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Études

Publié le 08 mai 2007Lecture 6 min

COURAGE - Angor stable : non à l'angioplastie d'emblée

S. MANZO-SILBERMAN, hôpital Cochin, Paris


ACC
Dans l’angor stable, la réalisation d’une angioplastie en première intention améliore-t-elle le pronostic, comparativement au traitement médical « optimal » ? À cette question, l’étude COURAGE (Clinical Outcomes Utilizing Revascularization and Aggressive druG Evaluation)(1), présentée à l’ACC 2007 par W.-E. Boden, a su répondre de manière claire et rigoureuse.

Angioplastie préventive : un mythe ? Depuis son avènement, l’angioplastie a vu ses possibilités en termes de matériel et de dispositifs médicaux se développer de manière vertigineuse, permettant la réalisation de véritables prouesses techniques. Son apport dans l’arsenal thérapeutique de la pathologie coronaire est indéniable. Si son utilité sur un critère aussi dur que la mortalité a été largement démontrée dans le cadre des syndromes coronariens aigus (SCA) avec sus-décalage du segment ST ou dans les SCA sans sus-décalage mais avec score de risque élevé, il n’en est pas de même dans la pathologie coronaire stable : dans des études réalisées sur des effectifs restreints, l’angioplastie n’entraîne qu’une amélioration des symptômes d’angor et n’a aucun effet sur la mortalité. Aucune étude de grande envergure n’avait été réalisée pour évaluer l’efficacité sur le pronostic de l’angioplastie dans l’angor stable. Le mythe de l’angioplastie préventive s’est cependant propagé dans la pratique courante et ce, malgré des recommandations des sociétés scientifiques(2) pourtant pondérées à l’égard de l’angioplastie dans l’angor stable. Rappelons qu’aux États-Unis, 85 % des angioplasties sont réalisées chez des coronariens stables, ce qui entraîne un surcoût de 15 à 20 millions de dollars chaque année.   Synopsis de l’étude COURAGE est une étude randomisée, prospective et multicentrique, conduite de 1999 à 2004 dans 50 centres aux États-Unis et au Canada. Les patients éligibles devaient présenter un angor stable ou un angor de classe IV CCS stabilisé, en rapport avec au moins une lésion de > 70 % d’un tronc proximal avec une ischémie documentée ou bien au moins une sténose de > 80 % associée à des symptômes typiques. Les critères d’exclusion étaient assez stricts (tableau 1). La prise en charge médicale a été optimisée pour tous les patients en accord avec les recommandations, en associant : le traitement antiagrégant (par aspirine ± clopidogrel), le traitement anti-ischémique (métoprolol, l’amlodipine et l’isosorbide mononitrate, seuls ou en association), le lisinopril ou le losartan, et la simvastatine (plus ou moins l’ézétimibe). Le contrôle des facteurs de risque était rigoureux avec des LDL-C < 0,6-0,85 g/l et des HDL-C > 0,4 g/l. Des programmes intensifs d’amélioration de l’hygiène de vie ont été mis en place avec un suivi régulier (sevrage tabagique, exercice physique régulier, etc.). Après randomisation, deux groupes ont été définis : • un groupe ATC : l’angioplastie de la lésion cible ou la revascularisation complète — quand elle possible et selon le contexte clinique — a été associée au traitement médical optimal ; • un groupe traitement médical optimal (MO) seul. Le critère primaire était la mortalité (toutes causes) et l’IDM non fatal ; le suivi est réalisé sur une période de 2,5 à 7 ans (médiane : 4,6).   Résultats Sur 35 000 patients éligibles, 2 287 ont été inclus. Leurs caractéristiques sont comparables dans les deux groupes. On retrouve une nette majorité de patients pluritronculaires (69 %) ; dans près d’un tiers des cas, le segment proximal de l’artère interventriculaire antérieure est atteint. Dans le groupe ATC, le taux de succès angiographique est de 93 % ; 94 % des patients reçoivent au moins un stent, 41% d’entre eux en ont plus d’un. Contre toute attente des investigateurs, les résultats révèlent une évolution comparable des deux groupes de l’étude (tableau 2). Concernant le taux d’événements cumulés sur la période de suivi, celui-ci ne diffère pas d’un groupe à l’autre : 19 % dans le groupe ATC contre 18,5 % dans le groupe MO (figure 1). Le taux de décès est de 8 % dans les deux groupes (figure 2). Dans le groupe MO, 32,6 % des patients bénéficient, durant la période d’étude, d’une