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Vasculaire

Publié le 02 fév 2005Lecture 8 min

Aspects actuels du traitement de la maladie thromboembolique veineuse

M. DEKER, Paris, d’après J.-N. FIESSINGER, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Journées Jean Lenègre

Le traitement de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) a notablement progressé. La publication récente de la conférence nord-américaine de consensus sur le traitement antithrombotique et thrombolytique consacre les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) dans cette indication. Toutefois, certaines questions restent en suspens. Par ailleurs, de nouveaux anticoagulants arrivent, leur place reste à définir.

Traitement de la MTEV : les acquis • La 7e conférence de consensus de l’ACCP (Chest 2004 ; 126 : n° 2 suppl. septembre) vient d’entériner la place des HBPM dans le traitement des thromboses veineuses profondes (TVP) (recommandation de type Ia) des membres. À cette recommandation, s’en ajoute une autre de même poids, voulant que les HBPM soient utilisées sans contrôle de l’activité biologique, à une dose fixe fondée sur le poids. En termes d’efficacité, une injection par jour paraît aussi efficace et sûre que la même dose administrée en deux injections quotidiennes, selon une métaanalyse réalisée par Couturaud et coll. (Thromb Haemost 2001 ; 86 : 980-4). • Par ailleurs, la durée du traitement a été précisée par ce même consensus. Ainsi, seule une TVP relevant d’une cause transitoire est traitée pendant 3 mois par les AVK ; dans les autres situations, devant un facteur de risque permanent ou en l’absence d’étiologie retrouvée, le traitement doit être poursuivi entre 6 et 12 mois ; cette fourchette large illustre les incertitudes persistantes concernant la durée du traitement par AVK. • Le consensus de l’ACCP lève le doute concernant l’efficacité des HBPM dans l’embolie pulmonaire (EP) (recommandation de grade Ia). La MTEV devient donc une maladie veineuse unique. • En termes de MTEV, les hommes sont largement défavorisés comparativement aux femmes, avec un risque de récidive 4 fois plus important (N Engl J Med 2004 ; 350 : 2558-63). Par ailleurs, la TVP est souvent le signe révélateur d’un cancer sous-jacent, entre 5 et 10 % selon les séries. En outre, les récidives ont tendance à être fréquentes chez ces patients. Lee et coll. (N Engl J Med 2003 ; 349 : 146-53) confirment que, dans cette indication, les HBPM sont plus efficaces que les AVK sur la prévention des récidives des événements TEV. • En termes de prévention de la maladie postphlébitique, l’efficacité de la contention élastique ne fait plus de doute. Le port de la contention élastique (bas-jarret de grade 3, s’arrêtant sous le genou) diminue par 4 les séquelles de la maladie postthrombotique lorsqu’elle est portée pendant 2 ans au décours d’un épisode thrombotique (Ann Intern Med 2004 ; 141 : 249-56). • Enfin, grâce au développement des HBPM et de l’échographie Doppler pour le diagnostic, cette maladie est aujourd’hui majoritairement traitée en ambulatoire, ce qui représente un progrès majeur de santé publique. L’administration ambulatoire d’HBPM est aussi efficace et sûre que l’héparinothérapie. Aujourd’hui, 80 % des patients sont traités en ambulatoire et seules les EP et les thromboses iliaques avec des signes majeurs sont hospitalisées.   MTEV : les questions non résolues • La comparaison des résultats obtenus avec les HBPM et l’héparine non fractionnée (HNF) montre une absence de bénéfice significatif en termes d’hémorragies majeures ou de récidive d’événements TEV.  