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Études

Publié le 15 jan 2013Lecture 7 min

Hypertension et vieillissement vasculaire prématuré : traiter plus vite et plus fort

E. MILLARA

L’hypertension artérielle est une révélation clinique d’un phénomène plus global, le vieillissement vasculaire. Longtemps silencieux, ce dernier s’amorce bien avant l’élévation de la pression artérielle, parfois dès la naissance, sous l’effet des facteurs de risque externes et de déterminants génétiques ou épigénétiques. Lorsque les chiffres tensionnels commencent à s’élever, les parois artérielles sont déjà le siège d’altérations en partie irréversibles, et l’hypertension constitue également un accélérateur du vieillissement vasculaire. C’est pourquoi le dépistage précoce et le traitement ambitieux de l’hypertension artérielle constituent un objectif fondamental en matière de prévention cardiovasculaire.

L’âge est le facteur ayant le plus lourd impact sur le risque cardiovasculaire, induisant des altérations artérielles de façon directe mais aussi indirecte du fait de la durée croissante d’exposition aux autres facteurs de risque(1). L’augmentation de la PAS avec l’âge traduit le vieillissement des artères, très variable d’un sujet à l’autre tant dans sa sévérité que dans l’âge de son apparition(2). Une fois avérée, l’hypertension artérielle accélère le processus du vieillissement vasculaire, notamment par l’activation du système rénine-angiotensine(3).  Le vieillissement vasculaire prématuré semble également lié à des facteurs génétiques et épigénétiques : il existe des composantes génétiques spécifiques de la rigidité artérielle, indépendantes des marqueurs génétiques associés à l’hypertension artérielle. Un faible poids de naissance est connu pour accroître le risque de diabète et d’hypertension à l’âge adulte(4). Il existe de même une relation entre retard de croissance intra-utérin et rigidité artérielle à l’âge adulte(5). Il a également été observé une rigidité artérielle anormale dans les familles présentant une prévalence élevée d’accidents coronaires prématurés(6). Enfin, il existe une relation entre l’âge biologique et la longueur des télomères (partie distale des chromosomes), découverte ayant fait l’objet d’un prix Nobel en 2009. D’autres travaux ont de façon similaire mis en évidence l’existence d’un raccourcissement des télomères chez les sujets présentant une athérosclérose(7-9), ainsi que chez les individus atteints de diabète de type 2 et d’infarctus du myocarde(10).   La rigidité artérielle précède l’apparition d’une HTA et prédit le risque d’événements cardiovasculaires    Sur le plan physiopathologique, le vieillissement des gros troncs s’accompagne de l’épaississement de l’intima et de la média, de l’augmentation des dépôts de collagène, de la perte et du fractionnement de l’élastine et du déséquilibre de la balance endothélium- dépendante en faveur des facteurs vasoconstricteurs.  Ces manifestations peuvent être mises en évidence de différentes façons(11) :  - l’artériosclérose, ou rigidification artérielle, s’accompagne d’une élévation de la vitesse de l’onde de pouls (seuil pathologique fixé à 10 m/s(12)), de la pression pulsée et de l’index d’augmentation AIx en impédancemétrie. La variabilité tensionnelle est également un marqueur de la rigidité artérielle ;  - la dysfonction endothéliale est objectivée par la baisse de production de NO, l’inhibition de la relaxation artérielle flux-dépendante et l’inflammation locale ;  -l’athérosclérose peut être évaluée par l’augmentation de l’épaisseur intima-média, le développement des plaques athéromateuses, l’index de pression systolique et l’altération des biomarqueurs.  Le retour prématuré des ondes réfléchies lié à la rigidité artérielle engendre trois conséquences :  - l’augmentation de la pression pulsée centrale, avec pour effet une élévation du risque rénal et du risque d’AVC ;  - l’augmentation de la postcharge, entraînant le développement d’une hypertrophie ventriculaire gauche et d’une insuffisance cardiaque ; - la diminution de la perfusion coronaire avec une augmentation du risque d’infarctus du myocarde.  Une métaanalyse ayant porté sur 14 études incluant plus de 16 000 sujets a établi que la vitesse de l’onde de pouls constitue un facteur prédictif indépendant du risque cardiovasculaire, particulièrement chez les sujets les plus jeunes pour lesquels l’âge ne constitue pas le facteur de risque prépondérant : l’élévation anormale de la vitesse de l’onde de pouls augmente le risque d’événement cardiovasculaire de 83 % avant 50 ans et de 25 % après 70 ans(13).  