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Explorations-Imagerie

Publié le 31 oct 2016Lecture 9 min

La cardiologie nucléaire et l’IRM : que retenir de l’ESC 2016 ?

G. BARONE-ROCHETTE, Cardiologie interventionnelle et imagerie cardiaque, UMR INSERM 1039 ; FACT (French Alliance for Cardiovascular clinical Trials), an F-CRIN network ; Responsable du Groupe de réflexion sur l’imagerie cardiovasculaire, Clinique universi

Le congrès de l’ESC, comme chaque année, a été riche. Que peut-on souligner dans le domaine de la cardiologie nucléaire et l’IRM ?

Tout d’abord les nouvelles recommandations Plusieurs nouvelles recommandations européennes ont été présentées. Celle sur l’insuffisance cardiaque(1) rappelle bien sûr comme les précédentes le rôle central de l’imagerie dans le diagnostic étiologique et dans le management des thérapeutiques du patient. Bien entendu, l’échographie Doppler cardiaque reste l’examen de première ligne et pourra être complétée par d’autres techniques d’imagerie pour préciser des éléments nécessaires à la prise en charge du patient. Par exemple, l’IRM cardiaque, examen de référence pour la mesure de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), sera particulièrement utile lorsqu’un doute existera pour classer le patient selon la nouvelle classification en insuffisance cardiaque avec la FE altérée, modérément altérée, et préservée (< 40, 40-49 et ≥ 50 %). Il est rappelé que l’analyse de la fibrose focale aidera à faire le diagnostic étiologique et permettra d’évaluer la viabilité pour la cardiopathie ischémique. Pour la première fois, il est mentionné la possibilité de mesurer la fibrose diffuse avec le T1 mapping qui apportera aussi des éléments diagnostiques et pronostiques complémentaires. Pour les non-spécialistes, rappelons que lors des atteintes focales du myocarde, par exemple lors d’une nécrose myocardique dans la cardiopathie ischémique, le gadolinium va s’accumuler dans la zone cicatricielle et il sera facile avec les séquences dédiées de la différencier d’avec un myocarde normal adjacent, qui ne présentera pas d’accumulation du gadolinium. On parle alors de fibrose focale. Cependant plusieurs pathologies peuvent entraîner une fibrose diffuse, celle-ci se développant dans l’espace extracellulaire interstitiel. L’ensemble du myocarde est alors pathologique et il est donc difficile de voir visuellement une accumulation du gadolinium. Le T1 mapping utilise des séquences spéciales (ex. : Modified Look-Locker Inversionrecovery dites MOLLI) permettant de reconstruire la courbe de croissance du signal T1 et ainsi d’avoir une valeur de ce signal pour chaque pixel de l’image. Une cartographie T1 est ainsi disponible. Une valeur du T1 natif pourra être mesurée sans qu’une injection de gadolinium soit nécessaire, avec un logiciel dédié, une valeur anormale signant une pathologie touchant les myocytes et/ou l’espace extracellulaire interstitiel. Retenons que plus le T1 baisse, et plus l’expansion de la matrice extracellulaire est importante. En mesurant le T1 du sang, du myocarde avant et après injection de gadolinium et en connaissant le taux d’hématocrites du patient, nous aurons accès à la fraction du volume extracellulaire (ECVF), soit à la fibrose diffuse. Des recommandations européennes ont été éditées sur ces techniques(2). Des conseils simples y sont donnés, que l’on peut retenir, si on veut utiliser cette technique dans son centre, comme par exemple l’utilisation d’une séquence validée, d’évaluer les valeurs normales avec sa machine selon que l’on travaille sur une 1,5 ou 3 tesla, faire un suivi des patients sur la même machine avec les mêmes paramètres de mesure. Le T1 mapping dans son développement ressemble beaucoup à la mesure du strain en échographie. En effet, il n’y a pas encore de standardisation de cette technique car les séquences peuvent varier entre les constructeurs, mais aussi les logiciels et la manière d’analyser les images (analyse faite sur une seule coupe myocardique ou plusieurs, avec une région d’intérêt placée dans le septum ou sur l’ensemble du myocarde, etc.). En bref, une technique intéressante dont nous devons promouvoir le déploiement sur l’ensemble de nos machines pour parfaire sa validation en pratique clinique. Pour la SPECT et la TEP, il est rappelé que ces techniques permettent le dépistage de l’ischémie et de la viabilité myocardique. Mais l’apport de la SPECT dans le diagnostic des amyloses transthyrétine avec atteinte