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Imagerie

Publié le 17 juin 2024Lecture 7 min

L’essentiel de 2023 en imagerie cardiovasculaire

Anne BERNARD, Inserm U1327 ISCHEMIA « Membrane signaling and inflammation in reperfusion injuries », Université de Tours ; service de cardiologie, CHU de Tours

L’imagerie multimodale prend une place de plus en plus fréquente dans notre pratique quotidienne, de l’évaluation du risque cardio-vasculaire, à la stratégie thérapeutique en passant par le diagnostic de la cardiopathie sous-jacente. L’année 2023 a aussi été marquée par un nombre croissant de publications sur le rôle de l’intelligence artificielle dans l’acquisition et l’interprétation des images.

Évaluation cardiaque morphologique et fonctionnelle   Valeurs de référence pour le strain des 4 cavités : des vues dédiées ! Nyberg et coll. ont analysé en échocardiographie, avec des vues dédiées, une large population des 1 330 sujets normaux norvégiens afin de déterminer les valeurs normales par tranches d’âge pour les 4 cavités cardiaques(1). Nous pouvons retenir que la limite inférieure du strain global ventriculaire gauche (GLS) est de -16 % (référence haute -24 %) ; du strain de la paroi libre du ventricule droit de -17 % (référence haute -35 %) ; du strain réservoir de l’oreillette gauche de 17 % (référence haute 49 %) et de l’oreillette droite de 17 % (référence haute 59 %). Il faut noter que les valeurs de référence sont principalement associées à l’âge (diminution avec l’âge) et au sexe. Afin d’améliorer l’utilisation clinique de ces paramètres de strain à des fins de diagnostic, ces données doivent être prises en compte.   L’analyse du cœur droit est requise dans de nombreuses pathologies cardio-vasculaires comme facteur pronostique ou décision de stratégie thérapeutique Dans cette review de Rebecca Hahn(2) , les paramètres clés d’évaluation de la fonction longitudinale du ventricule droit sont au premier plan de l’analyse échographique, dont le strain du ventricule droit, mais il est aussi souligné le rôle du couplage ventriculo-artériel (TAPSE/PAPs) et de l’écho 3D. L’IRM cardiaque est l’examen de référence des volumes, le scanner pouvant apporter de précieuses informations en cas de contre-indication. Egbe et coll. ont étudié la valeur pronostique du strain global du ventricule droit (incluant le septum) chez 620 patients atteints d’une anomalie d’Ebstein(3) . Ils montrent que celuici est associé de façon indépendante à la mortalité toute cause et la mortalité cardiovasculaire, sa valeur pronostique étant supérieure aux indices échographiques classiques (fraction de raccourcissement de surface, TAPSE, S’VD).   Imagerie et fibrillation atriale   L’indication d’une échocardiographie transœsophagienne (ETO) pour exclure un thrombus avant cardioversion ou ablation de fibrillation atriale est fréquente, mais cet examen reste semi-invasif(4). Les auteurs ont analysé les données cliniques et d’ETT de 4 302 patients sous anticoagulation orale et ayant bénéficié d’une ETO (5,5 % de thrombus). Le modèle de machine learning développé à partir des données cliniques et d’ETT permettait de mieux prédire la présence d’un thrombus de l’auricule gauche (AUC 0,85) que les facteurs de risque classique que sont la fraction d’éjection et le score CHA2DS2-VASc (AUC 0,81 et AUC 0,69, respectivement). En se basant sur les seuils définis dans la cohorte de développement, l’application de ce modèle à une cohorte externe montrait que 40 % des ETO pouvaient être évitées et qu’aucun thrombus n’était manqué. Un protocole basé sur l’intelligence artificielle permettrait donc de sélectionner les patients sous anticoagulation orale pour lesquels une ETO est vraiment indispensable.   Valvulopathies : regarder les ventricules !   Avec cet article « state-of-the-art review » intitulé « Valvular heart disease : shifting the focus to the myocardium », Marsan et coll. donnaient le ton pour l’évaluation des valvulopathies en 2023(5). Face à une surcharge en pression ou en volume, les ventricules s’adaptent pour diminuer la tension pariétale et maintenir le débit cardiaque, mais ces phénomènes compensatoires peuvent rapidement faire place à des mécanismes mal-adaptatifs comme la fibrose et l’ischémie sous-endocardique qui vont altérer la fonction cardiaque. L’imagerie multimodale avec l’analyse du strain, de la perfusion myocardique ou de la fibrose en IRM permettrait de détecter précocement ces phénomènes mal-adaptatifs et ainsi de définir des stratégies thérapeutiques adaptées à chaque individu. Thellier et coll. ont montré dans JACC Cardiovascular Imaging(6) que la dispersion des pics de strain (marqueur d’un asynchronisme intraventriculaire gauche), en plus du GLS, pouvait être associée à un risque de mortalité plus élevé chez les patients avec un RAo serré et une FEVG conservée. Parmi 364 patients asymptomatiques atteints de RAo serré, le groupe des patients présentant une dispersion des pics > 68 ms et un GLS ≥ -15 %, présentaient une mortalité cumulée à 59 %, ± 6 % à 48 mois de suivi, plus importante que chez ceux qui n’ont aucun ou qu’un seul des 2 critères (adjusted HR 2,02 ; IC95% : 1,34-3,03; p < 0,001). Il reste