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Thrombose

Publié le 06 juil 2004Lecture 6 min

Accidents thromboemboliques des transports : quelle prophylaxie proposer ?

F. LAPOSTOLLE et F. ADNET, SAMU 93, hôpital Avicenne, Bobigny

La relation entre les accidents thromboemboliques et les voyages a été évoquée par Homans dès 1954.
Leur survenue au cours des voyages aériens a été particulièrement étudiée, mais ces accidents ne sont pas l’apanage des voyages en avion ; ils peuvent survenir quel que soit le mode de transport si la position assise est prolongée, ce qui, il est vrai, est une circonstance plus volontiers retrouvée lors des voyages en avion.
L’augmentation considérable du trafic aérien au cours des dernières décennies a accru l’incidence de ces événements. La question du traitement prophylactique est, aujourd’hui, cruciale. Les nombreuses incertitudes qui persistent sur l’épidémiologie des accidents thromboemboliques au décours des voyages rendent difficile la rédaction de recommandations.

Ce qui est connu Dans un travail récent, nous avons mis en évidence la relation entre la durée du vol et la survenue d’embolies pulmonaires graves. Les patients présentant une embolie pulmonaire après un voyage en avion et pris en charge par le SAMU 93 à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle ont été étudiés de 1993 et 2000. La provenance du vol de chaque patient a été relevée et comparée à celle de l’ensemble des passagers ayant atterri à cet aéroport pendant la durée de l’étude. Sur cette période, 56 patients ont été inclus dans l’étude, 44 femmes (75 %) et 12 hommes (25 %), d’âge moyen 57 ans. L’incidence de l’embolie pulmonaire a été calculée à 0,4 cas par million de passagers atterrissant à Roissy-Charles de Gaulle. Elle a été significativement plus élevée (p < 0,0001) lors des vols de plus de 5 000 km (1,5 cas par million de passagers) que lors des vols de moins de 5 000 km (0,01 cas par million de passagers). Pour les vols de plus de 10 000 km, cette incidence atteint 4,8 cas par million de passagers. La relation entre le nombre d’embolies pulmonaires et le nombre de passagers par tranches de distance de voyage de 2 500 km est rapportée dans la figure. La cassure dans la courbe (entre 5 000 et 7 500 km), atteste du rôle déterminant de la distance (et donc, de la durée du vol) dans l’incidence des embolies pulmonaires au cours des voyages en avion. Incidence des embolies pulmonaires en fonction de la distance parcourue. Ce qui n’est pas connu L’incidence des accidents thromboemboliques lors des voyages en avion est très vraisemblablement nettement sous-estimée dans cette étude. En effet, les patients décédés au cours du vol ou dans l’aéroport, ceux qui ont présenté une symptomatologie de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire sans signe de gravité ou qui se serait révélée hors de l’aéroport n’ont pas été comptabilisés. Ainsi, seuls des patients présentant une embolie pulmonaire grave avec, en particulier, une perte de connaissance initiale dans un cas sur deux (entraînant une incapacité évidente à la poursuite de leur voyage), ont été inclus dans cette étude. En d’autres termes, même si la relation entre les accidents thromboemboliques et les voyages en avion est bien établie, l’incidence exacte de ces événements demeure imprécise. Cette constatation est encore plus valable pour les autres modes de transport. En outre, le rôle et le poids des autres facteurs de risque thromboemboliques personnels ou a fortiori circonstanciels (conditions de vol : classe, type d’avion, mobilité pendant le vol, consommation de sédatif, d’alcool ou de tabac pendant le vol, etc.) demeurent inconnus. La relative rareté des accidents thromboemboliques et les difficultés à constituer des groupes témoins (de plusieurs milliers de passagers) n’ont pas encore permis de définir le rôle de ces autres facteurs de risque. Ainsi, la relation avec la classe du vol, qui valut à cette pathologie l’appellation de « syndrome de la classe économique » n’a pas été démontrée. Par ailleurs, bien que la plupart des observateurs aient rapporté une prédominance féminine dans la population atteinte, cette relation n’a pas été non plus démontrée. En l’absence d’étude solide permettant de fonder les recommandations prophylactiques, force est de s’en tenir au bon sens.   