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Cardiomyopathies

Publié le 18 avr 2006Lecture 9 min

CMH : faut-il systématiquement rechercher un gradient et comment ?

M.-C. MALERGUE institut Jacques Cartier, Massy

La cardiomyopathie hypertrophique est une affection polymorphe tant dans son expression génétique, qu’anatomique et clinique. Le rôle du clinicien sera de déterminer les facteurs de risque de cette affection, de sa forme la plus grave, touchant les sujets jeunes, à ses formes mineures peu symptomatiques et de bon pronostic.

Évaluer le risque du patient Si la majorité des patients est contrôlée par un traitement médical dominé par les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques, certains peuvent bénéficier d’autres modalités thérapeutiques telle que l’ablation septale. La conduite à tenir vis-à-vis de ces patients va donc être fondamentalement déterminée par l’évaluation des facteurs de risque. Les deux versants, rythmique et hémodynamique, de la maladie sont à considérer, d’autant que la symptomatologie peut être inexistante au repos et n’apparaître qu’à l’effort. Cette évaluation du risque est particulièrement importante car il s’agit souvent de patients jeunes, sur lesquels plane la menace de syncope, voire de mort subite. L’effort est connu comme étant le mode révélateur, souvent fatal, des formes graves. Deux facteurs essentiels sont déterminants dans l’évaluation du risque chez ces patients : le degré d’hypertrophie septale et le gradient intraventriculaire gauche.   L’épaisseur septale L’épaisseur septale (figure 1) est facilement mesurable par l’examen échographique en mode TM. Elle permet de diviser plusieurs groupes de CMH selon le degré d’épaisseur septale : • hypertrophie septale < 15 mm, • hypertrophie septale comprise entre 16 et 19 mm, • hypertrophie septale comprise entre 20 et 24 mm • et hypertrophie septale comprise entre 25 et 29 mm. Spirito a permis ainsi d’évaluer le risque de ces patients (mort subite, défaillance cardiaque, accident vasculaire cérébral). Le risque cumulé à 20 ans est proche de zéro lorsque l’épaisseur septale est < 19 mm, mais il devient majeur, de l’ordre de 40 % en cas d’épaisseur septale Ž 30 mm. Figure 1. Hypertrophie septale asymétrique majeure > 30 mm. Le gradient intraventriculaire gauche L’article de Maron a permis de mieux cerner la valeur pronostique du gradient intraventriculaire gauche. Dans ce travail, 1 101 patients présentant une CMH ont été suivis pendant 6,3 ± 6,2 ans ; 12 %, soit 127 patients, sont décédés et 20 %, soit 216 patients, ont développé une décompensation cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. L’analyse de cette cohorte de patients permet de conclure à une relation directe entre la présence d’un gradient intraventriculaire gauche spontané ou provoqué, > 30 mmHg, et une complication majeure. Ce niveau de gradient peut paraître faible, d’autant que la présence d’un gradient > 30 mmHg n’aggrave pas le risque. Cette constatation amène les réflexions suivantes. La variabilité du gradient : il est effectivement très fréquent de constater une grande variabilité du gradient d’un jour à l’autre, voire au cours d’un même examen, confirmant que certains gradients peuvent être inexistants au repos et n’apparaître que dans certaines conditions, en particulier à l’effort. L’importance du gradient : le travail de Maron prouve que ce n’est pas l’importance du gradient enregistré à un moment donné qui est prédictive d’accident grave mais la seule présence d’un gradient > 30 mmHg ; si le patient est capable de générer un gradient d’au moins 30 mmHg, il est fortement probable qu’il soit capable de générer des gradients plus élevés, susceptibles d’avoir un retentissement majeur sur les symptômes et le suivi : dysfonction ventriculaire gauche, majoration de la fuite mitrale, trouble du rythme, dilatation auriculaire gauche. La dilatation auriculaire semble en relation directe avec le risque, qu’il soit rythmique (passage en ACFA) ou en termes d’événements cardiovasculaires graves. Cette dilatation auriculaire est en relation avec la présence du gradient et de la fuite mitrale induite par le gradient. Mettre en évidence ce gradient parait donc essentiel dans la prise en charge des patients, que ce soit un gradient au repos ou un gradient provoqué. L’absence de gradient chez un patient au moment de l’examen ne signifie pas qu’il ne soit pas capable de développer une gêne à l’éjection dans certaines conditions, en particulier lors d’un test de provocation, d’où la nécessité de réaliser des épreuves dynamiques. L’enregistrement du gradient. L’aspect du gradient