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Vasculaire

Publié le 24 jan 2012Lecture 6 min

Accident vasculaire cérébral ischémique du jeune sportif - Relation avec la présence d’un foramen perméable et discussion sur la prise en charge thérapeutique - À propos de deux cas

A. GOMMEAUX, E. GRAS, F. PASSARD, M. PARIS, Hôpital privé de Bois-Bernard

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) cryptogéniques représentent jusqu’à 30 % des AVC du sujet jeune (< 55 ans dans les travaux publiés). L’incidence des récidives d’AVC ischémique dit « cryptogénique » du sujet jeune est d’environ 1 %/an dans la population générale ; la présence d’un foramen ovale perméable (FOP) associé à un anévrisme du septum interauriculaire (ASIA) augmente cette prévalence entre 3 et 4 %/an(1). La prise en charge thérapeutique de cette pathologie est actuellement l’objet de plusieurs études randomisées qui devraient nous permettre d’affiner notre offre de soins(2).
Nous rapportons ici notre expérience de la prise en charge de deux patients jeunes et sportifs posant des problèmes spécifiques de traitement.

Description clinique et prise en charge   Première observation M. F. D., 29 ans, spécialiste de demi-fond de niveau régional présente pendant son entraînement deux épisodes itératifs d’hémiparésie gauche régressive. Il est hospitalisé en neurologie, où l’IRM confirme un accident rolandique droit. Le bilan étiologique retrouve un FOP large spontanément perméable avec ASIA (figure 1) ; le reste du bilan est totalement négatif chez ce patient qui ne présente aucun facteur de risque cardiovasculaire et possède un bilan d’hémostase normal. Après discussion avec l’équipe de neurologie, le patient souhaite une fermeture percutanée de son FOP. Celle-ci est effectuée avec un dispositif Amplatzer FOP n° 35 avec absence de shunt résiduel confirmé lors d’un contrôle un an plus tard, ce qui conduit à arrêter tout traitement antiagrégant plaquettaire. Trois ans plus tard, le suivi demeure normal et le patient vient de franchir la barre des 3 heures au marathon. Figure 1. FOP et ASIA, vue classique en ETO. Deuxième observation Mme M. D., 33 ans, rugbywoman, présente au lever une hémiplégie droite massive pour laquelle elle est hospitalisée en urgence en neurologie pour éventuelle thrombolyse ; l’évolution spontanément favorable annule ce traitement et l’IRM confirme un accident ischémique sylvien gauche. Le bilan étiologique retrouve un FOP large avec ASIA et valve d’Eustachi géante ; le reste du bilan est négatif et l’hémostase est normale. La patiente a souhaité la fermeture percutanée de son FOP, obtenue par une prothèse Premere n° 24 avec absence de shunt résiduel confirmé en ETO à un an (figure 2). Tout traitement antiagrégant plaquettaire est alors stoppé chez cette patiente qui ne présente aucun facteur de risque cardiovasculaire. La pratique du rugby a été autorisée 6 mois après l’implantation et la patiente continue ses plaquages sans problème clinique avec près de 3 ans de suivi. Figure 2. FOP avant (a) et après (b) fermeture par prothèse Amplatzer : vue 3D. Incidence du FOP et AVC cryptogénique La prévalence du FOP dans la population générale est élevée : environ 25 % de la population adulte. Cette proportion augmente à 56 % chez les sujets de < 40 ans présentant un AVC ischémique de cause inconnue(3,4). Cette association significative est d’autant plus nette, qu’il existe un ASIA, un shunt important, un FOP large, une valve d’Eustachi. Les mécanismes d’AVC dans ce cas ne sont pas prouvés : embolie paradoxale sur mécanisme thromboembolique, formation d’un thrombus dans le FOP. Certains évoquent aussi une possible hypervulnérabilité auriculaire en cas de FOP. La présence d’un FOP associé à un ASIA augmente nettement le risque de récidive d’AVC ischémique, malgré un traitement par 300 mg d’aspirine : 15,2 % vs 2,3 % dans l’étude FOP-ASIA, avec un suivi de 4 ans chez des sujets de < 55 ans(1). On notera que la présence d’un FOP isolé n’augmente pas ce risque.   Prise en charge thérapeutique après un infarctus cérébral (IC) ou un accident ischémique transitoire (AIT) Les recommandations de la HAS (2008) insistent dans le cas d’AVC cryptogénique sur la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire. Un traitement antiagrégant ou anticoagulant est recommandé en cas de FOP avec ASIA en fonction du contexte clinique. La fermeture du FOP peut être envisagée après concertation neuro-cardiologique chez les patients ayant un IC ou un AIT sans cause, récidivant sous traitement antithrombotique (?) bien conduit. La fermeture endovasculaire d’un FOP après un AVC ischémique a fait l’objet d’un consensus (2007) des sociétés françaises neurovasculaire et cardiologique(5). Ce traitement peut être envisagé dans les situations suivantes : – FOP avec ou sans