Le succès des HBPM s’explique non pas par une diminution absolue des risques, mais par leur facilité d’utilisation et l’absence de contrôle biologique, ce qui, pour le patient comme pour le médecin, est souvent un gage de sécurité. Cette sécurité a cependant une contrepartie, dans la mesure où nous ne savons pas comment surveiller un traitement par HBPM. Chaque molécule possède une zone thérapeutique qui lui est propre. Le seul repère disponible, l’activité anti-Xa, est un mauvais critère de surveillance, ce qui pose des difficultés chez les sujets à risque accru (sujets âgés, maigres ou obèses, femmes enceintes, patients en insuffisance rénale). Il est donc difficile d’adapter les doses chez ces patients. Le risque d’accident hémorragique grave encouru par le sujet âgé est ainsi multiplié par 4, sans que nous sachions le contrôler. Cela a abouti à la décision d’interdire les HBPM chez les patients en insuffisance rénale majeure (clairance de la créatinine < 30 ml/min), soit environ la moitié des sujets âgés vivant en institution, chez lesquels il faudrait recourir à la perfusion d’HNF. De plus, en présence d’une insuffisance rénale modérée (entre 30 et 50 ml/min), il est préconisé par l’AFSSAPS de mesurer l’activité anti-Xa, mais sans précision quant à la zone d’activité de cette mesure. • Concernant les AVK, la situation est encore plus complexe. Grâce à l’étude de Schulman (N Engl J Med 1995 ; 332 :1661-5), nous savons que le traitement par AVK évite les récidives mais qu’à son arrêt, leur fréquence est identique chez les patients traités durant 6 semaines ou 6 mois. Le risque de récidive est de 7 % pour la première année, 21,5 % au bout de 5 ans, avec 2,6 % d’EP mortelles (Arch Intern Med 2000 ; 160 : 769). Or, si les AVK préviennent les récidives, en contrepartie ils sont sources d’hémorragies. Dans une série de 10 757 patients traités pour MTEV, il y a eu 7,22 hémorragies majeures pour 100 patients/an, dont 13,4 % mortelles, et 1,15 hémorragies cérébrales/100 patients/an (Ann Intern Med 2003 ; 139 : 893-900). Ce risque est maximal pendant les 3 premiers mois du traitement. Plusieurs stratégies ont été développées afin de diminuer la iatrogénicité du traitement par AVK : • en standardisant leur prescription. Pendant la période de mise en route du traitement, où les accidents sont fréquents et les HBPM sont associées aux AVK, des abaques ont été proposées afin de limiter les surdosages ; ou en développant des programmes informatiques afin de gérer le traitement anticoagulant ; • en ouvrant des cliniques d’anticoagulation ; • une autre approche réside dans l’automesure par le patient. Des appareils d’automesure de l’INR sont au point, disponibles dans tous les pays européens hormis en France où ils se heurtent à un problème de remboursement. Pourtant, cette modalité de surveillance est plus sûre et plus efficace que le contrôle en clinique d’anticoagulation ; • une autre approche consisterait à diminuer la dose d’AVK. Ridker (N Engl J Med 2003 ; 348 : 1425-34) avait conclu à l’efficacité d’un état d’hypocoagulabilité modérée (INR entre 1,5 et 2 comparativement à un INR entre 2 et 3), sans majoration du risque hémorragique. Ces résultats ont été réfutés par Kearon (N Engl J Med 2003 ; 349 : 631-9) qui a conclu à la supériorité d’un INR entre 2 et 3 en prévention des récidives, sans majoration des complications hémorragiques, ce qui est toutefois surprenant.   Les nouveaux anticoagulants Deux nouvelles molécules de mécanisme d’action différent, le fondaparinux et le ximélagatran, sont porteuses d’espoir. • Le fondaparinux est la plus petite chaîne polysaccharidique capable de se fixer sur l’antithrombine. Cette molécule, dépourvue de chaîne latérale, neutralise uniquement le facteur X activé et est incapable de neutraliser la thrombine qui, elle, a besoin d’une chaîne latérale. Les études en chirurgie orthopédique ont montré qu’il prévient la TVP au moins aussi efficacement que les HBPM. Deux études de non-infériorité, dénommées MATISSE, ont été réalisées dans la MTEV (Ann Intern Med 2004 ; 140 : 867-73) et l’EP (N Engl J Med 2003 ; 349 : 1695-1702), avec pour comparateur une HBPM et l’héparine à la seringue électrique, respectivement, et un relais par AVK. La dose de fondaparinux était de 7,5 mg en SC une fois par jour, réduite à 5 mg en dessous de 50 kg et augmentée à 10 mg au-dessus de 100 kg : • dans l’EP, le fondaparinux