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Vasculaire

Publié le 14 sep 2015Lecture 8 min

Sténose serrée de l’artère rénale : quand proposer une angioplastie ?

B. BEYSSEN, Radiologie vasculaire interventionnelle, Hôpital européen Georges Pompidou ; Clinique Labrouste, Paris ; Clinique Ambroise Paré, Neuilly-sur-Seine

APPAC

Les sténoses des artères rénales sont la cause la plus fréquente d’HTA secondaire et une étiologie non exceptionnelle d’insuffisance rénale et d’insuffisance cardiaque. L’utilité de l’angioplastie des sténoses de l’artère rénale est bien évidemment fonction de la qualité du rein en aval et de l’atteinte vasculaire systémique.
Le but du traitement est d’augmenter la durée et le confort de vie des patients. Ce but peut être obtenu par trois biais : une diminution des complications de l’HTA par un meilleur contrôle tensionnel, la préservation du capital néphronique et l’amélioration de la fonction cardiaque.
La publication récente des études randomisées ASTRAL et CORAL, remettant en cause l’intérêt de l’angioplastie de l’artère rénale, a eu pour conséquence une diminution significative du nombre d’angioplasties rénales, aboutissant à une perte de chance pour certains patients.

Hypertension artérielle réno-vasculaire   La prévalence d’une sténose significative de l’artère rénale augmente avec l’âge et avec la diffusion de la maladie athéromateuse. Elle est présente entre 0,5 à 3 % des patients hypertendus, ce taux passant à plus de 10 % en cas d’hypertension artérielle résistante. Une sténose (> 60 %) est objectivée chez 12 % des patients présentant une cardiopathie ischémique avec infarctus du myocarde. Ces constatations ont conduit à traiter par angioplastie des sténoses unilatérales inférieures à 70 % sans preuve d’un bénéfice clinique.   Évaluation des bénéfices escomptés de la revascularisation Les objectifs du traitement endovasculaire d’une sténose de l’artère rénale sont : - le contrôle de la pression artérielle ; - le maintien de la fonction rénale ; - la prévention d’un événement cardiovasculaire majeur en particulier un oedème aigu du poumon ou un décès. En ce qui concerne l’effet tensionnel du traitement des sténoses des artères rénales, il faut différencier les sténoses par dysplasie fibromusculaire et les sténoses athéromateuses. Pour les lésions dysplasiques, l’effet tensionnel de l’angioplastie est franc avec un taux de guérison important d’environ 50 % (pression artérielle normale sans traitement), la quasi-totalité des autres patients ayant une amélioration franche, le taux d’échec étant inférieur à 10 %(1). En cas de sténose athéromateuse, les guérisons tensionnelles sont peu fréquentes, l’amélioration est modérée(2) et les échecs sont assez fréquents. L’aggravation rapide de la fonction rénale inexpliquée par une cause métabolique ou toxique doit faire rechercher une lésion réno-vasculaire (évolutivité ou occlusion aiguë sur sténose), d’autant que dans ce cas, la revascularisation rénale à visée de protection néphronique est le plus souvent suivie d’un retour de la fonction rénale à sa valeur de base. À l’inverse, en cas de dégradation progressive de la fonction rénale, un geste d’angioplastie d’une sténose serrée sur rein unique ou de sténoses bilatérales ne permet une amélioration de la fonction rénale que dans 1/3 des cas(3). La survenue brutale d’œdèmes pulmonaires récidivants généralement associés à une insuffisance rénale doit faire suspecter une sténose artérielle rénale. L’hypertension est quasi constante mais peut être modérée. L’échographie cardiaque, effectuée au décours de l’épisode aigu, retrouve une cinétique relativement conservée du ventricule gauche. Les lésions rénales retrouvées dans cette circonstance sont habituellement très sévères, à type de sténose serrée bilatérale ou unilatérale sur rein unique fonctionnel(4).   