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Vasculaire

Publié le 02 fév 2010Lecture 6 min

Des D-dimères élevés : pensez à l'aorte !

P.-H. GACON, CHRU de Dijon

Nous rapportons l’observation d’un homme de 65 ans coronarien connu affecté d’un angor d’effort stable sous traitement médical dont l’observance thérapeutique est correcte sans aucun signe d’insuffisance ventriculaire gauche et d’un athérome modéré des artères des membres inférieurs sans aucune claudication intermittente clinique. La découverte d’un taux élevé de D-dimères à 1 200 mg/l au décours d’un syndrome douloureux abdominal a fait suspecter initialement l’existence d’une thrombose veineuse profonde malgré l’absence de signe clinique thrombotique ou d’argument pour un cœur pulmonaire aigu.

Monsieur L. avait subi en 1995 une procédure d’angioplastie coronaire sans déploiement d’une endoprothèse sur l’artère marginale du bord gauche pour un épisode d’angor instable. Depuis 14 ans, il décrit un angor d’effort stable. Ses facteurs de risque sont marqués par une hypertension artérielle traitée par bêtabloquant (acébutolol 200 mg/jour puis en 2006 par du nebivolol 5 mg/jour) une dyslipidémie mixte de type IIa traitée par simvastatine en prévention secondaire à 20 mg/jour mais aucun tabagisme ou diabète de type 2. Son poids est de 75 kg pour une taille de 1,75 m, sa tension artérielle maîtrisée aux deux bras est à 140/70 mmhg sans hypotension orthostatique, les pouls fémoraux perçus et symétriques sont sans souffle vasculaire. Un écho-Doppler des artères des membres inférieurs de contrôle de la maladie athéromateuse montre des IPS conservées en distalité à 1,12 et une EIM normale en échographie bidimensionnelle carotidienne sans accélération des vitesses systoliques. Les troncs supra-aortiques sont normaux. Lors d’un syndrome douloureux abdominal et pelvien avec état subfébrile, l’examen abdominal met en évidence une masse pulsatile abdominale sous-ombilicale avec un signe de Bakey permettant d’affirmer la topographie sous rénale d’un anévrysme. Il n’y a aucun signe de thrombose veineuse, pas de signe de Homans ou d’œdème des membres inférieurs, aucun argument clinique pour un cœur pulmonaire aigu ou d’insuffisance ventriculaire gauche. Il n’y a aucune insuffisance aortique diastolique récente. Son bilan biologique montre un dosage de CPK et des transaminases normales, des troponines IC normales, une élévation concordante des D-dimères à 1 200 mg/l, le fibrinogène est à 1 g/l et le taux de prothrombine abaissé à 60 % avec une chute des plaquettes à 140 000/mm3, le cholestérol total est à 2 g/l pour un LDL à 1,28 g/l et des triglycérides normaux. Il existe un syndrome inflammatoire (VS à 21 mm, CRP-us à 30 mg/l) avec un fibrinogène bas à 1,2 g/l discordant avec élévation des D-dimères à 1 200 mg/l, une hyperleucocytose à 12 000/mm3. La recherche d’un foyer infectieux est négative. Une échographie fiable et un angioscanner en mode MIP (figures 1 et 2) mettent en évidence un anévrysme oblong de plus de 55 mm de topographie sous rénale dans son plus fort diamètre avec un trait de dissection et thrombose du faux chenal sans veine rénale gauche rétro-aortique (2 % des cas). Le reste de l’aorte est normal ainsi que les troncs supra-aortiques de calibre normal sans dissection. L’ECG en bradycardie sinusale à 52 bpm montre un espace Pr normal sans déviation axiale gauche de QRS évoquant une cardiopathie hypertensive ni sus décalage du segment ST, pas d’hypertrophie ventriculaire gauche systolique, pas de séquelle de nécrose myocardique. Il n’y a pas de S1q3. Figure 1. Angioscanner, coupe transversale : anévrisme de diamètre 55 mm. Figure 2. Angioscanner, coupe longitudinale. Son cliché thoracique de face montre un RCT conservé à 0,5 sans HTAP ou dilatation de l’oreillette gauche. Les branches des artères pulmonaires et le parenchyme pulmonaire sont normaux sans signe d’infarctus pulmonaire ou d’épanchement pleural. Pas de calcification vasculaire. Les gaz du sang sont normaux sans hypoxie, hypocapnie, ni effet « espace mort ». Une échographie veineuse en mode BD en temps réel et sous compression normalement plus sensible dans les thromboses proximales (97 %) élimine l’existence d’une thrombose cave inférieure ou des membres inférieurs. La décision de cure anévrysmale est retenue selon les recommandations conjointes de l’ACC-AHA. Discussion Si de nombreuses études ont montré que le dépistage des anévrysmes aortiques chez l’homme de plus de 65 ans réduit la mortalité, le sexe masculin et l’âge avancé représentent deux facteurs de risque d’anévrysme de l’aorte abdominale ainsi que d’autres