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Cardiomyopathies

Publié le 31 aoû 2015Lecture 6 min

Cardiomyopathie du péripartum

F. MOUQUET*, G. SCHURTZ**, N. BOUABDALLAOUI***, *Soins intensifs et cardiologie, Polyclinique du Bois, Lille **Soins intensifs cardiologiques, CHRU de Lille ***Département de chirurgie thoracique et cardiovasculaire ; Université Pierre et Marie Curie, Par

La cardiomyopathie du péripartum (CPP) est une cause rare de cardiomyopathie dilatée survenant en fin de grossesse ou dans les mois suivant l’accouchement. Le diagnostic repose sur l’association d’un tableau d’insuffisance cardiaque clinique et d’une dysfonction systolique ventriculaire gauche en échographie. La physiopathologie reste incertaine, mais les derniers travaux de recherche suggèrent une dérégulation du processus angiogénique durant la grossesse. La prise en charge repose principalement sur le traitement de l’insuffisance cardiaque avec toutefois certaines spécificités telles que l’indication d’un traitement par bromocriptine qui peut être discutée à la phase aiguë. Sous traitement, on observe une récupération de la fonction systolique dans 50 % des cas, ce qui signifie cependant qu’une patiente sur 2 souffrira d’insuffisance cardiaque chronique. L’évolution après un premier épisode conditionnera la possibilité d’une grossesse ultérieure.

