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Vasculaire

Publié le 15 mar 2019Lecture 7 min

Traitement médical de l’anévrisme de l’aorte abdominale

Tristan MIRAULTa,b,c et coll.*, Médecine vasculaire, Hôpital européen Georges Pompidou, APHP, Paris

L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) expose le patient à un risque de rupture, grevée d’une mortalité élevée, mais également d’événements cardiovasculaires et de cancer, grevés d’une mortalité supérieure à celle liée à la rupture. Le seuil d’intervention de 55 mm permet de réduire le risque de rupture, mais la découverte de molécules pouvant ralentir la progression en taille des AAA offrirait l’avantage de réduire plus fortement ce risque. Néanmoins, malgré les bases physiopathologiques sous-tendant le choix des molécules testées : bêtabloquants et autres antihypertenseurs pour diminuer la contrainte pariétale, macrolides pour diminuer l’inflammation de la paroi de l’AAA, doxycycline pour inhiber les protéases dégradant la paroi de l’AAA, fibrates, statines… aucune n’a démontré de manière consistante un bénéfice en termes de réduction de la progression en taille de l’anévrisme, de l’adressage pour cure de l’AAA ou de la mortalité toutes causes. Ainsi, la surveillance du diamètre et les objectifs consensuels pour tout patient porteur d’athérosclérose symptomatique s’appliquent afin de réduire la mortalité dans cette pathologie.

