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Études

Publié le 11 oct 2011Lecture 7 min

Aristotle ou Aristote, ou Aριστoτελης ?

J.-Y. LE HEUZEY, Hôpital Georges Pompidou, Paris


ESC
C’est ce grand philosophe grec, que les Anglo-Saxons appellent Aristotle et les Français Aristote, qui était en fait Aριστoτελης, qui a eu la vedette au congrès européen de cardiologie à Paris pour ce qui concerne le domaine de la rythmologie. Il n’était pas le seul, avec lui on peut citer Philippe Mabo et Salem Kacet ! ARISTOTLE, c’est bien entendu l’essai de l’apixaban dans la prévention des accidents thromboemboliques de la fibrillation atriale (FA), Philippe Mabo c’est l’étude EVATEL concernant la télésurveillance des défibrillateurs, sujet auquel s’est également attelé Salem Kacet dans le cadre de l’étude ECOST.

L’étude ARISTOTLE On sait que ce domaine des nouveaux anticoagulants oraux, que certains appellent NOAC (New Oral AntiCoagulant), a fait l’objet ces dernières années de beaucoup d’attention et de recherches. L’étude RELY avait montré avec le dabigatran une non-infériorité de la dose 2 fois 110 mg et une supériorité de la dose 2 fois 150 mg de dabigatran comparativement à la warfarine, dans un essai ouvert. L’étude ROCKET-AF, avec le rivaroxaban, a montré une non-infériorité en intention de traiter par rapport à la warfarine avec une prise quotidienne unique dans le cadre d’un essai randomisé en double aveugle. L’apixaban avait déjà fait parler de lui dans la mesure où l’étude AVERROES, (comme chacun sait philosophe arabe du 12e siècle, aussi appelé Abù Al-Walid Ibn Ruchd, médecin de la cour Almohade), a également montré une supériorité de l’apixaban, donné en deux prises par jour, comparativement à l’aspirine, avec un dessin en double aveugle. La réduction en termes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) et d’embolies systémiques a été de 55 % comparativement à la warfarine. L’étude ARISTOTLE a été présentée par Christopher Granger (Duke University, Durham, Caroline du Nord). Son dessin est classique : patients victimes de FA ayant au moins un facteur de risque additionnel d’AVC : âge > 75 ans, antécédent d’AVC, d’accident ischémique transitoire (AIT) ou d’embolie systémique, insuffisance cardiaque ou fraction d’éjection ventriculaire (FEVG) ≤ 40 %, diabète et hypertension artérielle (HTA). Au total, 18 201 patients ont été inclus pour recevoir soit de l’apixaban 5 mg x 2/j, soit de la warfarine avec un INR cible entre 2 et 3. Un certain nombre de patients pouvait ne recevoir que 2,5 mg, s’ils avaient ≥ 2 des critères suivants : âge ≥ 80 ans, poids ≤ 60 kg, créatinine sérique ≥ 133 µmol/l. Le critère de jugement principal était la survenue d’un AVC ou d’une embolie systémique. Rappelons ici que dans le terme « AVC », on entend aussi bien les accidents ischémiques que les accidents hémorragiques. L’analyse d’efficacité a inclus tous les patients randomisés en intention de traiter. Au total, 9 120 patients ont été inclus dans le groupe apixaban et 9 080 dans le groupe warfarine. Leur âge médian était de 70 ans avec 35 % de femmes. Vingt-cinq pour cent des patients étaient nord-américains, 19 % latino-américains, 40 % européens et 16 % asiatiques. Un total de 43 % des patients n’avaient jamais pris de warfarine auparavant. Le score CHADS2 moyen était de 2,1 avec une répartition par tiers entre ceux qui avaient un indice de CHADS2 à 1, à 2 ou ≥ 3. Vingt pour cent des patients avaient déjà eu un AVC préalable, 35 % étaient en insuffisance cardiaque ou avaient une FEVG réduite, 25 % étaient diabétiques, 88 % hypertendus et 31 % avaient un âge ≥ 75 ans. En ce qui concerne la fonction rénale, 41 % avaient une fonction rénale normale, 42 % avaient une clairance de créatinine entre 50 et 80, 15 % entre 30 et 50 et 1,5 % avait une clairance ≤ 30. Le suivi moyen a été de 1,8 ans, le temps passé dans la zone thérapeutique pour l’INR était de 66 %. Le résultat sur le critère principal montre une réduction de 21 % du critère principal, c’est-à-dire AVC et embolies systémiques (figure 1). Comme cela a été retrouvé dans RELY et dans ROCKET-AF, la diminution est marquée pour ce qui concerne les AVC hémorragiques avec un taux d’événement de 0,24 %/an sous apixaban et de 0,47 %/an sous warfarine (p < 0,001). Il existe également une diminution de la mortalité toute cause avec un taux d’événements de 3,52 % dans le groupe apixaban et 3,94 % dans le groupe warfarine (11 % de diminution). Il n’y a pas de surrisque d’infarctus du myocarde. Le taux de saignement majeur est diminué de 31 % sous apixaban, par rapport à la warfarine (figure 2). La tolérance hépatique a été regardée de près, il n’y a pas de différence dans les taux d’élévation des transaminases entre les 2 groupes. Comme l’a résumé Christopher Granger, on peut considérer que, par comparaison à la warfarine, le traitement par apixaban prescrit pendant une durée de 1,8 an a prévenu 6 accidents vasculaires cérébraux, dont 4 hémorragiques, 15 saignements majeurs et 8 décès pour 1 000 patients traités. L’essai peut se résumer en 3 chiffres : réduction des accidents vasculaires cérébraux et des embolies systémiques de 21 %, réduction des saignements majeurs de 31 % et réduction de la mortalité de 11 %. Au-delà des chiffres, il faut donc constater que ces nouveaux anticoagulants viennent d’obtenir un troisième succès après RELY et ROCKET-AF. Cela montre avant tout l’intérêt de ces nouvelles classes thérapeutiques. On peut aussi « retourner » les résultats en considérant que l’enseignement principal de ces 3 essais est que la warfarine est vraiment un médicament qui donne trop de saignements intracrâniens, ce que nos collègues neurologues savent bien !   