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Prévention et protection

Publié le 15 juin 2020Lecture 6 min

Scanner coronaire : le meilleur outil de prévention primaire ?

Adrien PASTEUR-ROUSSEAU, Cardiologie et maladies vasculaires, Imagerie cardiaque - scanner et IRM cardiaque, Institut Coeur Paris Centre

Le scanner coronaire est habituellement utilisé pour éliminer une sténose coronaire significative en cas de douleurs thoraciques, notamment atypiques. Mais son intérêt premier pourrait être davantage le dépistage de masse de l’athérosclérose coronaire. Explications.

Physiopathologie de l’athérosclérose L’athérosclérose ou athéromatose est l’ensemble des phénomènes qui vont mener à des dépôts de transporteurs de cholestérol oxydés dans la paroi des artères de l’organisme et la réaction inflammatoire chronique qui s’ensuit(1). Celle-ci peut aboutir à trois résultats. Soit une fibrose puis une calcification et donc une stabilisation de ces plaques. Soit à une aggravation lentement progressive du degré de sténose jusqu’à l’apparition éventuelle d’une symptomatologie d’effort. Soit, dans le pire des cas, à une rupture brutale de cette plaque provoquant, selon le site de la rupture, un AVC ischémique, un infarctus du myocarde ou une ischémie aiguë de membre. Trois cibles potentielles permettent de réduire ou d’arrêter cette réaction d’athérosclérose : la réduction des transporteurs athérogènes du cholestérol au premier rang desquels le LDL-cholestérol, les antioxydants et les anti-inflammatoires. Seule la réduction des transporteurs de cholestérol est actuellement maîtrisée en termes de prévention cardiovasculaire par le biais des statines(2,3), de l’ézétimibe(4) ou des anticorps anti-PCSK9(5). Les deux autres mécanismes sont à l’étude avec des espoirs portant notamment sur les oméga-3 suite à l’étude REDUCE-IT(6) et sur les anti-inflammatoires suite à l’étude CANTOS(7). Examens de dépistage de l’athérosclérose Actuellement, le meilleur outil reconnu pour le dépistage de l’athérosclérose est l’écho-Doppler(3). Il peut être réalisé au niveau des troncs supra-aortiques, de l’aorte abdominale et de ses branches (pas toujours facilement visibles) ainsi que des artères des membres inférieurs (fémorales surtout et poplitées parfois, la résolution des échographes ne permettant pas de visualiser la paroi des artères de petit calibre comme les tibiales). Les avantages de l’échographie vasculaire sont l’absence de rayons X donc l’absence d’irradiation ainsi que la visualisation des plaques athéromateuses sur les artères de gros calibre. L’inconvénient est la résolution spatiale limitée de l’échographie limitant l’exploration des artères de plus petit calibre. Beaucoup de sites sont également difficiles d’accès aux ultra-sons comme les artères intracérébrales (barrière osseuse), intrathoraciques de petit calibre (coronaires) et abdominales (selon corpulence). Sur le plan scannographique, le score calcique et le coroscanner sont également très utiles dans le dépistage de l’athérosclérose(3). Le score calcique permet une quantification de la charge calcique coronaire, reflet indirect et imparfait de l’athérosclérose. Les plaques hypodenses lipido-nécrotiques seront indétectables, alors même que ce sont ces plaques-là qui sont le plus à risque de provoquer un événement aigu comme l’infarctus du myocarde. Les plaques calcifiées sont, elles, les plus stables et donc les moins à risque d’événement aigu ; elles seront détectables et quantifiables. Le coroscanner, quant à lui, permettra de détecter l’ensemble des plaques athéroscléreuses calcifiées ou non, ce qui en fait, entre des mains entraînées, un outil de dépistage extrêmement puissant. Intérêt du coroscanner en prévention primaire La réalisation d’un coroscanner, utilisant des rayons X avec, en mode prospectif, une irradiation à peu près identique à celle d’un score calcique, permet, grâce à une injection de produit de contraste iodé, de visualiser l’ensemble du massif cardiaque comme un volume (figure 1). On peut donc explorer le cœur sous « toutes ses coutures » et surtout visualiser l’ensemble des artères coronaires. Figure 1. Exemples d’images coroscanner. Visualisation d’un cœur en 3D avec un anévrisme de la coronaire droite, arbre coronaire normal en 3D, artère IVA normale en vue curviligne, artère IVA occluse, reprise en distalité en vue curviligne. La différence de contraste entre la lumière du vaisseau, opacifié par l’iode et la paroi artérielle permet de visualiser à la fois les plaques calcifiées, spontanément plus denses que