ASIA et AIC cryptogénique récidivant sous traitement anticoagulant (?) bien conduit ou contre-indication à ce traitement ; – FOP avec ou sans ASIA et maladie thromboembolique veineuse à haut risque de récidive thrombotique ; – FOP avec ASIA et refus du traitement anticoagulant par le patient. Ces recommandations concernent les patients de moins de 55 ans. La fermeture endovasculaire d’un FOP doit s’accompagner d’un traitement antiplaquettaire au long cours. Ces sociétés recommandent la réalisation d’études randomisées et encouragent les patients à y participer. Une première étude a été présentée fin 2010. L’étude CLOSURE 1 n’a pas mis en évidence d’avantage à la fermeture de FOP avec ou sans ASIA, versus un traitement médical dit optimal, sur le risque de récidive d’AVC chez des patients ayant présenté un AVC cryptogénique et ce, pour un suivi moyen de 2 ans (3,1 %/3,4 %).   Problèmes spécifiques du FOP chez le sportif La mise en évidence d’un FOP chez le sportif n’a que peu d’incidence ; sa fermeture semble recommandée chez les patients pratiquant la plongée sous-marine et ayant présenté un accident de décompression(6). Il n’y a pas de contre-indication à la pratique sportive. Ces patients sportifs sont le plus souvent totalement indemnes des facteurs de risque classiques. L’utilisation des anticoagulants contre-indique, bien sûr, la pratique de nombreux sports, en particulier en compétition. Dans ce contexte, on observera que les recommandations de la conférence de Bethesda sont assez floues et reposent sur « le bon sens »(11).   Regard critique des recommandations thérapeutiques actuelles sur les FOP-ASIA des patients post-AVC cryptogénique L’utilisation des traitements antiplaquettaires expose à un risque de complications hémorragiques digestives et cérébrales. Chez des sujets jeunes dont le risque de récidive est faible, on peut imaginer que le bénéfice initial de leur utilisation se transforme en quelques années en effet neutre, voire délétère. Cela a même conduit certaines équipes neurologiques à proposer l’arrêt du traitement antiagrégant après 3 à 5 ans de suivi sans récidive chez les patients de < 45 ans à FOP isolé (ce qui peut sembler surprenant puisque le FOP isolé n’amène pas de sur-risque de récidive dans les études publiées)(7). On peut aussi se poser la question de la conduite à tenir en cas d’arrêt rendu nécessaire par une intervention à risque hémorragique élevé et à risque thrombotique élevé (prostate ?), ce qui finit par arriver aux « jeunes » qui vieillissent. Enfin, on rappellera que les AVK sont responsables de 0,45 % des hospitalisations en France et restent au premier rang des accidents iatrogènes graves(8). La fermeture percutanée des FOP représente, bien sûr, un geste invasif. On rapporte ainsi, dans une série de 1 350 patients publiée en 2003, 1,5 % de complications sérieuses (hémorragie sévères, tamponnade, conversion chirurgicale, embolie pulmonaire et décès). Des complications mineures (arythmie, fracture ou migration de matériel, embolie gazeuse, hématome fémoral et fistule) étant rapportées chez 7,9 % des patients(9). Ces taux de complications sont nettement moins importants dans des centres compétents, réalisant leur fermeture sous anesthésie générale et avec un contrôle de pose sous ETO ou échographie endocardiaque. Un taux de complications, le plus souvent mineures, autour de 3 % paraît plus proche de l’activité des centres expérimentés(10). Pour mémoire, la moyenne de fermeture annuelle des centres inclus dans l’étude CLOSURE 1 était de 2 patients inclus dans l’étude/an… La fermeture des FOP pose encore le problème des shunts résiduels (rarement évoqués dans les discussions thérapeutiques). Ceux-ci sont retrouvés dans 15 à 20 % des cas dans les contrôles systématiques à 6 mois. Cette constatation incite dans cette situation au maintien du traitement antiagrégant. Le contrôle d’ETO ou d’écho endocardiaque per procédure, diminue probablement ce pourcentage. Une bithérapie antiplaquettaire est recommandée pendant 3 à 6 mois après l’implantation, afin d’obtenir une endothélisation de la prothèse. La persistance d’un shunt résiduel incite probablement au maintien d’un traitement antiagrégant au long cours.   En pratique   L’AVC ischémique cryptogénique du jeune sportif et sa relation avec la présence d’un FOP avec ASIA représente sans doute la situation clinique pour laquelle : - un traitement médical antiagrégant ou anticoagulant à vie paraît discutable dans son maintien quotidien tant en termes d’efficacité que de tolérance ; - la fermeture percutanée dans des centres compétents paraît, dans cette situation, un choix thérapeutique séduisant. Les résultats des études randomisées en cours nous permettront sans doute d’affiner notre prise en charge.

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