Définition et épidémiologie   La CPP est définie par une dysfonction systolique ventriculaire gauche, sans étiologie identifiable, survenant en fin de grossesse ou durant les mois suivant l’accouchement, responsable d’un tableau clinique d’insuffisance cardiaque. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Le diagnostic doit être confirmé par la mesure de la fonction systolique qui est inférieure à 45 %(1). L’incidence est très variable selon les ethnies. Elle varie de 1/400 naissances dans les populations les plus à risque (Afrique du Sud et Haïti en particulier) à 1/4 000 naissances aux États-Unis. L’incidence, dans une même population géographique, est par ailleurs plus importante chez les patientes d’origine africaine. Les données épidémiologiques en Europe sont rares. Dans notre expérience, la CPP représente 8 ‰ des patients adressés pour bilan d’insuffisance cardiaque systolique, et 1 % des patients porteurs d’une cardiomyopathie non ischémique(2). Les facteurs de risque classiques associés au risque de survenue d’une CPP sont l’âge maternel (> 30 ans), la multiparité, les grossesses gémellaires, l’origine africaine, l’obésité, l’hypertension artérielle gravidique et la tocolyse prolongée (> 4 semaines).   Physiopathologie   Les travaux expérimentaux les plus récents suggèrent un rôle primordial d’une dérégulation du processus angiogénique au terme de la grossesse. Un premier modèle expérimental a démontré que l’augmentation du stress oxydant en fin de grossesse provoque une augmentation de la dégradation de la prolactine, hormone de la lactation, produisant un peptide antiangiogénique impliqué dans le développement de la CPP. D’autres travaux montrant également l’augmentation de facteurs antiangiogéniques (sFLT1) en fin de grossesse(3). Ce climat antiangiogénique en fin de grossesse constitue probablement un substrat sur lequel toute agression (virose, inflammation, auto-immunité…) ou toute anomalie structurelle latente (toxicité des anthracyclines, cardiopathie familiale méconnue) déclenchera la dysfonction ventriculaire gauche.   Présentation clinique et confirmation diagnostique   Dans près de 80 % des cas, l’insuffisance cardiaque survient dans les 4 mois suivant l’accouchement. Dans 10 % des cas, les patientes décompensent durant le dernier mois de grossesse, et dans les 10 % restants, la décompensation survient avant le dernier mois de grossesse ou plus de 5 mois après l’accouchement. Le diagnostic d’insuffisance cardiaque peut s’avérer délicat car les signes fonctionnels tels que l’asthénie, les œdèmes des membres inférieurs ou la dyspnée sont des symptômes ou des signes cliniques classiques en fin de grossesse ou en post-partum précoce. Certains détails doivent cependant attirer l’attention : la présence d’une orthopnée, une toux nocturne, une oxygénodépendance (même modérée). L’échocardiographie est l’examen indispensable pour la confirmation diagnostique. Elle permet d’identifier et d’évaluer précisément la dysfonction systolique et la dilation ventriculaire gauche, et de rechercher une dysfonction ventriculaire droite associée.   Diagnostic différentiel   Le diagnostic de CPP reste un diagnostic d’élimination. Il faut donc systématiquement : - éliminer une cardiopathie préalable à la grossesse : en recherchant des antécédents familiaux pour éliminer une cardiopathie familiale révélée au cours de la grossesse, ou des antécédents de traitement par anthracyclines (notamment les hémopathies dans l’enfance) dont la toxicité cardiaque peut se révéler de manière très retardée ; - éliminer une cause aiguë de dysfonction systolique ventriculaire gauche : l’infarctus du myocarde, rare dans le contexte de la grossesse, pose rarement de souci diagnostique (symptômes, ECG, élévation de la troponine…). Le diagnostic de myocardite peut être plus difficile : un contexte viral, un syndrome inflammatoire franc et la présence de douleurs thoraciques atypiques doivent faire évoquer ce diagnostic. L’IRM peut être d’une aide précieuse en cas de doute. Enfin, les embols de liquide amniotique peuvent se traduire par un choc cardiogénique avec une dysfonction biventriculaire sévère.   Prise en charge aiguë de la décompensation cardiaque   Prise en charge obstétricale : en cas d’insuffisance cardiaque avant le terme, la décision d’un accouchement prématuré sera discutée au cas par cas en fonction de la sévérité de la dysfonction ventriculaire gauche, de l’évolution initiale sous traitement, et d’une éventuelle souffrance fœtale. Traitement de l’insuffisance cardiaque : le traitement est classique et associe les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), et les bêtabloquants qui seront introduits après quelques jours, une fois la patiente stable. En cas de choc cardiogénique, il faudra recourir aux inotropes positifs de type dobutamine, aux posologies les plus faibles possibles, et préférer la mise en place d’une assistance temporaire (ECMO) si la situation ne s’améliore pas après quelques jours. Si la cardiomyopathie se déclare avant l’accouchement, l’utilisation des IEC ou des antagonistes de l’angiotensine est contre-indiquée. En revanche, il n’y a pas de contre-indication à l’allaitement, et il pourra donc être débuté rapidement après la délivrance (tableau 1). La mise en place d’une anticoagulation efficace est recommandée si la fonction systolique est inférieure à 35 %. Place de la bromocriptine : dans une étude pilote, le traitement par bromocriptine (Parlodel®) a réduit la mortalité et amélioré la récupération de la fonction cardiaque. La prescription reste cependant à discuter au cas par cas car le niveau de preuve de l’efficacité reste faible (tableau 2). FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; VG : ventricule gauche. Prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique   Elle repose sur le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique, avec l’association bêtabloquant, IEC et diurétiques. En cas de récupération ad integrum de la fonction systolique, la poursuite du traitement au long cours est recommandée bien que l’interruption du traitement ne semble pas s’accompagner d’une nouvelle dégradation de fonction systolique(4). En l’absence de récupération et selon l’évolution clinique, une resynchronisation cardiaque pourra être proposée. Le pronostic des patientes nécessitant une assistance ventriculaire gauche ou une transplantation cardiaque semble identique aux autres patientes souffrant de cardiomyopathie dilatée(5).   Pronostic   Dans les populations caucasiennes et sous traitement médical optimal, l’évolution est favorable pour environ 50 % des patientes qui récupéreront une fonction systolique normale. La mortalité est faible, évaluée à 1-2 %. Facteurs de mauvais pronostic : l’importance de la dysfonction ventriculaire gauche initiale (< 30 %) et de la dilatation ventriculaire (> 27 mm/m2), même si la prédiction à l’échelle individuelle reste délicate. Risque en cas de grossesse ultérieure : pour les patientes n’ayant pas récupéré une fonction systolique normale, la majorité présentera de nouveau un tableau d’insuffisance cardiaque grave et le risque de décès est estimé à 25 %. Concernant le pronostic fœtal, le risque d’accouchement prématuré est plus important (tableau 3). FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche. Les patientes peuvent-elle envisager une nouvelle grossesse ?   Une contraception efficace est essentielle chez ces femmes jeunes dans les suites d’un premier épisode de CPP. En cas de dysfonction persistante, toute nouvelle grossesse doit être découragée, et contre-indiquée en raison du risque élevé de décès. Si la fonction systolique s’est normalisée, une nouvelle grossesse peut être envisagée mais les risques de complications doivent être clairement exposés. Quelle que soit la situation, les IEC doivent immédiatement être interrompus en raison du risque tératogène. Dès le début de la grossesse, les risques potentiels, pour la patiente et pour l’enfant, doivent être de nouveau clairement exposés afin de décider d’une éventuelle interruption de grossesse selon l’importance de la dysfonction systolique résiduelle suite à la grossesse précédente. Si la grossesse est poursuivie, le suivi obstétrical devra être organisé dans un centre spécialisé afin de permettre une étroite collaboration entre obstétriciens et cardiologues.   En pratique     La cardiomyopathie du péripartum est une cause rare d’insuffisance cardiaque dont l’étiologie reste incertaine, et qui reste un diagnostic d’élimination. Bien que peu fréquente, elle touche les femmes jeunes et peut être à l’origine d’une insuffisance cardiaque sévère. La moitié des patientes retrouvent une fonction cardiaque normale sous IEC et bêtabloquants. De nouvelles perspectives thérapeutiques pour la phase aiguë (bromocriptine) et chronique (resynchronisation cardiaque, assistance ventriculaire gauche) pourraient encore améliorer le pronostic. Quelle que soit l’évolution sous traitement, un suivi au long cours est indispensable, et le risque potentiel d’une nouvelle grossesse doit être rapidement abordé avec la patiente. Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rapport avec cet article.    

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