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Vasculaire

Publié le 27 mai 2008Lecture 7 min

Artériopathie oblitérante des membres inférieurs chez le sujet âgé : attention à l'ischémie critique !

Y. KAGAN, Fondation de Rothschild, Paris

Dans le grand âge, il n’est pas rare que l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) soit révélée d’emblée par des douleurs de décubitus et surtout des troubles trophiques traduisant une ischémie critique. Il s’agit là d’une urgence thérapeutique ayant pour but de sauver la vie, le membre et si ce n’est le membre, l’appui. Celle-ci repose sur une lutte contre le bas débit et la discussion d’un geste de revascularisation.

L'ischémie critique Elle est définie par l’association d’un critère clinique — le stade d’ischémie permanente qui correspond aux anciens stades III (douleur de décubitus) et IV (troubles trophiques distaux) — et d’un critère hémodynamique (pression artérielle systolique inférieure à 50 mmHg à la cheville ou à 30 mmHg à l’orteil). Il n’existe aucun parallélisme anatomo-clinique. La sténose du même axe artériel principal peut avoir une expression nulle, fruste ou grave selon la qualité du lit d’aval (figure 1). L’artérite peut être proximale, distale ou mixte. L’existence d’une artérite distale, classique dans le diabète mais également dans le grand âge, en dehors de tout diabète est souvent péjorative dans ce contexte. Figure 1. Sténose Quand la suspecter ?   Parfois le diagnostic est évident Soit il y a une douleur évocatrice, soulagée par la position pied déclive. Toutefois, le doute peut exister avec une douleur neuropathique. Soit il y a une zone nécrotique, ou un aspect de gangrène distale, d’un orteil (sèche ou d’aspect humide signant la surinfection) ou de mise à nu de tendons du dos du pied, signant une ischémie permanente avec nécrose tissulaire.   Souvent le problème est de savoir l’évoquer précocement Devant une lésion suspecte Une lésion ulcéreuse « banale » est hautement suspecte si elle siège sur le dos ou le pourtour du pied (notamment en bord externe). En effet, les ulcérations ischémiques sont souvent provoquées par le frottement dans la chaussure d’une couture interne saillante ou par un ongle incarné ou mal taillé. La survenue de la moindre blessure cutanée chez un patient âgé ayant une artérite et/ou une neuropathie connue, ou même seulement suspect d’artérite ou de neuropathie, doit être considéré comme une urgence, a fortiori en cas de diabète associé, et encore plus si ce diabète est ancien. Le grand âge est aussi un facteur de risque en soi. Enfin, toute plaie tardant à cicatriser impose un bilan artériel sans tarder. Devant une rétraction musculaire récente La douleur de repos peut être méconnue chez des personnes peu communicantes, remplacée par une attitude antalgique avec tendance au flessum de genou. Chez une personne peu mobile se mettant rapidement en rétraction musculaire, il faut savoir évoquer l’hypothèse d’une ischémie critique.   Comment la confirmer ? La disparition d’un pouls distal (surtout s’il était encore récemment perçu), le refroidissement de la peau surtout lorsque le pied controlatéral est chaud, la dépilation, les ongles cassants sont autant de signes cliniques classiques à prendre en considération, en sachant, en cas de neuropathie diabétique, que la présence du pouls pédieux et/ou la chaleur préservée du pied n’écartent pas une artérite associée. L’examen est complété par la palpation des pouls proximaux, la recherche de souffle fémoral et d’anévrismes. Si le praticien ou le lieu où il exerce possède un Doppler de poche (sonde de 8 Mhz), il lui est possible de mesurer la pression artérielle de cheville et d’avoir ainsi l’objectivation de l’ischémie et de sa gravité.   Hospitaliser sans délai en milieu vasculaire   Bilan vasculaire urgent Une échographie-Doppler des membres inférieurs couplée à un index de pression systolique à la cheville doit être effectuée en urgence. Dans « la foulée », sur l’avis d’un chirurgien vasculaire, une artériographie sera proposée s’il pense qu’un geste de revascularisation chirurgicale ou endoluminale est envisageable. L’index de pression systolique à la cheville a valeur diagnostique et pronostique. L’échographie-Doppler apprécie l’étendue et la sévérité des lésions, précise le siège proximal et/ou distal des sténoses, apprécie le lit d’aval et détecte au passage une éventuelle thrombose veineuse profonde (TVP) associée et donne une indication préthérapeutique au chirurgien vasculaire. elle nécessite autant que possible un opérateur expérimenté apte à décrire les 3 axes de jambe, en sachant que des sténoses proximales rendent plus difficiles l’appréciation de la circulation distale. La mesure de la TCPO (mesure de la pression transcutanée en O2) réalisée au niveau du pied est un autre examen utile pour quantifier la gravité de l’ischémie et apprécier le potentiel de cicatrisation de la plaie ou du trouble trophique à condition qu’il n’existe pas d’œdème ou d’inflammation locale, souvent présents. La mesure au Doppler de