emboliques et athérosclérose sont les deux causes les plus fréquentes d’accident vasculaire cérébral ischémiques (AIC) dans les pays industrialisés. La fibrillation auriculaire (FA) est la première cause d’infarctus cérébral cardio-embolique. Plusieurs points concernant la FA et l’infarctus cérébral sont bien établis. L’AVC qui complique une FA est plus souvent grave et la récidive fréquente.

1) La FA est un facteur puissant et indépendant prédictif de la survenue d’un premier infarctus cérébral et d’une récidive. La FA multiplie par 5 le risque de faire un AVC. 2) Les AVC compliquant une FA sont le plus souvent graves, de pronostic sévère, associés à un taux élevé de mortalité à 90 jours, et à des séquelles fonctionnelles lourdes, motrices et/ou cognitives, retentissant sur la qualité de vie. 3) Après un premier AIC compliquant une FA, le taux de récidive est évalué autour de 12 % par an. 4) La fibrillation auriculaire paroxystique dont le diagnostic est difficile est aussi dangereuse que la FA permanente en terme de complications ischémiques cérébrales. 5) Le risque de complications thromboemboliques liées à la FA dépend d’un certain nombre de facteurs bien identifiés : âge, insuffisance cardiaque récente, hypertension artérielle, diabète, antécédent de complications emboliques. S’y ajoutent des critères échographiques : dysfonction ventriculaire gauche, dilatation de l’oreillette, présence d’un thrombus dans l’oreillette gauche ou contraste spontané. Les patients aux antécédents d’AIT ou AIC ont le risque le plus élevé. 6) Le traitement anticoagulant a fait preuve de son efficacité en prévention secondaire de l’infarctus cérébral compliquant une FA. L’analyse poolée des résultats des 5 grandes études de prévention de la FA montre une réduction du risque relatif d’AIC de 68 % (IC 95 %, 50 à 79). La warfarine dans ces essais permet de passer de 4,5 % à 1,4 % le taux d’AIC par an. En d’autres termes, le traitement permet de prévenir 31 AIC par an pour 1 000 patients traités. Cette réduction des évènements thromboemboliques se fait au prix d’une augmentation des complications hémorragiques (1,3 % dans le groupe warfarine versus 1 % dans le groupe aspirine ou placebo). L’efficacité des antiagrégants plaquettaires est inférieure et ne doit être réservée qu’aux contre-indications formelles aux AVK (réduction du risque relatif d’AIC de 21 % comparé au placebo). Pour le clinicien qui prend en charge les patients victimes d’un infarctus cérébral, il est donc fondamental d’identifier rapidement une FA pour mettre en route un traitement de prévention secondaire adapté. En phase aiguë, le traitement de l’infarctus cérébral repose sur la thrombolyse par le rt-PA par voie veineuse si le patient est vu précocement, ou sur l’aspirine administrée immédiatement après confirmation radiologique du diagnostic, associé si nécessaire à une héparine de bas poids moléculaire à doses préventives pour prévenir les complications thromboemboliques de décubitus. Pendant les premières heures et jours, l’identification d’une étiologie athérothrombotique ou cardio-embolique ne modifie pas la prise en charge. À ce jour en effet, les bénéfices d’une anti-coagulation précoce par héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire ne sont pas clairement démontrés. Il existe peut-être un sous-groupe de patients à haut risque de récidives emboliques précoces, susceptible de bénéficier d’une anticoagulation précoce, mais ce groupe reste à identifier sur des études prospectives. Le bénéfice attendu du traitement anticoagulant en phase aiguë en terme de récidive ischémique s’accompagne en effet d’une augmentation du taux de transformations hémorragiques. Ceci est vrai pour tous les AIC et en particulier pour les infarctus étendus et sévères tels qu’on les observe volontiers dans les FA. Au-delà des premiers jours, il devient fondamental d’adapter le traitement de prévention secondaire à chaque étiologie. Après une ischémie cérébrale, le traitement antithrombotique repose dans la majorité des cas sur le traitement antiagrégant plaquettaire sauf en cas de cardiopathie à haut risque emboligène. Le choix thérapeutique repose sur le bilan étiologique complet. En effet, la découverte d’une FA ne suffit pas pour affirmer qu’elle est l’unique cause de l’AIC. On sait qu’un certain nombre de FA sont observées en phase aiguë de l’infarctus cérébral et ne sont que la conséquence de l’ischémie cérébrale, et ceci a été décrit en particulier dans les ischémies insulaires. En pratique, le bilan étiologique des AIC comprend l’exploration conjointe des vaisseaux et du coeur. L’exploration vasculaire se fait par écho Doppler, angioscanner ou angio IRM des troncs supra aortiques et l’exploration cardiologique de première intention comprend un ECG et une échographie cardiaque transthoracique. Le bilan biologique est systématique. Dès lors, aux termes de ces investigations, deux situations se présentent : • Dans un premier cas, une FA est mise en évidence d’emblée sur l’ECG de base ou le monitoring cardiaque. La seule question qui se pose alors est de savoir si la FA est la cause de l’AIC ou si on doit la considérer comme un épiphénomène secondaire à l’AVC. L’imagerie cérébrale par IRM précisera la topographie de l’AIC à la recherche d’une localisation insulaire classiquement à l’origine de troubles du rythme cardiaque paroxystiques. Par ailleurs, les antécédents du patient, son histoire clinique, cardiaque et neurologique, ainsi que le bilan exhaustif et le contrôle des