intraventriculaire dans la CMH est bien connu ; il s’agit d’un flux enregistré en incidence apicale, généralement sous-aortique mais pouvant être médio-ventriculaire. Il se différencie de la fuite mitrale pratiquement toujours associée, par son caractère éjectionnel, débutant après la phase de contraction isovolumétrique, de vélocité variable et dont la forme en lame de sabre est caractéristique (figure 2). Figure 2. Gradient spontané intraventriculaire, sous aortique, débutant après le début du QRS et en forme de « lame de sabre ». En l’absence de ce gradient à l’état basal, il sera nécessaire de réaliser une épreuve de stress. L’épreuve de provocation doit permettre plusieurs opérations : • faire apparaître un gradient ou un trouble du rythme grave ; • contrôler l’efficacité d’un traitement médical ou d’un autre traitement (pacemaker ou ablation septale) ; • aider éventuellement au choix thérapeutique.   Les épreuves de provocation L’échocardiogramme à l’effort s’avère être la méthode de provocation la plus physiologique et permet d’obtenir le plus de renseignements. Elle a longtemps fait partie des contre-indications chez les patients porteurs d’une CMH. Les nouvelles recommandations deviennent cependant plus nuancées en stipulant que « l’épreuve d’effort est relativement contre-indiquée, mais peut être suggérée lorsque le bénéfice du stress surpasse le risque encouru » (ACC/AHA Guidelines). L’épreuve d’effort reste cependant contre-indiquée en présence d’un gradient important au repos, d’une faible capacité à l’effort, d’un stade fonctionnel III/IV de la NYHA et d’antécédents connus d’arythmie ventriculaire. Elle peut provoquer l’apparition d’un gradient intraventriculaire gauche mais également, comme toute épreuve d’effort, elle donne accès aux constantes habituelles (profil tensionnel, modifications de la repolarisation, trouble du rythme éventuel). De plus, tout au long de l’effort, on peut analyser la fonction ventriculaire gauche, voir apparaître ou se majorer une fuite mitrale, dépister un trouble régional, et évaluer en continu le niveau des pressions pulmonaires. La mise à disposition d’une table d’effort munie d’un pédalier, facilite la réalisation d’un tel protocole de façon adaptée, en réglant progressivement le degré de charge. Si l’on ne dispose pas de table d’effort, il est possible d’enregistrer l’écho juste après l’effort, pendant la récupération, phase où l’arrêt de l’effort et la chute de la pression augmentent l’activité sympathique et l’inotropisme, facilitant l’apparition du gradient. Il semble logique de réaliser cette épreuve d’effort sous traitement médical. L’épreuve d’effort est-elle sans danger dans la CMH ? Le travail de Drinko rapporte une étude menée chez 263 patients consécutifs. Un seul événement sérieux à type de tachycardie ventriculaire est signalé et, dans 23 %, des événements mineurs (douleur thoracique, arythmie atriale, arythmie ventriculaire non soutenue ou présyncope) sont survenus. Ces effets se produisent préférentiellement chez les patients présentant un gradient à l’effort. Au même titre que toute épreuve d’effort, l’écho d’effort doit être réalisée dans un environnement médicalisé, où l’on est susceptible d’intervenir rapidement en cas de complication. Résultats de l’échocardiogramme à l’effort (figure 3). De nombreuses publications préalables ont rapporté l’intérêt de l’épreuve d’effort conventionnelle dans l’évaluation du risque dans la CMH. Une réponse hémodynamique anormale se définit par une absence d’augmentation des chiffres tensionnels ou une chute > 10 mmHg. Cette mauvaise tolérance à l’effort a une valeur potentielle dans la prise en charge de ces patients ; à l’inverse, une bonne tolérance à l’effort possède une haute valeur prédictive négative. Figure 3. Apparition de gradient à l’effort. L’épreuve d’effort permet également de s’assurer de l’efficacité du traitement médical et de l’absence de survenue de trouble du rythme grave. Les travaux sur l’échocardiogramme d’effort dans la CMH restent peu nombreux. Dans un travail non publié, Lazzeroni rapporte son expérience dans une population consécutive de 157 patients. Soixante patients ont été exclus en raison d’une défaillance cardiaque ou d’un pacemaker. Sur les 97 patients restants, 49 n’ont pas eu d’écho d’effort car ils avaient un gradient spontané > 50 mmHg. Les 48 patients restant, sans gradient ou avec un gradient < 50 mmHg ont eu une échocardiographie d’effort. Parmi ces derniers, 4 avec un gradient faible entre 30 et 50 mmHg, ont vu leur gradient se majorer au-delà de 50 mmHg (entre 50 et 130). Sur les 44 % de patients avec un