bien sûr à démontrer si le remplacement valvulaire aortique plus précoce chez ces patients améliorerait le pronostic. Alors que la prévalence du RAo ne cesse de croître, nous sommes amenés à voir de plus en plus en échocardiographie des rétrécissements aortiques moyennement serrés (moderate aortic stenosis en anglais) : surface entre 1 à 1,5 cm2 ou gradient moyen entre 20 et 40 mmHg ou Vmax entre 3 et 4 m/s. Or, nous savons que ces patients sont aussi associés à un risque de mortalité plus élevé. Après avoir éliminé les RAo moyens concordants, c’est-à-dire présentant les 3 paramètres, il reste la problématique de l’évaluation des discordants (surface < 1 cm2 et gradient moyen entre 20 et 40 mmHg/Vmax entre 3 et 4 m/s ; surface entre 1 à 1,5 cm2 et gradient moyen < 20 mmHg/Vmax < 3 m/s). Ce state-of-the-art paper explique le rôle de l’imagerie multimodale : échocardiographie sous dobutamine et scanner cardiaque pour évaluer le remodelage ventriculaire gauche sous-jacent et ainsi sélectionner les patients avec RAo serré qui doivent bénéficier d’une prise en charge. La prise en charge des RAo authentiquement moyennement serrés reste à déterminer. Savoir bien évaluer l’insuffisance tricuspide est un enjeu majeur considérant le pronostic de ces patients et l’avènement de thérapeutiques. Dans cette revue, Grapsa et coll. font le point sur l’évaluation échocardiographique, IRM et scanner, du diagnostic, de la quantification, de la catégorisation à la prise en charge thérapeutique, en passant bien sûr par l’évaluation du risque avec le TRI-score(7).   Imagerie des cardiomyopathies : mieux connaître le myocarde   La fonction systolique du ventricule gauche est un facteur déterminant de la capacité fonctionnelle chez les patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique. Dans cette étude(8), les auteurs montrent que le strain global longitudinal évalué en échocardiographie 3D était d’autant plus diminué que la classe NYHA était plus élevée. Il est aussi associé de façon indépendante avec la capacité fonctionnelle estimée en épreuve d’effort VO2, alors que ce n’est pas le cas pour la FEVG. La non-compaction ventriculaire gauche n’est plus classée dans les cardiomyopathies. En effet, il faut parler maintenant d’hypertrabéculations ou de trabéculations excessives(9), car il est maintenant établi que les couches de myocarde trabéculé et de myocarde compacté chez 13 N°1252-1253 – Avril-Mai 2024 l’adulte sont déterminées par la croissance différentielle de chaque couche du myocarde. De plus, à ce jour, il n’a pas été montré chez l’adulte un rôle pronostique des trabéculations excessives indépendamment d’une autre cardiomyopathie. Cette review de Petersen et al. permet de faire le point pour assurer le suivi des patients. Les techniques IRM et PETT-DM permettent maintenant d’évaluer très précisément l’inflammation myocardique, sous ses différentes formes, aiguës ou chroniques. Cette revue donne des recommandations très pratiques pour aider le praticien dans le choix de la technique et l’interprétation de ces examens(10) pour le diagnostic et le suivi des cardiomyopathies inflammatoires.   Maladie coronaire : rôle de l’imagerie non invasive   Le registre européen EURECA s’est intéressé à l’adoption en pratique clinique des recommandations de 2019 sur l’utilisation des tests invasifs ou non invasifs dans les syndromes coronaires chroniques(11) à partir de la présentation clinique et de la probabilité pré-test (5 156 patients, 73 centres). Il est clairement montré que suivre les recommandations permet une réduction du nombre de procédures invasives, mais aussi une meilleure sélection des patients candidats à une revascularisation coronarienne. Les MINOCA, infarctus du myocarde sans obstruction coronaire, sont un diagnostic fréquent en routine clinique. Si la réalisation d’une IRM cardiaque est de plus en plus recommandée dans les recommandations, son rôle pronostique n’est pas encore établi. La méta-analyse de Mileva et coll.(12) montre que l’IRM confirme le diagnostic de MINOCA chez seulement 22 % des patients, et reclasse le diagnostic dans 68 % des cas, dont 10 % de Tako-Tsubo et 32 % de myocardites. Le diagnostic de MINOCA confirmé en IRM est aussi associé à un risque d’événements cardio-vasculaires supérieur au cours du suivi. L’étude MARC-2 s’est intéressée à la progression des calcifications coronaires chez les athlètes d’âge moyen et plus avancé(13) . Il est montré qu’une intensité d’exercice très vigoureuse et non le volume d’effort réalisé est associée avec une progression des calcifications coronaires et des plaques d’athérosclérose, évaluées en scanner coronaire sur un suivi de 6 années. Le risque cardiovasculaire de cette population spécifique reste à évaluer. EN PRATIQUE   Cet article résume en quelques publications les progrès scientifiques réalisés dans le domaine de l’imagerie cardiaque en 2023. Ces avancées renforcent le rôle central de l’imagerie dans le diagnostic, le pronostic et la prise en charge des maladies cardiaques, soulignant l’importance de l’intégration de nouvelles technologies et méthodologies dans la pratique clinique.

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