groupes que sont les descendants mâles de première génération de parents porteurs d’anévrysmes et les fumeurs hypertendus sévères. En raison d’une croissance exponentielle des anévrysmes, une taille supérieure à 55 mm justifie une indication opératoire (recommandations AHA-ACC 2006 classe I, niveau B, 5). La prévalence étant plus faible chez les femmes atteintes plus tardivement par la maladie, celles-ci ne représentent pas une population cible de dépistage. Classiquement, le traitement par les statines et les bêtabloquants réduit la mortalité péri-opératoire en chirurgie aortique. Les IEC freinent la progression de l’athérosclérose des anévrysmes des malades hypertendus. La simvastatine a été décrite pour réduire de 40 % la concentration en métallo protéases-9 (MPP 9), enzymes impliquées dans la croissance du mur anévrysmal par le biais du TNF-alpha et de l’interleukine-6 (cytokines pro-inflammatoires). La présence d’un thrombi aluminal participe largement à la dynamique d’évolution de l’anévrysme et la mise en évidence d’un thrombus a été réalisée sur un modèle animal d’anévrysme abdominal induit par élastase et détecté à l’annexine V(3). Dans une série de 42 patients ayant subi une résection d’un anévrysme aortique (TAAA), 12 patients affectés d’une insuffisance rénale post opératoire avaient un taux de globules blancs et de plaquettes plus élevés, une chute du facteur V (28 % ± 20 %, p = 0,008) et surtout un taux de D-dimères élevés (310 ± 213 %, p = 0,008) corrélé avec la sévérité de l’insuffisance rénale(1, 2, 6). Quid des D-dimères ? Les D-dimères sont les produits de dégradation de la fibrine. Un taux de D-dimères normal, inférieur à 500 mg/l en ELISA, exclut avec une forte probabilité une maladie thromboembolique veineuse, le risque évalué de thrombose et embolique pulmonaire étant très faible à trois mois : < 1 % chez les patients anti-coagulés sur la base d’un résultat normal de D-dimères. La sensibilité des tests au Latex ou d’hémagglutination sur sang complet reste peu fiable pour permettre leur emploi sécurisé en pratique clinique. Un taux élevé de D-dimères ne permet pas également de prouver l’existence d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire. La présence d’une forte suspicion clinique de thrombose veineuse justifie obligatoirement la poursuite d’une démarche diagnostique incluant la pratique d’un écho-Doppler en mode réel, phlébographie et/ou scintigraphie pulmonaire. Les méthodes ELISA sur microplaques ont une sensibilité de 100 % et une VPN bonne mais de délai trop long (> à 3 heures) donc inutilisables en urgence. Les méthodes utilisant des particules de latex sensibilisées plus rapides sont de sensibilité et de valeur prédictive négative insuffisante (VPN insuffisante). Ces dernières années, des tests rapides et unitaires sont adaptés à l’urgence comme le test Biomérieux sur appareil Vidas. En présence d’une thrombose constituée, le taux de D-dimères est toujours élevé sauf en cas d’hypo-fibrinolyse, les faux négatifs sont donc rares. Selon les kits utilisés, la VPN varie de 95 à 100 % et augmente dans d’autres conditions non thrombotiques (traumatisme, cancer, chirurgie récente, sepsis, âge, grossesse, hépatosarcome, affections coronariennes, insuffisance cardiaque ou rénale, syndrome de CIVD, anévrysmes aortiques et hématomes disséquants ou le taux de D-dimères peut être supérieurs à 500 mg/l avec une Sp de 50 %. Les faux positifs sont donc fréquents et liés à l’absence de différence biologique entre le réseau de fibrine d’un caillot normal et celui d’un thrombus pathologiques, la VPP (valeur prédictive positive) est donc très faible. La localisation et l’âge du thrombus influencent le taux de D-dimères, ce taux étant plus faible dans les TVP distales et diminue avec le temps et la positivité du test persiste une semaine après l’accident de TVP malgré l’instauration d’un traitement anticoagulant. La présence de varices sans thrombose ne modifie pas le résultat du test. En dehors de l’urgence, le prélèvement doit être effectué le matin, l’utilisation du garrot limité à moins d’une minute, à jeun sans prise de café, de tabac ou d’alcool et en position couchée depuis trente minutes, l’échantillon de sang doit être prélevé après écoulement des premiers millilitres et par ponction au pli du coude (les prélèvements sur cathéters sont proscrits et l’absence de caillots doit être vérifiée). La mesure doit être faite sur plasma citrate. Donc devant une élévation biologique des D-dimères chez vos patients, en plus de la maladie thromboembolique, pensez à l’aorte !

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