gradient < 30 mmHg : 59 % n’ont pas développé de gradient, mais dans 41 % des cas on a assisté : chez 14 %, à l’apparition d’un gradient entre 30 et 50 mmHg et, chez 27 %, à l’apparition d’un gradient sévère au-delà de 50 mmHg (gradient moyen de 94 ± 29 mmHg). Il est donc possible, chez 25 % des patients sans gradient au repos, de faire apparaître à l’effort un gradient > 30 mmHg. La présence d’un tel gradient ayant une valeur prédictive désormais établie, l’écho d’effort apparaît donc comme nécessaire pour la prise en charge des patients symptomatiques et sans gradient au repos. Cette réponse à l’effort et l’apparition d’un gradient intraventriculaire gauche semblent spécifiques de la CMH et n’ont pas été retrouvées en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche physiologique chez le sportif. Dans l’étude d’Abernethy, une écho d’effort a été réalisée chez 156 joueurs de football professionnel ; 23 % d’entre eux avaient une hypertrophie ventriculaire gauche. Alors que tous les joueurs ont développé une réponse hyperdynamique à l’effort, aucun n’a présenté de gêne à l’éjection. Existe-t-il une place pour d’autres tests de provocation ? • L’épreuve à la trinitrine a été longtemps utilisée, de même que celle au nitrite d’amyle ; ce sont des manœuvres à abandonner en raison de leur caractère parfois dangereux, d’autant qu’elles sont susceptibles de générer des effets secondaires sévères ; elles sont non physiologiques et non corrélées aux gradients obtenus à l’effort. L’épreuve à l’isuprel est capable effectivement d’induire des gradients sévères mais, là également, sans rapport avec l’effort physiologique. • Le dipyridamole a été utilisé essentiellement pour dépister une ischémie. La positivité du test au dipyridamole semble avoir une bonne valeur prédictive en termes de complications cardiovasculaires, laissant suggérer que l’ischémie dans la CMH peut être un mode déclenchant d’événements graves cardiovasculaires. Mais elle n’est pas justifiée dans la recherche d’un gradient et reste très peu utilisée. • La manœuvre de Valsalva peut être intéressante car elle est facilement réalisable au cours d’un examen (figure 4). Elle manque de sensibilité et les gradients obtenus sont nettement inférieurs pour un même malade que ceux obtenus à l’effort. Elle a cependant le mérite d’être sans danger. L’épreuve à la dobutamine a-t-elle un intérêt ? De nombreuses publications ont rapporté la présence d’un gradient intraventriculaire gauche sous dobutamine chez les patients présentant une CMH sans gradient de repos. Mais cette constatation est loin d’être spécifique de la CMH. En effet, il est habituel d’observer de tels gradients chez des patients sans CMH, lors d’une épreuve sous dobutamine à visée ischémique. Cette constatation est d’autant plus fréquente que la cavité est petite, hypertrophique, avec une petite chambre de chasse. Ces mêmes patients, qui développent un gradient intraventriculaire gauche sous dobutamine, ne présentent pas un tel gradient lors de l’effort. Figure 4. Variations de gradient sous manœuvre de Valsalva. Le gradient induit sous dobutamine n’a donc pas de signification clinique, il est non spécifique et peut être présent en dehors de toute CMH. Les modifications de charge et l’inotropisme induits par la dobutamine sont responsables de ce gradient, d’autant qu’il existe une petite cavité ventriculaire gauche. La dobutamine n’est donc pas une épreuve de stress à utiliser dans les CMH, en raison de son manque de spécificité, d’autant qu’elle peut être à l’origine d’un gradient chez des patients indemnes de CMH.   En conclusion   La présence d’un gradient intraventriculaire gauche chez les patients porteurs d’une CMH a une valeur pronostique péjorative et est déterminante dans la prise en charge thérapeutique. Sa mise en évidence de façon dynamique apparaît essentielle, d’autant que le patient est symptomatique et qu’il n’existe pas de gradient à l’état basal. L’écho d’effort apparaît comme l’épreuve de provocation la plus physiologique, permettant de reproduire les symptômes, de réalisation facile, sans danger et rapide. La tolérance hémodynamique durant l’effort peut être suivie sur l’ensemble des paramètres d’imagerie et Doppler. Elle occupe désormais une place essentielle dans la prise en charge de ces patients à risque, souvent jeunes. Chez les patients symptomatiques et chez lesquels il n’existe pas de gradient au repos, elle peut permettre, associée aux autres données Doppler, de comprendre la symptomatologie à l’effort. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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