Que faire ? La stratégie prophylactique doit, en premier lieu, prendre en considération les incertitudes évoquées ci-dessus, ou plus précisément, la seule certitude : il existe une relation entre la durée d’un voyage et le risque d’accident thromboembolique. Elle doit répondre aux trois questions suivantes : pour quels voyages ? pour quels passagers ? et quelle prophylaxie ?   Pour quels voyages ? Nous n’avons pas observé d’embolie pulmonaire grave au cours de voyages de moins de 4 200 km (sur plus de 90 millions de passagers). Il est légitime de considérer cette distance comme un seuil et de recommander des mesures prophylactiques pour les vols d’une durée supérieure. Cependant, il ne peut s’agir d’une limite absolue et le seuil doit certainement être revu à la baisse pour les passagers qui présentent des facteurs de risques thromboemboliques personnels.   Pour quels passagers ? Le risque d’accident thromboembolique doit être évalué au cas par cas par le médecin après un interrogatoire et un examen clinique orientés. Puisque, comme nous l’avons souligné, seul le rôle de la durée du vol est clairement établi, il est légitime de s’en remettre à ce qui est décrit dans la population générale comme autres facteurs de risque thromboemboliques (circonstanciels, personnels congénitaux ou acquis), de « haut risque » ou de « risque modéré » (tableau).   Quelle prophylaxie ? Le traitement prophylactique peut être comportemental, physique ou pharmacologique. Les mesures comportementales reposent sur le port de vêtements ne gênant pas la circulation sanguine, l’abstinence de consommation de sédatif, d’alcool et de tabac, une bonne hydratation, la réalisation régulière de mouvements des membres inférieurs et la déambulation fréquente dans l’avion (dans la limite imposée par le respect des consignes de sécurité propres au transport aérien). En raison de leur mise en œuvre facile et de leur coût réduit, ces mesures comportementales doivent être d’indication large. Les mesures physiques reposent sur le port de bas de contention. Les bas de contention sont la seule technique à avoir bénéficié d’une évaluation prospective avec des résultats positifs, ce qui doit inciter à conseiller très largement leur utilisation aux passagers. Les mesures pharmacologiques reposent sur l’utilisation d’une héparine de bas poids moléculaire. Les risques liés à l’administration d’un anticoagulant doivent conduire à en restreindre l’indication aux passagers « à risque élevé », qu’il soit lié au voyage ou au patient. L’intérêt de cette stratégie a été demontré dans une population de passagers à risque. Dans cette étude, les patients ayant un mauvais état veineux des membres inférieurs, des antécédents de thrombose veineuse profonde, de trouble de la coagulation, de néoplasie, ou ayant une réduction de leur mobilité, ont reçu de l’énoxaparine selon le protocole suivant : 1 000 UI par 10 kg de poids administrées par voie sous-cutanée 2 à 4 heures avant le voyage. Toutefois, les données de ce travail sont insuffisantes pour en dégager une stratégie plus générale et un protocole d’administration universel. Le recours à cette prophylaxie pharmacologique doit donc être pesé par le médecin, au cas pas cas, en prenant en considération l’ensemble des facteurs de risque évoqués précédemment.   Conclusion   La mise en œuvre d’une stratégie de prophylaxie vis-à-vis des accidents thromboemboliques liés aux voyages, en particulier aux voyages en avion, se heurte à de nombreuses inconnues. Si la relation entre ces accidents et la durée du voyage est établie, le rôle des autres facteurs de risque est inconnu. Par ailleurs, hormis le port des bas de contention, dont l’intérêt est clairement établi, les autres mesures prophylactiques, pharmacologiques surtout, n’ont pas fait l’objet d’études qui permettent de proposer des recommandations solides. Il semble donc logique de s’en remettre à ce qui est connu sur le risque thromboembolique et privilégier le recours au bon sens et l’évaluation par le médecin au cas par cas. Les mesures prophylactiques comportementales et le port de bas de contention doivent être d’indication très large et le recours à une prophylaxie pharmacologique réservée aux situations à risque élevé.   Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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