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Imagerie

Publié le 10 jan 2024Lecture 5 min

Échographie transthoracique du greffon cardiaque

Pierre-Jacques AMBROSI, service de cardiologie, hôpital de la Timone, Marseille

Le cardiologue non spécialisé dans la greffe doit pouvoir identifier les anomalies évocatrices d’un rejet aigu ou chronique et les distinguer des anomalies anatomiques et physiologiques inhérentes à la greffe.

L’oreillette gauche du greffon est une chimère Dans la technique historique, dite de Shumway, abandonnée vers 1991, le cœur a quatre oreillettes : les oreillettes du greffon sont suturées aux oreillettes du receveur laissées en place. Dans la technique actuelle, dite bicave, le chirurgien ne garde du cœur du receveur que la partie de l’oreillette gauche où convergent les quatre veines pulmonaires. Ce massif est intégré dans l’oreillette gauche (OG) du greffon (figure 1). Figure 1. Structures du receveur laissées en place lors de la technique de transplantation bicave. Le greffon est anastomosé aux veines caves, à l’artère pulmonaire, à l’aorte et au massif de l’OG du receveur où se jettent les veines pulmonaires.   Les conséquences de cette anatomie particulière sont multiples Le volume de l’OG est très souvent supérieur à la normale (figure 2). La zone d’anastomose de l’OG du greffon avec le massif conservé de l’OG du receveur crée un repli qu’on peut voir en échographie (figure 3). Ce repli peut être un nid de caillots. Il n’est pas exceptionnel de voir un caillot dans l’OG à l’ETT en cas de technique historique (figure 2). Ce risque de thrombose a conduit à abandonner la technique historique, mais n’a pas totalement disparu dans la technique bicave. L’OG du greffon est isolée électriquement de facto des veines pulmonaires. La fibrillation atriale n’est donc pas fréquente. On observe davantage de flutters et de tachycardies atriales. Le flux transmitral est souvent altéré chez le greffé cardiaque. On observe souvent une onde E ample, une onde A diminuée évoquant le type III d’Appleton. Il peut s’agir de la conséquence d’une authentique dysfonction diastolique du ventricule gauche (VG), mais aussi de l’anatomie particulière de l’OG. En revanche, le rapport E/e’ (e’ mesuré en Doppler tissulaire à l’anneau mitral) demeure assez bien corrélé à la pression de remplissage VG. Une augmentation aiguë du rapport E/e’ doit faire évoquer un rejet. En règle générale, il n’y a pas de foramen ovale perméable (FOP) sur un cœur greffé, le chirurgien mettant un point sur le septum interauriculaire en cas de FOP lors de la greffe. Initialement, il n’y a pas d’insuffisance mitrale significative. Avec le temps peut apparaître une petite insuffisance mitrale. Une insuffisance mitrale importante peut être observée en cas de coronaropathie du greffon. Figure 2. Échographie transthoracique d’un cœur greffé selon la technique historique en incidence 5 cavités. Noter la grande taille de l’OG qui résulte de la fusion de l’OG du donneur et de l’OG du receveur. Un caillot calcifié est collé contre la paroi latérale de l’OG. Figure 3. Vue 5 cavités d’un cœur greffé selon la technique bicave. La suture entre l’OG du donneur et le massif de l’OG du receveur laissé en place est calcifiée et fait protrusion dans la cavité de l’OG.     Le ventricule gauche du greffon est souvent hypertrophié L’hypertrophie est parfois initiale, modérée et secondaire à la souffrance ischémique et à l’œdème du greffon. Le plus souvent l’hypertrophie VG se développe progressivement en réponse à l’hypertension artérielle observée chez 90 % des greffés. Elle est habituellement modeste et prédomine sur le septum. L’épaisseur septale peut augmenter au cours d’un rejet aigu grave, mais ce signe n’est pas sensible. L’hypertrophie est rarement importante et concentrique. Il faut alors penser à la CMH induite par le tacrolimus (Prograf) (figure 4). Figure 4. En coupe petit axe, hypertrophie myocardique concentrique du VG secondaire au traitement par tacrolimus.     L’apparition d’une hypokinésie globale ou segmentaire du VG doit faire évoquer en priorité le rejet aigu ou la coronaropathie du greffon Le patient doit alors être adressé en urgence au centre de transplantation pour biopsie endomyocardique +/- coronarographie. Le diagnostic différentiel n’est pas facile initialement. D’une part, l’infarctus du myocarde peut être indolore en raison de la dénervation du cœur. D’autre part, la troponine peut s’élever en cas de rejet aigu. Attention, la fonction systolique VG peut demeurer intacte dans le cas d’un rejet chronique grave (figure 5). Le rejet chronique est un modèle expérimental de cardiopathie restrictive. Figure 5. Rejet chronique sévère avec pression capillaire pulmonaire moyenne mesurée à 30 mmHg au cathétérisme. La coupe TM montre une dilatation du VD, une hypokinésie septale et une fonction systolique VG préservée. Le rejet chronique a souvent pour conséquence une cardiopathie restrictive.     Les cavités droites du greffon sont souvent dilatées La dilatation peut apparaître dès la greffe : c’est alors la réponse du greffon à une hypertension pulmonaire en partie fixée. On a changé le cœur, mais pas les poumons. La dilatation des cavités droites peut apparaître progressivement. Elle témoigne habituellement alors du rejet chronique souvent associé à une hypokinésie VD. D’où la nécessité de suivre la cinétique VD par la mesure du TAPSE ou de S. Le TAPSE n’est pas un très bon reflet de la fonction systolique VD globale après transplantation. De plus, le TAPSE est sensible aux conditions de charge. Cependant, une diminution du TAPSE doit faire évoquer un rejet chronique ou aigu. La fuite tricuspidienne n’est pas rare. Elle est souvent secondaire au rejet chronique, à la dilatation du VD et à l’hypertension pulmonaire. Elle est parfois organique et conséquence des biopsies endomyocardiques multiples.   Les péricardites sont rares et témoignent habituellement d’un rejet aigu La péricardite chronique constrictive est exceptionnelle. L’endocardite valvulaire est rare et n’a pas de particularité. Les disjonctions de l’anastomose entre l’aorte initiale du donneur et l’aorte ascendante du receveur ne s’observent en règle générale qu’au cours des premières semaines suivant la greffe.   EN PRATIQUE • Toute modification de l’échographie transthoracique du greffé doit faire évoquer un rejet aigu ou un syndrome coronaire aigu. La biopsie endomyocardique demeure la méthode de référence pour le diagnostic du rejet. • Au long cours, le greffon évolue vers le rejet chronique : cardiopathie restrictive et/ou coronaropathie du greffon. L’évaluation des pressions de remplissage à gauche (E/e’) et à droite (diamètre VCI) est indispensable.  

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