angioplastie du fait d’un angor non contrôlé par le traitement médical ou d’une majoration de l’ischémie, en moyenne à 10 mois de l’inclusion. Les revascularisations itératives concernent 21,1 % des patients du groupe ATC et, pour 77 d’entre eux, il s’agit d’une revascularisation par pontage. La symptomatologie angineuse est significativement réduite dans les deux groupes, sans différence à 5 ans entre le traitement médical et l’angioplastie d’emblée. Il existe toutefois durant la période initiale (de 1 à 3 ans) une amélioration des symptômes plus importante dans le groupe ATC : à 1 an, 66 % dans le groupe ATC sont indemnes de symptômes, comparativement à 58 % dans le groupe MO. L’analyse des sous-groupes prédéfinis n’a pas permis de dégager d’interactions significatives. Même chez les pluritronculaires, les diabétiques, les cardiopathies sur IDM ancien, les taux d’événements sont semblables dans les deux groupes (tableau 3). Figure 1. Survie selon le critère primaire : mortalité toutes causes et IDM non fatal. Figure 2. Mortalité toutes causes. Comment interpréter ces résultats ?   Tout d’abord, rappelons que le contrôle rigoureux des facteurs de risque cardiovasculaire permet une amélioration de la dysfonction endothéliale, paramètre impliqué directement dans la déstabilisation de la coronaropathie et dans la survenue d’accidents coronariens. Ainsi, les études concernant les traitements hypolipémiants, principalement les statines, ont montré que le traitement hypolipémiant agressif — comme c’est le cas ici, avec l’obtention d’objectifs très stricts — réduit le nombre d’événements alors que le degré de sténose des lésions n’est pas modifié. Ensuite, il faut considérer la pathologie athéromateuse dans sa globalité en insistant sur les limites de l’examen de référence qu’est l’angiographie coronaire. Cet examen, luminographie dans les faits, ne nous donne à apprécier que la face visible de la pathologie : la sténose angiographique. L’estimation de l’organe cible, la paroi, n’est en revanche pas possible en pratique courante. C’est d’ailleurs là un domaine de recherche en pleine expansion, dont les enjeux thérapeutiques sont conséquents : le dépistage de la lésion vulnérable, à risque de complication. Dans le cadre de l’angor stable, les lésions serrées devraient être considérées comme des marqueurs de risque et non, comme on le fait le plus souvent, comme les responsables d’accidents coronariens. Ainsi, bien que dans les syndromes coronariens aigus la stabilisation des lésions critiques ait montré un réel impact sur le pronostic, on ne peut transposer ces résultats à la pathologie coronarienne stable : la physiopathologie diffère dans ces deux situations.   En pratique   Écartons-nous un peu de la tendance polémique de ces dernières manifestations scientifiques recherchant le scoop qui viendrait sonner le glas de l’angioplastie ! COURAGE n’est pas une véritable révélation. En effet, une métaanalyse publiée dans Circulation en 2005(3), comparant l’angioplastie au traitement médical conservateur dans la pathologie coronaire stable, aboutissait à des conclusions similaires. COURAGE vient corroborer des attitudes thérapeutiques déjà en place dans bon nombre de centres. Le mérite de ce travail est d’insister sur l’effet d’une prise en charge médicale optimale et doit tendre à renforcer les « bonnes pratiques » émanant des recommandations. Notamment, il est essentiel de remarquer dans ce travail les taux remarquables d’adhésion aux mesures dites « associées » qui sont pourtant cruciales : sevrage tabagique, contrôle du LDL-C, etc. COURAGE nous incite une fois encore – s’il était nécessaire – à lutter contre le réflexe oculo-sténotique selon lequel une sténose mériterait d’être dilatée du seul fait qu’elle soit techniquement dilatable ! L’angioplastie ne doit pas être l’anxiolytique ou la bonne conscience du cardiologue ; chez le coronarien chronique stable elle ne devrait être réservée qu’aux patients restant franchement ischémiques malgré un traitement médical optimal, tel que décrit dans cette étude. COURAGE a démontré que, faute de respecter cette indication, nous n’améliorons pas plus le pronostic du patient que nous ne lui évitons pas les complications et ce, à un coût non acceptable pour la société !

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