a donné des résultats comparables — voire plutôt meilleurs — au traitement classique (3,8 versus 5 % de récidives) avec un risque hémorragique comparable ; • dans la TVP, il y a égalité parfaite en termes d’efficacité (3,9 versus 4 %) et d’accidents hémorragiques (1,1 versus 1,2 %). L’absence de supériorité de ce nouveau traitement comparativement au traitement classique et l’impossibilité d’une surveillance biologique expliquent la relative déception envers le fondaparinux. Une nouvelle forme retard, l’idraparinux, est en cours de développement, en 1 injection hebdomadaire ; deux études sont en cours, l’une dans la TVP, l’autre dans la fibrillation auriculaire. • Le ximélagatran est un inhibiteur direct de la thrombine. Cette molécule est une prodrogue active par voie orale, sans influence du bol alimentaire, et rapidement transformée dans l’intestin en mélagatran. Le pic d’activité est obtenu très rapidement dès la 2e heure. Sa demi-vie de 3-6 heures implique deux prises quotidiennes, avec une zone thérapeutique large, d’où une anticoagulation orale stable et prévisible et une absence de contrôle biologique. Toutefois, ce produit étant éliminé par voie rénale, une possibilité d’accumulation chez les insuffisants rénaux ne peut être exclue. Pour ceux-là, la surveillance biologique fait appel à un test dérivé du temps de thrombine. L’efficacité du ximélagatran a été évaluée dans le cadre de l’étude THRIVE III en prévention des récidives thromboemboliques chez des patients ayant fait une EP ou une TVP (N Engl J Med 2003 ; 349 : 1713-21). Après une période de 6 mois sous traitement anticoagulant standard, les patients ont été randomisés entre un traitement par ximélagatran à la dose de 24 mg deux fois par jour sans contrôle biologique ou un placebo. À 18 mois, le pourcentage de récidives a été de 12,6 % dans le groupe placebo et de 2,8 % seulement dans le groupe ayant reçu le ximélagatran (p < 0,0001), sans surcroît d’hémorragies. Après ces résultats encourageants, l’étude THRIVE Treatment a été entreprise, pour évaluer l’efficacité du ximélagatran à la dose de 36 mg deux fois par jour pendant 6 mois, comparativement au traitement classique (HBPM + AVK) en prévention secondaire, dès la période aiguë de la thrombose veineuse. Cette étude de non-infériorité, réalisée en double insu dans 28 pays (279 centres), a inclus 2 729 patients. En prévention des récidives chez un patient au décours d’un accident veineux aigu (TV ± EP), à 6 mois le traitement par ximélagatran donne des résultats équivalents à ceux du traitement conventionnel  (2,1 vs 2 %) ; il n’y a pas non plus de différence significative concernant l’incidence des hémorragies (1,3 vs 2,2 %). En cumulant les résultats hémorragiques et les récidives, l’équivalence entre les deux traitements devient parfaite (3,2 vs 3,6 %), ce que confirment les chiffres de mortalité à 6 mois (0,6 % dans les deux groupes). Ces bons résultats en termes d’efficacité sont néanmoins tempérés par les résultats de tolérance biologique. En effet, 9,6 % des patients sous ximélagatran dans l’étude THRIVE Treatment ont présenté une augmentation transitoire des transaminases supérieure à 3 fois la normale, comparativement à 2 % sous HBPM/AVK. Le laboratoire AstraZeneca a cumulé tous les patients ayant reçu plus de 35 jours de ximélagatran afin de préciser l’incidence des anomalies du bilan hépatique. Ainsi, 7,9 % des patients ont une augmentation des transaminases > 3 x N, 4,6 % > 5 x N ; 0,4 % ont une montée des ALAT à > 3 x N accompagnée d’une augmentation de la bilirubine à 2 x N. Ces anomalies du bilan hépatique surviennent à partir du 2e mois et leur mécanisme n’est pas encore élucidé.   Au total Si l’arrivée du ximélagatran représente une avancée décisive dans le domaine de l’anticoagulation orale, il reste encore quelques difficultés à résoudre, notamment pour préciser le risque d’hépatotoxicité et déterminer les modalités de surveillance des patients.

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