L'anévrisme de l’aorte abdominale (AAA), défini comme la perte de parallélisme des parois artérielles de l’aorte abdominale, est une des manifestations de l’athérosclérose. Environ 4 % des hommes de plus de 55 ans ont un AAA, mais cela est moins courant chez les femmes. Les anévrismes présentent un risque de rupture dont les facteurs favorisants sont le diamètre, le taux de croissance annuelle, le sexe féminin, la présence d’antécédent familial d’AAA, d’une hypertension non contrôlée, d’un tabagisme et ses complications, l’absence de diabète, la forme non fusiforme de l’anévrisme, la contrainte pariétale(1,2). La rupture comporte un risque élevé de décès, néanmoins, la mortalité imputable à l’anévrisme chez les patients porteurs d’AAA de plus de 30 mm est d’environ 3 % par an, alors que la mortalité par accident vasculaire cérébral est de 6 %, par cardiopathie ischémique 27 % et par cancer 35 %(3). Une réparation élective de l’anévrisme est proposée chez les patients ayant un anévrisme de plus de 55 mm de diamètre(1). Pour les anévrismes de 55 mm ou moins, une surveillance régulière par une échographie est recommandée pour mesure son diamètre et déterminer le taux de croissance annuel(1). En parallèle, beaucoup d’équipes de recherche ont testé l’efficacité de molécules pour ralentir la progression de l’expansion de l’AAA. Cette revue rapporte les résultats des principales études sur des médicaments qui pourraient ralentir la croissance de l’anévrisme et donc retarder ou éviter une réparation. Enfin, seront décrits les traitements qui améliorent le pronostic global du patient porteur d’un AAA. Étant donné le risque accru de mortalité avec l’AAA, il est important de déterminer le traitement médical le plus efficace dans la prévention des décès cardiovasculaires chez les personnes atteintes d’AAA. Molécules visant à ralentir la croissance de l’anévrisme Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la croissance des anévrismes ont conduit à tester plusieurs molécules afin de diminuer la contrainte pariétale (bêtabloquants, autres antihypertenseurs), de réduire l’inflammation en traitant une infection torpide à Chlamydia pneumoniae (macrolides), de rééquilibrer les métalloprotéases et leurs inhibiteurs (pémirolast, doxycycline). Les patients étaient inclus avec un diamètre d’AAA entre 35 et 50 mm en majorité. Réduction de la tension pariétale Pour les essais sur les bêtabloquants, la molécule utilisée a été le propranolol. L’ensemble de ces essais a fait l’objet d’une revue Cochrane(4) ; ne mettant en évidence aucune différence statistiquement significative sur la réduction de progression en taille de l’anévrisme, de l’adressage pour cure de l’AAA (chirurgie ou endoprothèse), ou de la mortalité toutes causes au cours du suivi. Les bronchospasmes et l’essoufflement étaient les principaux effets indésirables du propranolol entraînant l’arrêt du traitement pour 42 à 69 % des patients au cours du suivi(5-7). Le bénéfice des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2) a été étudié par étude cas-témoin sur le risque de rupture d’AAA avec un bénéfice des IEC selon Hackam et coll.(8) et l’absence de bénéfice des IEC ou ARAS selon Wemmelund et coll. en 2016(9). Une métanalyse récente conclut à l’absence de bénéfice de ces 2 classes thérapeutiques sur la réduction de la progression des AAA(10). Une seule étude randomisée contrôlée : l’AARDVARK study(11), a testé le périndopril à 10 mg contre l’amlodipine 5 mg contre placebo. Aucun bénéfice sur la réduction de progression, l’adressage pour cure d’AAA, ou la mortalité toutes causes n’a été retrouvée. Réduire l’inflammation pariétale par antibiotiques L’hypothèse d’une infection torpide à C. pneumoniae comme agent entretenant l’inflammation dans la paroi artérielle au cours de l’évolution de l’athérosclérose a conduit à tester des antibiotiques de la classe des macrolides : roxithromycine et azithromycine. De nombreux schémas d’administration ont été proposés, et les résultats sont discordants. Néanmoins, l’ensemble de ces essais a fait l’objet d’une revue Cochrane(4), mettant en évidence une discrète réduction, statistiquement significative, de progression en taille de l’anévrisme : -0,86 mm/an ; intervalle de confiance (IC) à 95 % [-1,57 ; -0,14] sous roxithromycine(12,13). En revanche, pas d’effet sur le recours à une cure de l’AAA ou sur la mortalité ni d’effet de l’azithromycine(14). Rééquilibrer les métalloprotéases de la matrice (MMP) et leurs inhibiteurs La doxycycline est un antibiotique de la famille des cyclines, agissant contre les bactéries intracellulaires, dont C. pneumoniae. Mais la doxycycline est également inhibitrice des métalloprotéases MMP2 et MMP9, impliquées dans la dégradation de la paroi de l’AAA et participant ainsi à sa croissance. Les essais sur la doxycycline n’ont pas mis en évidence de bénéfice de cette molécule, voire une progression supérieure de l’AAA sous cette molécule(15,16). Enfin, le pémirolast, un stabilisateur des mastocytes, qui en réduisant leur dégranulation, diminuerait la libération de MMP par les macrophages dans la paroi de l’AAA, n’a pas fait preuve d’efficacité sur la réduction de progression en taille de l’anévrisme, ou l’adressage pour cure de celui-ci(17). Statines et fénofibrates Les statines et leurs effets pléiotropes notamment sur la réduction de l’inflammation de la plaque d’athérome représentent une classe thérapeutique de choix dans la prévention de la progression de l’AAA. Toutefois, aucun essai contrôlé randomisé n’a été mené. Une métanalyse récente se base sur des études rétrospectives, des études observationnelles, notamment cas-témoin, pour conclure à une discrète réduction de progression en taille de l’anévrisme : -0,82 mm/an ; IC95 % [-1,32 ; -0,33](18). Toutefois, seules les études les plus anciennes retrouvaient un bénéfice, les cohortes récentes après 2010 vont à l’encontre de ces résultats(19,20). Enfin, l’étude randomisée contrôlée avec fénofibrate 145 mg/j est négative(21). Molécules visant à réduire la mortalité des patients porteurs d’AAA Malheureusement, il n’y a pas d’essai contrôlé randomisé publié dédié à la population de patients avec AAA, bien qu’à très haut risque d’AVC, d’infarctus du myocarde, de décès cardiovasculaire et de mortalité par cancer. Une étude testant le métoprolol, un bêtabloquant, contre placebo chez des patients opérés pour chirurgie vasculaire majeure, dont chirurgie d’AAA, n’a pas mis en évidence de réduction de la mortalité, ou des événements cardiovasculaires à 30 jours ou à 6 mois(22). Les recommandations européennes pour le traitement médical des AAA restent prudentes, ne pouvant se baser que sur des études cas-témoins, des données observationnelles, mais étendent les recommandations classiques en cas d’athérosclérose, recommandant l’arrêt du tabagisme, et la possibilité en présence d’AAA de prescrire une statine, un IEC, de l’aspirine en prévention des complications cardiovasculaires(23). Les objectifs pour les patients atteints d’AAA sont ceux de tout patient atteint à très haut risque cardiovasculaire. C’est-à-dire sevrage du tabagisme, lutte contre le surpoids et l’obésité, équilibre diététique, activité physique régulière, pression artérielle contrôlée pour des objectifs inférieurs à 130/80 mmHg, comme en population générale, objectif de LDL-cholestérol inférieur à 1,8 mmol/l soit 0,7 g/l. En pratique Cette synthèse des traitements médicaux testés chez les patients porteurs d’un AAA en deçà du seuil d’intervention de 55 mm, est assez simple à résumer puisque aucune molécule n’a démontré de manière consistante un bénéfice en termes de réduction de la progression en taille de l’anévrisme, de l’adressage pour cure de l’AAA ou de la mortalité toutes causes. Cela démontre 2 points : 1) que même à partir de 30-35 mm de diamètre, il est déjà trop tard pour freiner la croissance de l’anévrisme, et qu’il faut focaliser son attention sur la réduction de la mortalité élevée dans cette population ; 2) qu’en conséquence la surveillance régulière par écho-Doppler du diamètre de l’anévrisme reste nécessaire. En parallèle, il ne faut pas négliger le marqueur puissant que représente le diagnostic d’un anévrisme de l’aorte abdominale, même de petite taille, sur le risque de mortalité cardiovasculaire ou par cancer. En conséquence, toute l’attention doit être portée envers ces patients, pour obtenir le plus rapidement possible et le plus longtemps possible un contrôle optimal des facteurs de risque cardiovasculaires, via l’éducation thérapeutique du patient, et faire prescrire les explorations ad hoc de dépistage des cancers dans cette population. *G. DÉTRICHÉa,b,c, L. KHIDERa,b,d, A. GALLOULAa, G. GOUDOTa,b,d, E. MESSASa,b,c,d a., Médecine vasculaire, hôpital européen Georges Pompidou, APHP, Paris b. Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité c. NSERM U970, PARCC d. INSERM UMR12 Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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