cardiaque en utilisant les traceurs biphosphonates est cette foisci mentionnée dans les recommandations. La cardiologie nucléaire et l’IRM ne sont pas mentionnées dans les recommandations sur le management des dyslipidémies ou celle de la prévention cardiovasculaire. Dans celle de la fibrillation atriale(3), on trouvera une référence encore au T1 mapping et à la mesure de la fibrose de l’oreillette gauche pour aider et guider les décisions thérapeutiques. Il est à juste titre rappelé, comme nous venons de le faire, la nécessité d’une validation de ces données par des études multicentriques après standardisation et généralisation de ces nouvelles méthodes de mesures. Enfin, non pas des recommandations, mais un positionnement d’experts dans la prise en charge des cardiotoxicités secondaires au traitement anticancéreux. La stratégie de détection d’une cardiotoxicité inclut l’utilisation de l’imagerie dont la ventriculographie isotopique et l’IRM cardiaque aux côtés de l’échographie cardiaque. Chacune de ces techniques présente avantages et inconvénients résumés dans le tableau ci-dessous. Le timing et la fréquence de réalisation de ces examens dépendent des spécificités du traitement anticancéreux. Ce document insiste sur l’importance d’une surveillance à long terme de ces patients sans qu’une modalité optimale de fréquence et de durée chez l’adulte exposé asymptomatique soit bien définie. Mais on soulignera que l’apparition d’une cardiotoxicité peut se produire à plus de 10 ans du traitement initial. PACIFIC et CE MARC 2 Deux études présentées en hotline, PACIFIC et CE MARC 2, sont particulièrement intéressantes dans le domaine de la cardiologie nucléaire et IRM. Figure. Étude PACIFIC. Performances diagnostiques. • À l’heure actuelle, les directives européennes et américaines ne préconisent pas le choix d’une modalité d’imagerie non invasive par rapport à une autre pour le dépistage de la maladie coronaire stable (CAD). Présentée par le Dr Danad (VU University Medical Center, Amsterdam), l’étude PACIFIC compare les performances diagnostiques de la tomographie par émission de positons (TEP), de la tomographie d’émission monophotonique (SPECT) et du coroscanner (CTA), ainsi que de certaines imageries hybrides (CT/SPECT et CT/TEP), à celles de la coronarographie avec mesure de la FFR. L’étude monocentrique incluait 208 patients atteints d’une CAD connue ou soupçonnée adressés pour coronarographie. La prévalence de la CAD était de 44 %. La figure ci-dessus en résume les résultats. Pour une population à risque intermédiaire, c’est donc la TEP qui montre les meilleures performances pour le diagnostic de la CAD face au CTA et à la SPECT, l’imagerie hybride n’augmentant pas les performances de la SPECT ou de la TEP. On est surpris par la sensibilité médiocre de la SPECT au profil d’une bonne spécificité. On attendra avec impatience la publication de l’article pour connaître la méthodologie précise employée. Cette étude est importante car elle est la première à comparer plusieurs techniques d’imageries de référence face à la coronarographie avec FFR. Cependant plusieurs limites ont été notées lors des discussions : tout d’abord, la taille limitée de l’échantillon, un biais de sélection, car les patients étaient adressés pour coronarographie ; une analyse quantitative pour la TEP avec un cutoff de 2,3 ml/min/g discutable pour définir l’ischémie alors que l’analyse est visuelle pour la SPECT. Si l’imagerie hybride n’améliore pas les performances de la CT/TEP, cela s’explique probablement par une définition purement anatomique de la maladie coronaire puisqu’une CT/TEP était considérée négative si le CTA était normal et que la TEP montrait une ischémie. On peut dire que l’étude se concentre alors sur l’atteinte épicardique focale coronarienne et utilise à juste titre la FFR comme référence diagnostique. Mais lors des discussions, il est rappelé la complexité de la maladie coronaire, qui peut présenter des lésions épicardiques focales, épicardiques diffuses ou enfin secondaires à une atteinte de la microcirculation coronaire. Une ischémie secondaire à une atteinte de la microcirculation comme on peut le penser pour ces patients avec CTA normal et TEP anormale aura des conséquences pronostiques importantes, comme cela a été montré dans la littérature et rappelé dans une revue récente(5). Enfin, on regrettera l’absence de l’IRM de perfusion dans cette étude. • L’autre étude très importante publiée en simultané dans