l’iode, les plaques hypodenses et isodenses ainsi que de quantifier le degré éventuel de sténose. Contrairement à un test d’ischémie « classique » comme une échocardiographie de stress (effort ou dobutamine) une IRM de stress (persantine) ou une scintigraphie de stress (persantine ± effort), le coroscanner ne donnera pas une réponse fermée de type oui/non (présence ou absence d’ischémie myocardique). Il répondra de façon graduée selon la présence ou non de plaques d’athérome et permettra donc d’explorer toute la palette allant d’artères coronaires parfaitement saines à des sténoses significatives en passant par toute cette nébuleuse qui reste le plus souvent méconnue du praticien : les plaques athéromateuses plus ou moins calcifiées sans sténose significative. En effet, en cardiologie, nous avons depuis toujours raisonné par probabilités, par statistiques, avec une probabilité pré-test et post-test pour les différents tests d’ischémie. Le coroscanner, plus pragmatique, permet une réponse concrète, morphologique. Là où l’on essayait de deviner, on peut maintenant savoir. La prise en charge du patient est alors facilitée et optimisée puisque seuls trois cas de figure peuvent se présenter indiquant chacun une prise en charge spécifique : – absence de plaque athéromateuse visible : prise en charge optimale de tous les facteurs de risque cardiovasculaire et suivi régulier ; – présence de plaques athéromateuses sans sténose significative : optimisation de la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire et prescription d’hypolipémiants ; – présence de sténoses d’allure significatives : optimisation de la prise en charge des facteurs de risque, traitement hypolipémiant et prescription d’un test d’ischémie localisateur (ETT de stress, IRM de stress, voire scintigraphie myocardique de stress). Si ischémie, on pourra discuter la réalisation d’une coronarographie. L’étude SCOT-HEART a également montré une amélioration du pronostic des patients explorés par scanner coronaire en cas de douleurs thoraciques(8) (figure 2). Le critère de jugement principal y était la survenue d’un infarctus du myocarde ou d’un décès de cause cardiovasculaire. La baisse du risque relatif était de 41 % pour ce critère de jugement principal (p = 0.004). La diminution des événements cardiovasculaires était due à l’initiation de thérapies préventives par hypolipémiants, antiagrégants plaquettaires et antiangineux. Le nombre de coronarographies et de revascularisations était similaire entre les deux groupes. Figure 2. Étude SCOT-HEART. Survenue du critère de jugement principal. Diminution des décès cardiovasculaires et de l’infarctus du myocarde non fatal. NEJM 2018. CTA = computed tomographic angiography. Enfin, point important, les doses de rayons X sont actuellement devenues très faibles pour un coroscanner réalisé en mode prospectif, soit environ 10 fois moins qu’un scanner thoracique pour recherche d’embolie pulmonaire et l’équivalent d’un scanner des sinus. Cet examen apparaît donc tout à fait acceptable en dépistage de prévention primaire. En pratique Le coroscanner permet donc une détection précoce de l’athérosclérose coronaire, maladie potentiellement mortelle ou responsable d’une forte morbidité (insuffisance cardiaque). Sa réalisation est simple, son irradiation est faible, son coût est acceptable ; la prévention précoce évite la survenue d’événements graves, l’issue n’est donc pas inéluctable et des traitements existent. La prévention réduit les dépenses de santé liées à l’hospitalisation pour SCA puis les traitements éventuels de l’insuffisance cardiaque ; elle est donc « costeffective ». Nous retrouvons ici tous les arguments qui ont servi à mettre en place les dépistages de masse des cancers, notamment du sein et du côlon. Le coroscanner, couplé à la réalisation d’écho-Dopplers des TSA et des membres inférieurs, permet de faire un état des lieux fiable de la présence et de la quantité d’athérosclérose chez un patient porteur de facteurs de risque cardiovasculaire et ainsi de guider sa prise en charge thérapeutique en prévention primaire. Cet outil pourrait être proposé pour le dépistage de masse de l’athérosclérose coronaire, modifiant ainsi la prise en charge du patient et permettant d’éviter la survenue d’événements cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde. Ce dépistage pourrait être systématique à partir de 40 ans chez l’homme et 50 ans chez la femme, basé sur les seuils d’évaluation du risque cardiovasculaire de l’ESC(3).

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