Les études randomisées   Au cours des années 90, trois études européennes ont été réalisées comparant l’angioplastie des sténoses de l’artère rénale associée au traitement médical versus le traitement médical seul chez des patients présentant une hypertension artérielle non contrôlée par le traitement médical. Une métaanalyse(5) de ces trois études (EMMA, DRASTIC et SCOTTISCH) n’ont pas montré de bénéfice de l’angioplastie rénale pour le contrôle de la pression artérielle diastolique et systolique, par contre une diminution du nombre de médicaments antihypertenseurs (tableau 1). Fait important, dans 2 de ces études, 27 % (EMMA) et 44 % (DRASTIC) des patients traités dans le bras médical ont nécessité une conversion vers une angioplastie précoce pour échec de contrôle de la pression artérielle. Les études ASTRAL(6) et CORAL(7), qui ont inclus un peu moins de 1 000 patients chacune, comparent le traitement médical optimal au traitement médical + angioplastie d’une sténose de l’artère rénale avec le plus souvent la mise en place d’un stent. L’objectif de ces études est de juger l’efficacité de l’angioplastie sur la prévention des événements cardiovasculaires (décès, AVC, OAP, etc.) ainsi que sur l’évolution de la fonction rénale avec un suivi à 5 ans. Ces études ont conclu à l’absence de bénéfice de l’angioplastie rénale pour le contrôle de la pression artérielle, pour la prévention de la dégradation de la fonction rénale chez des patients avec insuffisance rénale progressive ainsi que pour la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Malheureusement, ASTRAL et CORAL ont inclus dans leur grande majorité des patients pour lesquels il existait un doute sur le bénéfice de la revascularisation. En effet, les patients inclus dans ces études présentaient des sténoses de l’artère rénale le plus souvent unilatérale avec pour la plupart une hypertension artérielle contrôlée et une insuffisance rénale modérée à sévère témoin d’une atteinte vasculaire intraparenchymateuse rénale. À l’évidence, l’angioplastie rénale ne pouvait pas améliorer cette situation. Les critiques de l’étude ASTRAL sont résumées dans le tableau 2. Concernant CORAL, pour T. Sos dans JVIR en 2014, les critères d’inclusion de cette étude ne permettaient pas de montrer une différence en faveur de l’angioplastie : « Ce n’est pas la mise en place du stent qui a failli mais l’étude en elle-même ». À partir des résultats de ces études, une extrapolation a conduit à contre-indiquer l’angioplastie de toute sténose de l’artère rénale. Pourtant, il existe des indications évidentes à la revascularisation des sténoses serrées de l’artère rénale qu’elles soient sur rein unique fonctionnel ou bilatérales ou qu’elles soient isolées avec une sténose unilatérale. Ces patients pouvant le plus bénéficier d’une angioplastie étaient minoritaires dans les études ASTRAL et CORAL. Prise en charge d’une sténose unilatérale de l’artère rénale   Une sténose unilatérale n’induit pas d’altération de la fonction rénale. Si la pression artérielle est contrôlée il n’y a pas lieu d’envisager une angioplastie. Toutefois, en présence d’une sténose serrée unilatérale à plus de 70 % en diamètre, un certain nombre d’éléments vont plaider en faveur du traitement endovasculaire devant : - un patient jeune ; - une HTA résistante à un traitement associant 3 médicaments dont un diurétique ; - un rein de taille légèrement diminuée (mais > 8 cm) en faveur d’une souffrance rénale en dehors de tout contexte de maladie rénale associée (cas clinique n°1) ; - un retentissement sur le flux en aval de la sténose associé à des résistantes périphériques basses en Doppler ; - une aorte régulière facilitant la navigation et le traitement endovasculaire. En cas de doute, en particulier pour des sténoses dont le diamètre se situe entre 50 et 70 %, la réalisation d’une mesure du gradient transsténotique par FFR (Fractionnal Flow Reserve) pourrait s’avérer pertinente pour poser l’indication de l’angioplastie en présence d’un gradient > 20 mmHg. Quand faut-il agir en cas de sténose rénale symptomatique ?   