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Thérapeutique

Publié le 30 nov 2016Lecture 6 min

Comment anticoaguler un patient porteur de bioprothèse avec FA ?

L. FAUCHIER, R. PHILIPPART, T. BOURGUIGNON, CHU Trousseau, Tours

Le risque thromboembolique (TE) lié à la fibrillation atriale (FA) peut être estimé grâce au score CHA2DS2-VASc. Les études démontrant l’utilité de ce score ont étudié les patients avec une FA « non valvulaire » qu’elle soit paroxystique, persistante ou permanente. Les patients ayant une FA dite « valvulaire » comme le définissaient les recommandations européennes de 2012 (patients porteurs d’une prothèse valvulaire mécanique ou biologique ou d’un rétrécissement mitral d’origine rhumatismal) devaient théoriquement avoir une anticoagulation au long cours quel que soit le score CHA2DS2-VASc, se faisant exclusivement avec des anti-vitamine K (AVK). Cette stratégie est modifiée depuis quelques mois pour les patients avec bioprothèses, ce que confirment les nouvelles recommandations 2016 de la Société européenne de cardiologie.

Traitement du risque thromboembolique initial en cas de bioprothèse Le remplacement valvulaire chirurgical étant le traitement de choix des valvulopathies sévères, les bioprothèses ont été proposées dans les années 1960 comme une alternative moins thrombogène aux prothèses mécaniques avec cependant une longévité moindre et une détérioration structurelle qui peut exiger la réopération. Des évolutions ont été présentées de 1970 à 2000 (valves péricardiques, bioprothèse porcine sans armature) pour améliorer la fonction hémodynamique et la durabilité en comparaison aux valves biologiques avec armature. Le risque d’événement TE suite à l’implantation d’une valve cardiaque biologique est estimé entre 0,6 et 3,3 %/an au-delà de 3 mois en l’absence d’anticoagulation. Il était classiquement recommandé de prescrire un traitement par AVK durant les 3 premiers mois suivant l’implantation chirurgicale d’une bioprothèse, ce délai correspondant à l’endothélialisation de la collerette de la prothèse. Cette recommandation est peu discutée pour les bioprothèses mitrales car le risque de FA postopératoire y est élevé. En revanche, l’utilité de l’anticoagulation durant les 3 premiers mois postopératoires est de plus en plus discutée pour les bioprothèses en position aortique sans FA, en l’absence de niveau de preuve satisfaisant. Il semble que le risque embolique soit plus important chez les malades qui ont également une FA, des troubles de la coagulation, une dilatation atriale, ou des antécédents d’embolie systémique. Les sociétés américaines et européennes estiment globalement que le risque TE propre à la bioprothèse additionné au risque lié à la FA suffit pour décider d’une anticoagulation efficace au long cours. Cependant, au vu de la diversité des données rapportées, les recommandations actuelles concernant les valves biologiques restent variables et leur application par les centres chirurgicaux s’avère inconstante. Existe-t-il un risque thromboembolique propre lié à la bioprothèse valvulaire, permanent ou temporaire, et indépendant des autres critères de gravité ? Il semble bien que le risque TE lié à la prothèse puisse être plus important dans les 3 premiers mois après l’intervention chirurgicale. Ce risque est quasi aboli chez les patients anticoagulés pour les valves en position aortique, tandis qu’il reste élevé chez les patients avec une valve en position mitrale. Ces emboles seraient liés aux dépôts de fibrine et à l’agrégation plaquettaire sur les surfaces étrangères telles que les sutures en Dacron ainsi qu’au manque d’endothélialisation. Certaines études récentes suggèrent a contrario qu’il peut n’y avoir aucun avantage au traitement anticoagulant dans les 90 premiers jours après remplacement valvulaire aortique par bioprothèse. Ceci pourrait s’expliquer par la libération de microemboles calcaires pendant les périodes per- et postopératoires, responsable de complications TE immédiatement après la chirurgie qui sont souvent asymptomatiques. Ce risque d’emboles calcaires semble plus difficile à limiter par un traitement anticoagulant. Il faut noter que la majorité des études à ce sujet sont rétrospectives, parfois sans groupe contrôle, qu’elles rapportent de façon inconstante la gravité et la définition des événements TE, et que leur puissance potentiellement insuffisante pourrait expliquer le manque de significativité statistique entre les traitements étudiés. De manière générale, l’ensemble des constats a été fait pour des patients dont la plupart n’avaient pas de FA. Traitement du risque thromboembolique à moyen terme en cas de FA avec bioprothèse L’étude numériquement la plus importante de patients avec FA et bioprothèse est à notre connaissance celle des patients du CHU de Tours. Au cours du