Par ailleurs, la rigidité artérielle s’accompagne d’une perte de la capacité d’autorégulation de la circulation artérielle cérébrale et de la protection du tissu cérébral qu’elle assure(14). Ainsi, le vieillissement vasculaire est associé au déclin des fonctions cognitives : chez le sujet âgé, pour chaque élévation de 2 m/s de la vitesse de l’onde de pouls, le risque de maladie d’Alzheimer augmente de 73 % et celui de démence vasculaire est multiplié par 3,5(15). Il est de même établi que la prévalence des infarctus sous-corticaux est corrélée, de façon indépendante des autres facteurs de risque, à la vitesse de l’onde de pouls, à la pression centrale et à l’index de pulsatilité(16-18).   HTA : traiter plus vite, plus fort    La rigidité artérielle et la vitesse de l’onde de pouls sont étroitement associées au risque de développer une hypertension artérielle ultérieure. La rigidité artérielle semble donc bien être un précurseur de l’hypertension artérielle(19), mais elle est secondairement favorisée par l’hypertension, créant ainsi un cercle vicieux d’autoaggravation(3).  En outre, même lorsque la pression artérielle est normalisée par les traitements antihypertenseurs, il persiste chez l’hypertendu un risque cardiovasculaire résiduel, inférieur à celui de patients non contrôlés, mais supérieur à celui observé pour des patients normotendus (voir Cardiologie Pratique n°993-994, février 2012). Le vieillissement vasculaire prématuré pourrait ainsi être tenu en partie pour responsable du risque résiduel persistant après ajustement sur tous les facteurs de risque cardiovasculaire conventionnels (âge, sexe, pression artérielle, lipidémie, tabagisme, glycémie, etc.). Il précède et prédit les manifestations cliniques et les événements cardiovasculaires : l’apparition d’une hypertension artérielle révèle un vieillissement vasculaire prématuré œuvrant silencieusement depuis de longues années.  Ce risque résiduel a été attribué à l’irréversibilité partielle des altérations vasculaires, notamment fibrose et dépôts de collagène. C’est pourquoi l’HTA, qui est souvent le premier indice cliniquement perceptible du vieillissement artériel prématuré, doit être dépistée activement et faire l’objet d’un traitement rapide et ambitieux, tant que les altérations vasculaires sont encore peu avancées et que le risque résiduel peut être minimisé, voire éliminé.  Il a été montré chez l’animal (rat spontanément hypertendu) qu’un traitement précoce de l’hypertension par IEC réduisait durablement l’élévation de la pression artérielle, tandis qu’un traitement plus tardif n’avait qu’un effet transitoire, avec survenue d’un échappement thérapeutique(20). Chez l’homme, un vaste essai thérapeutique récemment publié a été conduit chez plus de 15 000 patients diabétiques âgés en moyenne de 51 ans et présentant une hypertension d’apparition récente. Les résultats indiquent que le risque d’événements cardiovasculaires à 38 mois est majoré de 30 % lorsque, malgré le traitement, la pression artérielle reste supérieure à 140/90 mmHg(21).  De même, l’étude CARDIO-SYS a récemment montré que le contrôle exigeant (PAS < 130 mmHg) permet une régression de l’hypertrophie ventriculaire gauche chez des patients hypertendus, de façon significativement plus importante que le contrôle standard (PAS < 140 mmHg) et surtout que le risque d’événement cardiovasculaire majeur à 2 ans est réduit de 50 %(22).   Préférer les antihypertenseurs efficaces sur la pression centrale et la vitesse de l’onde de pouls    Le choix des traitements antihypertenseurs doit préférentiellement se porter sur les molécules ciblant les marqueurs de la rigidité artérielle, qui constitue vraisemblablement le mécanisme physiopathologique sous-tendant l’ensemble des manifestations cliniques. L’étude ASCOT-CAFE a par exemple montré que la stratégie périndopril/amlodipine réduit efficacement la pression centrale, contrairement à la combinaison aténolol + diurétique(23), entraînant une réduction des événements cardiovasculaires : rappelons que l’étude a été interrompue prématurément, après un suivi médian de 5,5 ans, en raison d’une réduction importante de la mortalité globale dans l’un des groupes, qui était celui recevant la stratégie périndopril/amlodipine(24).  L’étude SPARTE, actuellement en cours, évalue l’efficacité d’une stratégie antihypertensive basée sur la réduction de la vitesse de l’onde pouls, à l’aide de traitements antihypertenseurs ciblant la rigidité artérielle. Au total, 3 000 hypertendus à risque cardiovasculaire élevé ou très élevé seront ainsi suivis durant 4 ans, avec décompte des événements cardiovasculaires majeurs.   Prévalence des infarctus sous-corticaux en fonction de la rigidité aortique chez des sujets sans antécédent d’AVC ou d’AIT (d’après Mitchell et al.).   Histoire naturelle du vieillissement artériel prématuré (EVA) et utilité d’une intervention volontariste sur les facteurs de risque de l’athérosclérose (ADAM) (d’après Nilsson et al.).   ASCOT-CAFE : évolution des pressions artérielles systoliques centrale et périphérique en fonction de la stratégie thérapeutique basée sur la stratégie périndopril/amlodipine ou aténolol/thiazide.

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