Figure 1. Critère de jugement primaire de l’étude ARISTOTLE : diminution de 21 % des accidents vasculaires cérébraux et embolies systémiques. Figure 2. Saignements majeurs dans l’étude ARISTOTLE : diminution de 31 % pour l’apixaban par rapport à la warfarine. La télésurveillance des défibrillateurs implantés À côté de ce « mastodonte » en termes de scoop qu’est ARISTOTLE, il faut citer deux présentations faites dans les sessions « hotline » par des collègues français autour du même sujet, c’est-à-dire la télésurveillance des prothèses implantables de rythmologie. • L’étude EVATEL présentée par Philippe Mabo (Rennes) a été faite grâce à des crédits gouvernementaux (STIC, soutien aux innovations coûteuses). On sait que le défibrillateur implantable réduit la mortalité chez un certain nombre de patients sélectionnés. L’augmentation des indications implique une augmentation du nombre d’implantations avec un impact fort sur les stratégies de suivi et d’organisation des soins. Actuellement, il est conseillé au patient de faire contrôler son défibrillateur tous les 3 mois. Dans ce contexte, la télésurveillance apparaît comme étant une technique prometteuse permet-tant d’avoir des informations sur l’état du dispositif implanté et sur les thérapies qu’il a pu délivrer. Il s’agissait d’une étude randomisée prospective ouverte avec 2 groupes, un groupe contrôle avec un suivi conventionnel tous les 3 mois et un groupe de télésurveillance avec transmission des informations au centre implanteur tous les 3 mois. Il y avait d’autre part une visite à 6 semaines et un mois pour tous les patients. Le suivi a été d’un an. Les patients implantés avaient eu une primo implantation d’un défibrillateur simple ou double chambre, en prévention primaire ou secondaire. Étaient exclus les patients en insuffisance cardiaque NYHA classe IV, ayant une durée de vie estimée à < 1 an et une indication de resynchronisation. Le critère de jugement principal était un critère clinique combiné qui associait le taux d’événements cardiovasculaires majeurs survenant durant la première année après l’implantation, les décès de toutes causes, les hospitalisations pour événement cardiovasculaire et les thérapies inefficaces ou inappropriées délivrées par le défibrillateur. Un total de 1 501 patients a été randomisé en deux groupes. Dans le groupe contrôle, 739 patients ont été évalués en intention de traiter et 741 dans le groupe télésurveillance. En analyse per protocole, il y avait 738 patients dans le groupe contrôle et 696 patients dans le groupe télésurveillance. Plus de 65 % des défibrillateurs étaient des défibrillateurs simple chambre. Les appareils étaient de marque Biotronik dans 51 % des cas, Boston-Guidant dans 5 % des cas, Medtronic dans 31 % des cas et St Jude Medical dans 22 % des cas. Les raisons pour un « cross over » étaient les suivantes : problème technique inattendu pour la transmission 74 %, patients incapables d’utiliser correctement le système de transmission 12 %, souhait du patient 7 %. Les patients étaient des hommes à 85 %, d’un âge moyen de 60 ans. L’indication était une prévention primaire dans 75 % des cas. Une arythmie ventriculaire avait été documentée dans 48 % des cas, avec une fibrillation ventriculaire dans 12 % des cas. Il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes hormis concernant les antécédents d’arythmie auriculaire, 18,9 % pour le groupe contrôle et 23,8 % dans le groupe télésurveillance. Plus de 90 % de ces patients avaient une maladie cardiaque sous-jacente, principalement une cardiopathie ischémique (63 % des cas). Une fraction d’éjection < 35 % a été observée chez 58 % des patients. En termes de critère de jugement principal, il n’y a pas de différence entre les 2 groupes, ni en intention de traiter, ni en analyse per protocole. Concernant les critères de jugement secondaires, il n’y a pas de différence significative pour ce qui est de l’hospitalisation pour une raison cardiovasculaire. En revanche, il y a une différence significative en ce qui concerne les chocs inappropriés (7,5 % dans le groupe contrôle contre 4,7 % dans le groupe télésurveillance). • Cet intéressant résultat de la diminution du nombre de chocs inappropriés a également été retrouvé dans l’autre essai du même type présenté par Salem Kacet (Lille). Il s’agit de l’étude ECOST qui est également une étude prospective randomisée ouverte multicentrique contrôlée. Le critère de jugement principal était le nombre de patients avec > 1 événement sérieux significatif, incluant mortalité toutes causes et événements indésirables en relation avec le dispositif implanté. Il s’agissait de dispositifs Biotronik. Il existe donc également dans cet essai une diminution du nombre de chocs inappropriés, de 52 %, dans le groupe télésurveillance. Il a également été observé une diminution de 72 % du risque d’hospitalisations en relation avec ces chocs inappropriés. Il est également souligné que, bien évidemment, cette stratégie a un intérêt sur la longévité du défibrillateur. À côté de ces sujets majeurs, de très nombreuses autres communications de rythmologie ont été présentées sachant que celles concernant la fibrillation atriale restent au premier rang, suivies indiscutablement de celles ayant trait à la resynchronisation.

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