poche de la pression artérielle systolique de cheville affirme l’ischémie critique pour une valeur inférieure à 50 mmHg. Une pression d’orteil en dessous de 30 mmHg ou une mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène inférieure à 20 mmHg ont la même signification. Combattre l’ischémie Lutte contre la thrombose La recherche d’une éventuelle lésion emboligène (anévrisme poplité ou abdominal et surtout ECG évocateur d’une FA ou d’une nécrose récente) est systématique. Mais, que l’occlusion artérielle soit causée par une embolie ou une thrombose in situ, ne change en rien les options thérapeutiques sur des artères de toutes façons pathologiques. Une héparinothérapie à dose hypocoagulante est prescrite pour prévenir l’extension de la thrombose. Lutte contre le bas débit et l’hypoxie locaux Tous les facteurs de décompensation de l’artérite doivent être corrigés sans délai : déshydratation (correction de la déplétion sodée), décompensation cardiaque, déglobulisation aiguë, infection aiguë. Lutte contre la compression locale Toute zone potentiellement nécrotique au niveau de l’avant-pied ou du talon doit être mise en décharge, sans pour autant soulever la jambe bien entendu. En cas de trouble trophique : combattre l’infection L’ostéite est davantage à rechercher par le contact osseux à l’exploration de la plaie que par la radiographie locale dont les signes sont tardifs. Des prélèvements bactériologiques, les plus profonds possibles et éventuellement renouvelés, sont effectués au mieux par aspiration après désinfection des bords cutanés de la plaie. Sans attendre les résultats de l’examen bactériologique, une antibiothérapie par voie générale est indiquée en cas de cellulite locorégionale ou d’infection systémique. Même en l’absence de signes locaux, elle est légitime de principe chez le diabétique. Un spectre large couvrant staphylocoques, streptocoques, entérobactéries et anaérobies est souhaitable. L’association amoxicilline + acide clavulanique est souvent le choix initial avec éventuelle restriction secondaire du spectre selon l’antibiogramme. De toute façon le traitement de l’infection nécessite : – une mesure de revascularisation sans laquelle la pénétration des antibiotiques in situ est aléatoire ; – une éventuelle détersion chirurgicale (à mener après ou en parallèle avec le geste de revascularisation).   Revascularisation : une discussion urgente   Artériographie sans délai Il faut envisager rapidement une artériographie dans le but d’un geste de revascularisation dont l’objectif est d’éviter ou de limiter la nécrose. Plus le geste de revascularisation est précoce, plus sera élevée la probabilité de sauver le membre ou tout au moins l’appui. Certes, ce geste n’est pas anodin. Ses dangers de complications liées à la ponction artérielle (embolies de cholestérol, hématome) et à l’injection de produit de contraste (risque d’insuffisance rénale surtout chez le diabétique) sont bien connus. Mais l’importance de l’enjeu et le progrès des techniques va dans le sens d’une indication large de cet examen en cas d’ischémie critique, quel que soit l’âge. L’artériographie va permettre d’analyser les lésions dont deux topographies sont possibles : – proximale, se traduisant anatomiquement par une atteinte sus-poplitée des gros troncs artériels, image d’un processus athéromateux ; – distale, se traduisant anatomiquement par une atteinte sous-poplitée (avec obstruction d’un ou de plusieurs axes jambier : artères tibiale antérieure, tibiale post, péronière) que l’on retrouve soit chez le diabétique ancien soit dans le grand âge, en dehors de tout diabète. Chirurgie ou dilatation Il existe deux modalités de revascularisation : geste chirurgical (pontage) ou dilatation endovasculaire (angioplastie, recanalisation, stent) (figure 2). La dilatation est bien adaptée aux sujets âgés fragiles et se fait dans le même temps que l’artériographie. Figure 2. avant (a) et après (b) angioplastie. Le pronostic de la revascularisation dépend du « lit d’aval ». Schématiquement, dans les sténoses proximales les possibilités de revascularisation sont bonnes. Dans les sténoses distales sous-poplitées, les résultats sont plus aléatoires.   La question de l’amputation Dans le meilleur des cas, le geste de revascularisation permet la cicatrisation de la lésion. S’il existe une zone nécrosée ou une ostéite, un geste d’orthopédie podologique conservatrice (résection d’une tête de métatarsien ou d’une phalange) peut être proposé. Quand une nécrose irréversible ou une gangrène impose une amputation plus étendue, le geste de revascularisation préalable a pour but la conservation du genou, voire du talon. Quand l’amputation à mi-cuisse ne peut être évitée, elle signe un pronostic vital engagé, tout au moins dans le grand âge.   En conclusion L’ischémie critique doit être reconnue sans tarder : il s’agit d’une urgence thérapeutique. Plus le geste de revascularisation est précoce, plus grande sera la chance de sauver le membre ou tout au moins l’appui.

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