ECG permettront de faire la part des choses en documentant une autre étiologie, telle qu’un athérome sténosant ou un trouble de la coagulation. Le moment idéal pour commencer le relais AVK en dehors de la phase aiguë n’est pas établi et repose plus sur un consensus d’experts. Il est clair qu’en cas d’accident ischémique  transitoire ou AVC mineur, le relais peut être fait rapidement car le risque de transformation hémorragique est faible. Par contre, en cas d’infarctus étendu, le risque de transformation hémorragique persiste pendant les quinze premiers jours. En général, le relais est donc fait à la fin de la deuxième semaine. • Dans le deuxième cas de figure, aucun passage en FA n’est documenté pendant la phase aiguë de l’hospitalisation. La question qui se pose alors est de savoir jusqu’où pousser les investigations complémentaires à la recherche d’une FA paroxystique. Aucun consensus n’existe à ce jour proposant un algorithme décisionnel. Si le patient a une autre cause d’AIC établie et documentée (par exemple, une plaque carotide athéromateuse sténosante ipsilatérale ou une dissection d’un axe cervical) et pas de trouble du rythme connu, le bilan se limite en général à un ECG, une échographie cardiaque trans-thoracique et le traitement de prévention secondaire repose sur les antiagrégants plaquettaires. La réalisation d’un Holter ECG sur 24 heures est discutée dans ce cas-là puisque le taux de troubles du rythme révélé par ce moyen est très faible, estimé à 2-4 %. Lorsque le bilan étiologique ne permet pas de retenir de manière formelle une étiologie, la poursuite du bilan et la hiérarchisation des examens complémentaires dépendent du terrain, l’âge en particulier. Les autres facteurs poussant à la recherche active d’une FA incluent la présentation clinique, les antécédents et les données de l’échographie cardiaque. Une récidive d’AIC sous traitement antiagrégant plaquettaire bien conduit chez un patient présentant un bilan artériel normal poussera à répéter les examens surtout si le premier accident et la récidive se situent dans des territoires artériels différents. La notion de palpitations ressenties au moment de la constitution de l’AVC est rare. Parmi les moyens disponibles en routine, la répétition des Holter ECG est la première possibilité, mais est rarement contributive. À titre d’exemple, dans une étude incluant 425 Holter ECG après un AIC, une FA paroxystique a été mise en évidence dans seulement 1,2 % des cas. Dès lors, les autres méthodes sortent de la routine : enregistrement holter prolongé sur 48 heures ou 72 heures, télémétrie ou enregistrement à distance de type ECG trans-téléphonique sur une période à définir. En tout cas, ces différentes investigations ne peuvent pas être proposées à tout patient, même si le bilan artériel et hématologique est négatif. Le problème revient donc à identifier parmi les patients ceux qui ont une forte probabilité d’avoir présenté une FA paroxystique et à « traquer » chez eux le trouble du rythme selon une hiérarchie qui reste à définir. Le neurologue vasculaire aimerait avoir à sa disposition un score clinique et paraclinique lui permettant d’identifier les patients à explorer. Un certain nombre de facteurs permettent d’identifier les FA à haut risque emboligène et sont bien connus. Ils incluent : l’âge, l’hypertension systolo-diastolique, le diabète et un antécédent d’embolie. Un antécédent d’AVC ou AIT est l’élément prédictif le plus puissant (risque de 10 % par an). Malheureusement, tous ces facteurs sont aussi des facteurs de risque vasculaires associés aux étiologies athérothrombotiques et ne sont donc pas discriminants. Dans une étude récente, 484 patients consécutifs présentant un infarctus cérébral admis en unité neurovasculaire ont été étudiés en distinguant ceux qui présentaient une FA et les autres. Le diagnostic de FA a été retenu 122 fois. Les facteurs prédictifs indépendants retenus au cours d’une analyse multivariée ont servi de base à l’élaboration d’un score graduel. Quatre items composent ce score : – l’âge supérieur à 62 ans (2 points), – la sévérité clinique initiale, définie par un score neurologique NIHSS supérieur ou égal à 8 (1 point), – une dilatation de l’oreillette (2 points), – l’absence de sténose extra ou intra crânienne symptomatique ou de syndrome lacunaire (3 points). Un score supérieur ou égal à 5 permet d’identifier les patients présentant une FA avec une sensibilité de 89 % et une spécificité de 88 %. Ces résultats préliminaires restent à valider sur une étude prospective mais donnent d’ores et déjà le profil des patients à explorer de manière plus agressive. Par exemple, les patients âgés présentant un déficit initial sévère, une dilatation de l’oreillette gauche et pas d’athérome sténosant sont candidats à des explorations plus actives à la recherche d’une FA. Si la validité de ce type de score se confirme de manière prospective sur une large population, y compris pour les FA paroxystiques, il pourrait être utilisé après un AVC pour la stratification de la probabilité de trouver une FA et la hiérarchisation des examens complémentaires. D’autres facteurs, comme par exemple le BNP ou le pro-BNP, se sont avérés significativement associés à la présence d’une FA dans certaines études. La combinaison de plusieurs facteurs réunis dans un score serait d’une grande utilité. La meilleure façon de traquer la FA dans ce sous-groupe et la pertinence de chaque examen restent à évaluer.

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