Ces indications cliniques sont consensuelles (tableau 3) en présence d’une sténose : - serrée unilatérale avec un rein de taille diminuée. ; - serrée sur un rein unique fonctionnel ou de sténoses bilatérales serrées (tableau 4 et cas clinique n°2). *51 % améliorés et 23 % aggravés. Technique d’angioplastie rénale : athérome et dysplasie L’évaluation du degré de sténose de l’artère rénale est fondamentale. Elle repose sur deux éléments : la quantification du degré de sténose et les tests d’imputabilité. Une sténose inférieure à 50 % en diamètre n’est pas hémodynamiquement significative ; à l’inverse, on peut affirmer le caractère hémodynamique d’une sténose quand elle dépasse les 70 %. Les tests d’imputabilité, en particulier l’existence d’un retentissement distal au Doppler, sont utiles en particulier en cas de sténose intermédiaire entre 50 et 70 % ainsi qu’en présence de lésions complexes où la quantification par angioscanner ou artériographie peut être prise en défaut. L’utilisation de la FFR au niveau rénal est en cours d’évaluation. Le traitement endovasculaire est souvent difficile en cas d’aorte calcifiée et ulcérée, nécessitant un opérateur expérimentée. Toutefois, les échecs d’angioplastie sont exceptionnels avec le matériel actuel sur guide 0.014. La sténose athéromateuse tronculaire, le plus souvent proximale ou ostiale, bénéficie presque toujours de la mise en place d’un stent nécessitant la mise en route d’un traitement par Aspégic® 75 mg et Plavix® 75 mg durant au minimum 2 mois. Le taux de resténose est relativement faible autour de 15 %, expliquant le peu d’enthousiasme pour le développement de stent actif. À l’inverse, en cas de sténose par dysplasie, le plus souvent distale, le traitement ne nécessite que très rarement la mise en place d’une stent. Les résultats à distance de l’angioplastie par ballon seul sont excellents avec un taux de resténose faible (cas clinique n°3). Les complications de l’angioplastie rénale Elles sont rares entre les mains d’un opérateur expérimenté, elles concernent essentiellement : - les syndromes de levée d’obstacle chez un patient présentant une sténose serrée de l’artère rénale avec dégradation rapide de la fonction rénale alors que le rein en aval de la lésion est de bonne qualité. Il est impératif dans les suites de l’angioplastie d’effectuer une surveillance en réanimation afin de compenser une diurèse pouvant dépasser 8 à 10 litres/ 24 heures ; - la survenue d’embolies de cholestérol. Cette complication est l’apanage des patients qui ont des lésions athéromateuses très sévères de l’aorte abdominale avec un athérome mou, sur une aorte polyulcérée ou anévrismale. Cette complication n’est pas toujours reconnue, car elle apparaît souvent de façon différée environ un mois après le geste d’angioplastie. Elle se traduit par une altération de la fonction rénale et/ou par des signes cutanés. Si environ une fois sur deux il s’agit d’une poussée unique avec guérison complète et le plus souvent le retour à la fonction rénale de base, il peut aussi s’agir d’embolies récidivantes aboutissant à l’hémodialyse définitive, voire au décès du patient.     En pratique    Non, l’angioplastie rénale n’est pas morte. Des indications existent et il faut savoir y penser devant un patient polyvasculaire présentant une HTA résistante (d’autant qu’il est jeune), une aggravation rapide de sa fonction rénale ou des épisodes de décompensation cardiaque inexpliqués. La découverte d’une sténose serrée isolée de l’artère rénale à plus de 70 % en diamètre peut conduire à un geste d’angioplastie en fonction du contexte clinique et des éléments prouvant un retentissement rénal (taille du rein, flux Doppler en aval de la sténose et dans certains centres en présence d'un gradient transsténotique lors d'une FFR). 

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