le JAMA(6) est l’étude CE MARC 2 qui compare plusieurs stratégies de dépistage de la maladie coronaire stable. Il s’agit d’une étude muticentrique prospective de 1 202 patients symptomatiques avec une suspicion de maladie coronaire avec une probabilité prétest de 10 à 90 %, qui ont été randomisés selon 3 stratégies : soit une recherche d’ischémie par IRM de perfusion (CMR) (480 patients), soit par SPECT (480 patients), soit en utilisant la stratégie du NICE (240 patients), à savoir : une stratégie basée sur les recommandations anglo-saxonnes actuelles avec la réalisation pour les patients avec faible probabilité prétest = coroscanner ; risque intermédiaire = scintigraphie ; haut risque = coronarographie). Les patients étaient pris en charge selon les résultats du test d’ischémie avec un traitement médical optimal si les résultats étaient rassurants et coronarographiés avec mesure de la FFR si le test était positif ou si l’évolution sur les 12 mois faisait penser à une évolution de la maladie coronaire. Le critère primaire se veut non « dur » et était le nombre de coronarographies inutiles dans les 12 mois suivant l’examen non invasif. Une coronarographie inutile étant définie par une coronarographie avec FFR ne mettant pas en évidence de lésion significative (sténose 40-90 % et FFR < 0,8). Ce critère primaire est intéressant car éviter la réalisation d’un examen invasif inutile peut avoir des avantages financiers importants, surtout qu’une analyse médico-économique est prévue dans le design de l’étude dont on attend la publication prochainement. Pour les critères secondaires, le taux de coronarographie positive et les MACE (mort cardiovasculaire, infarctus non fatal, revascularisation non programmée et hospitalisation pour cause cardiovasculaire) ont été analysés. Les résultats sont les suivants. La valeur prédictive prétest dans l’ensemble de cette population était de 49,5 %. Au total, 265 (22,0 %) patients ont bénéficier d’une coronarographie durant les 12 mois de l’étude avec la répartition suivante : NICE 42,5 %; CMR 17,7 %; SPECT 16,2 %. Le pourcentage de coronarographie inutile était de 28,8 % pour le NICE, 7,5 % pour la CMR et 7,1 % pour la SPECT avec donc une supériorité de la SPECT et de la CMR face au NICE et une absence de différence significative entre le CMR et SPECT (CMR vs NICE 0,21 [0,12-0,34] ; p < 0,001 – CMR vs SPECT 1,27 [0,79-2,03] ; p = 0,32). Entre les 3 stratégies, il n’y avait pas de différence des taux de coronarographie positive et de MACE. Les auteurs concluent donc à une supériorité de l’imagerie fonctionnelle (CMR et SPECT) sur la stratégie du NICE pour éviter la réalisation de coronarographies inutiles chez les patients à bas, intermédiaire et haut risque. On soulignera une utilisation du Duke score pour évaluer la probabilité prétest qui handicape clairement la stratégie NICE en surestimant cette probabilité, comme cela est connu dans la littérature. Une proportion importante des patients présentant ainsi une probabilité prétest de 60 à 80 % et bénéficiant dans cette stratégie d’une coronarographie directe pour lesquels on note une forte proportion de coronarographies inutiles (59 parmi 69 patients ; 85,5 %). Quelle que soit la stratégie choisie, le taux de MACE très faible dans cette population a fait se poser la question lors des discussions si la réalisation d’un test vs pas de test ne devrait pas être étudiée aussi. Là encore, il faudrait évaluer les répercussions médico-économiques du traitement médicamenteux des patients avec angor stable sans un test diagnostique affirmant la maladie. Une culture multimodale pour les cardiologues Enfin, lors d’une lecture par le Pr Anthony DeMaria, éminent spécialiste de l’imagerie non invasive, il a été souligné l’importance de la formation des cardiologues aujourd’hui à la bonne utilisation et à la parfaite connaissances des différentes techniques d’imagerie et de leurs performances, pour prendre en charge au mieux leurs patients. À l’heure d’un développement croissant des nouvelles technologies, il souligne l’évolution de l’apprentissage des cardiologues devant s’intéresser maintenant à plusieurs imageries. Cela est parfaitement dans l’esprit actuel de l’EACVI, ainsi que de la filiale d’imagerie cardiovasculaire de la SFC, qui regroupent maintenant toutes les techniques d’imagerie dans leurs actions pour faciliter et développer l’utilisation multimodale des imageries.

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