Thrombose
Publié le 25 avr 2011Lecture 4 min
Gestion des relais anticoagulants avant un geste invasif
I. MAHÉ, Hôpital Louis-Mourier, Colombes
Pour les patients sous AVK, la période qui précède la réalisation d'un geste invasif est une période délicate à risque thromboembolique mais aussi d'accidents hémorragiques graves. Chacune de ces situations pose à l'échelon individuel la question de la balance bénéfice/risque du risque hémorragique si le geste est réalisé sous traitement anticoagulant vs le risque thromboembolique du patient si le traitement anticoagulant est interrompu. Les récentes recommandations de la HAS permettent de rationaliser la prise en charge du traitement anticoagulant en période périopératoire et de supporter la poursuite éventuelle des AVK, ou la décision de relais.
L'indication d'une exploration invasive, d'un geste dentaire ou chirurgical est posée par un spécialiste. Et ce sont plus particulièrement les médecins traitants, les cardiologues et les anesthésistes qui sont confrontés à la difficulté pratique des relais anticoagulants.
Problématique
À la question « Comment réaliser un relais AVK ? », il n'y a pas de réponse unique. La décision thérapeutique est individuelle. Elle résulte de l'évaluation simultanée du risque hémorragique de la procédure si le traitement anticoagulant est poursuivi chez un patient donné, et du risque thromboembolique (TE) chez ce même patient si le traitement est interrompu.
Cette situation de relais est loin d’être anodine, car elle s’accompagne d’un surcroît de risque thromboembolique et hémorragique. En pratique, le risque thromboembolique à l'arrêt du traitement anticoagulant est le plus souvent surestimé, conduisant à réaliser des relais AVK/HBPM en excès et à faire courir au patient un surcroît de risque hémorragique.
Options thérapeutiques
En pratique, chez un patient sous AVK devant avoir un geste invasif, 3 options se présentent :
- poursuite des AVK pendant la procédure : le geste est réalisé sans aucune modification du traitement en cours ;
- arrêt des AVK avant la procédure puis reprise ensuite : le traitement par AVK est interrompu avant le geste, sans aucun relais par HBPM ;
- arrêt des AVK avant la procédure avec relais HBPM : le traitement par AVK est interrompu avant le geste, un relais par HBPM est réalisé, les AVK sont repris après le geste.
Risque thromboembolique, relais et niveau de preuve
Par extrapolation des essais thérapeutiques réalisés avec les anticoagulants dans la FA, le risque thromboembolique pendant une fenêtre thérapeutique de 5 jours est estimé à 0,57 % (IC : 0,26-1,1). En l’absence d’essai randomisé évaluant les différentes stratégies de relais en cas de geste invasif, nous disposons : d’études observationnelles de patients avec risque thromboembolique élevé, chez qui un relais par HBPM a été réalisé systématiquement, sans comparateur ; et d’études observationnelles réalisées chez des patients à risque thromboembolique faible. Cependant, ces études ne comportent pas d’évaluation du risque thromboembolique pendant la période d’arrêt des anticoagulants, ni d’évaluation du risque hémorragique lié au relais.
D. Garcia et coll. rapportent une étude prospective observationnelle réalisée dans une clinique d’anticoagulation des Pays-Bas. Les 1 024 patients recevaient des AVK pour des motifs variés (n = 132 valve mécanique, n = 550 fibrillation auriculaire, n = 144 maladie veineuse thromboembolique) et devaient avoir en ambulatoire un geste invasif mineur (coloscopie, geste buccal, ophtalmologique). Seuls 7 % des patients étaient à haut risque thromboembolique. Un relais a été réalisé dans 8,3 % des cas (n = 108). Au total, 0,5 % des patients ont eu un événement thromboembolique à J30.
Cette étude, bien que non randomisée, montre que le risque thromboembolique est faible chez les patients à faible risque thromboembolique lorsque le traitement anticoagulant est interrompu brièvement (≤ 5 jours) à l'occasion d'un geste invasif. Parallèlement, elle illustre le risque hémorragique significatif (hémorragies majeures et mineures) associé au relais AVK/HBPM.
En pratique : 4 questions…
Quid des AVK ?
La décision d'arrêt des AVK dépend du risque hémorragique lié à la procédure.
Poursuite des AVK
Les recommandations de la HAS publiées en 2008 ont listé un certain nombre de procédures s'accompagnant d'un risque hémorragique faible (tableau 1). Dans ce cas, il n'est pas justifié d'interrompre le traitement anticoagulant, et le geste doit être réalisé sous traitement, à condition que l'INR soit maintenu entre 2 et 3, et que le patient puisse être surveillé après le geste.
Arrêt des AVK
Dans tous les autres cas, compte tenu du risque hémorragique lié à la procédure, il est recommandé d'arrêter les AVK (ou de les antagoniser) avant le geste. La valeur de 1,5 (1,2 en neurochirurgie) est retenue par les recommandations de la HAS comme seuil d'INR en dessous duquel il n'y a pas de majoration des complications hémorragiques périopératoires.
Explorations digestives
Les explorations digestives invasives sont à détailler spécifiquement. Selon la procédure et le risque hémorragique (faible ou élevé), les AVK seront respectivement poursuivis ou arrêtés (tableau 2).
En cas d'arrêt des AVK, relais ou pas ?
Si le risque hémorragique lié à la procédure est élevé, les AVK doivent être interrompus. La décision de prendre ou ne pas prendre de relais dépend du risque embolique lié à la pathologie sous-jacente.
Les recommandations de la HAS ont différencié les pathologies à risque thromboembolique élevé de celles à risque thromboembolique faible (tableau 1). C'est la première fois que, concernant la FA, il est aussi clairement établi que les FA considérées comme étant à haut risque thromboembolique sont celles s'étant déjà compliquées d'accident embolique.
En cas de risque thromboembolique élevé, il est recommandé de prescrire un relais par héparinothérapie à dose efficace (tableau 3, exemple de relais préopératoire AVK/héparine en vue d'un geste programmé).
En cas de risque thromboembolique faible, il est recommandé d'arrêter temporairement les AVK sans prescrire de relais par héparinothérapie.
En cas de relais, combien de temps avant l’intervention le traitement anticoagulant doit-il être interrompu ?
Compte tenu de la cinétique de décroissance de l'INR à l'arrêt des AVK, il faut interrompre le traitement 5 jours avant le geste pour que l'INR soit revenu à 1,5.
En cas de relais, quand faire la dernière injection d'HBPM avant le geste ?
Des études réalisées chez des patients en situation de relais périopératoire ont montré que l'activité anti-Xa restait > 0,5 chez la majorité des patients 12 h après la dernière injection.
Il est donc recommandé de réaliser la dernière injection à visée curative le matin de la veille du jour de l'intervention (24 h avant le geste).
« Publié dans Gérontologie Pratique »
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