suivi, notre étude a montré que les patients porteurs d’une prothèse valvulaire biologique avaient une tendance non significative à avoir plus d’événements TE que les patients sans valvulopathie (figure 1). Cependant, ceci semblait lié aux caractéristiques de ce groupe de patients plus âgés et plus graves avec score de risque thromboembolique plus élevé. En analyse multivariée, le score CHA2DS2-VASc était, avec l’âge, la seule variable suffisamment influente pour prédire la survenue d’événements TE. En cas de FA avec bioprothèse, notre étude a confirmé à la fois le faible risque TE des patients avec un score de risque bas (qui sont cependant assez rares) et l’augmentation nette de ce risque avec l’élévation de ce score. Les patients avec une bioprothèse mitrale ou une double bioprothèse étaient à moindre à risque d’emboles systémiques que ceux avec bioprothèse aortique isolée, ce qui peut apparaître comme un résultat contrintuitif. Les caractéristiques de base différentes pour ces patients sont les raisons les plus plausibles pour expliquer ce résultat, les patients opérés d’un rétrécissement aortique étant sans surprise les plus âgés avec un score CHA2DS2-VASc plus élevé. Figure. Événements thromboemboliques pour les patients avec FA anciennement dite « non valvulaire » et les patients avec FA et bioprothèse. D’après Philippart et al. Thrombosis Haemostasis 2016. De manière plus générale, il semble pertinent de penser que les patients avec un score CHA2DS2-VASc élevé sont plus à risque d’embole systémique quelle que soit leur pathologie valvulaire. Rappelons que l’on considère qu’un taux annuel de 1 % (ou plus) d’événements thromboemboliques justifie un traitement anticoagulant pour les patients avec FA non valvulaire (avec score CHA2DS2-VASc à 1 et au-delà pour les hommes et 2 pour les femmes), soit par AVK, soit par anticoagulant oral direct (AOD) dont on connaît les avantages pratiques et cliniques en l’absence d’insuffisance rénale. Le score de CHA2DS2-VASc a donc une importance majeure pour déterminer le risque TE et pour décider d’une anticoagulation orale afin de prévenir les événements emboliques en cas de FA, et ceci concerne également les patients avec une bioprothèse. Il faut retenir que ce risque est majeur (> 7 %/an) pour des scores CHA2DS2-VASc élevés (> 3) chez ces patients, et qu’il est significativement réduit par les anticoagulants oraux. Il semble alors licite de proposer une anticoagulation orale pour la plupart des patients avec FA et porteurs d’une bioprothèse valvulaire y compris pour ceux avec une bioprothèse en position aortique, du fait de leur âge et de leur score CHA2DS2-VASc le plus souvent élevé. Ceci peut bien sûr se faire avec des AVK. Il est possible de traiter les patients avec FA atteints de maladie valvulaire modérée ou sévère (à l’exclusion de la sténose mitrale) avec un AOD en tenant compte des risques thromboemboliques et de saignement. La même chose peut s’appliquer au-delà du 3e mois postopératoire aux patients avec FA et bioprothèses, qui en ellesmêmes ne nécessitent pas d’anticoagulation orale au long cours. Cette stratégie est acceptée dans le guide pratique 2015 des AOD de l’EHRA et les recommandations 2016 de l’ESC. Il s’agit là d’un avis d’experts raisonnable mais aucune donnée prospective n’est disponible à ce sujet, sauf pour quelques patients dans ARISTOTLE (sans information sur le nombre de patients avec bioprothèse). Il n’y a donc pas lieu de préférer un AOD plutôt qu’un autre dans ce contexte. Rappelons que, à ce jour, les prothèses cardiaques mécaniques constituent une contre-indication stricte pour l’utilisation des AOD à la suite de l’étude RE-ALIGN réalisée chez des patients avec prothèse mécanique (dont une majorité implantée dans la semaine précédant la randomisation) démontrant l’infériorité du dabigatran comparativement à la warfarine. La phase postopératoire précoce pourrait avoir contribué à ces résultats du fait des phénomènes mentionnés dans le paragraphe précédent. Par analogie, il n’est pas recommandé d’utiliser un AOD pendant les 3 mois postopératoires en cas de bioprothèse. Aucune information à ce sujet n’est disponible sur les anti-Xa oraux, alors que les anti-Xa injectables sont utilisés si besoin pour certains patients. En pratique Les patients avec FA et bioprothèse ont souvent besoin d’un traitement anticoagulant à long terme. Dans ces cas, la thrombogénicité est due à la FA et non à la prothèse. Il est vraisemblable que les patients avec FA et bioprothèse ont un risque thromboembolique similaire aux formes courantes de FA « non valvulaire », et sur la base d’évaluations indirectes ou de données encore préliminaires, il n’y a aucune preuve d’efficacité ou de sécurité différentes entre AOD et AVK pour ces patients. 

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