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Vasculaire

Publié le 11 nov 2014Lecture 8 min

Gestion de la glycémie lors d’un AVC aigu

R. P. RADERMECKER, Service de Diabétologie, Nutrition et Maladies métaboliques, Unité de Pharmacologie clinique, Université de Liège, CHU Sart Tilman, Liège

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de handicap acquis de l’adulte, la deuxième cause de démence (après la maladie d’Alzheimer) et la troisième cause de mortalité en France. Après un premier AVC, le risque de récidive est important, estimé entre 30 et 43 % à 5 ans(1).
L’AVC et les maladies cérébrovasculaires sont l’une des principales causes de mortalité en France, davantage chez la femme que chez l’homme. Après 65 ans, le nombre de décès par AVC chez la femme est égal à celui par infarctus du myocarde chez l’homme.

Les AVC sont la deuxième cause de mortalité dans le monde, tant dans les pays à revenus élevés que dans ceux en développement(2). On distingue plusieurs types d’AVC :   • Les accidents ischémiques ou infarctus cérébraux sont dus au blocage de l’artère cérébrale avec des causes différentes et provoquent deux types d’AVC :   - soit une plaque riche en lipides se forme sur cette artère au point de l’obstruer (athérosclérose), on parle alors de thrombose cérébrale (40 à 50 % des cas) ; - soit un caillot de sang, formé ailleurs dans l’organisme, vient obstruer la même artère, il s’agit alors d’une embolie cérébrale (30 % des cas).  • Un autre type d’AVC est l’hémorragie cérébrale (20 % des cas) ; c’est la plus dangereuse en termes de mortalité et de séquelles. Le plus souvent, elle provient d’un anévrisme qui prive le cerveau d’oxygène et provoque une compression sur les tissus environnants.  Les tumeurs, les crises d’hypertension et divers troubles de la coagulation peuvent eux aussi entraîner des hémorragies cérébrales. Le rôle néfaste de l’hyperglycémie ainsi que les moyens de la combattre seront brièvement abordés dans le présent article.   Glycémie et AVC Lorsqu’on aborde la problématique de la glycémie et des AVC, il convient de bien sérier deux problématiques :   - celle des patients diabétiques, connus ou non, et donc par définition hyperglycémiques, qui présentent un AVC et dont le diabète représente un facteur de risque clair ; - et celle des patients non diabétiques qui présentent une hyperglycémie liée au stress métabolique que représente leur AVC.   Concernant les patients diabétiques, il est clairement établi que leur diabète est un facteur de risque de développer un AVC avec un risque relatif (RR) de l’ordre de 1,5 à 3 au même titre que d’autres facteurs de risque comme l’hypertension artérielle (RR : 4), le tabagisme, les dyslipidémies (portant principalement sur l’élévation du taux de LDL-cholestérol), le syndrome d’apnées obstructives du sommeil, l’éthylisme, la migraine, la prise de contraceptifs oraux, les drogues (et plus particulièrement la prise de cocaïne), la sédentarité, l’obésité, etc(3).   L’étude UKPDS, qui visait à analyser l’effet d’un traitement intensif sur les complications du diabète chez des patients diabétiques de type 2 nouvellement diagnostiqués et traités sur une période moyenne de 10 ans, a permis de démontrer qu’une baisse de 1 % du taux d’HbA1c permettait de réduire de 12 % les AVC de manière statistiquement significative. Il s’agissait d’un des premiers arguments plaidant pour une prise en charge intensive de la glycémie, mais dans ce cas de figure cela ne concernait pas la prise en charge aiguë lors d’un AVC. Néanmoins, de manière un peu surprenante, des auteurs ont démontré que le RR de mortalité hospitalière à 30 jours chez des patients avec hyperglycémie à l’admission (110 mg/dl à 126 mg/dl) était de 3,28 chez les non-diabétiques et non significatif chez les diabétiques(4). Certaines hypothèses tentant de démontrer que le diabète per se serait protecteur ont été évoquées, comme celle des shunts artério-veineux, d’une perméabilité différente de la barrière hémato-encéphalique, etc. Toutefois, un équilibre optimal du diabète ne peut qu’être préconisé, mais cette thématique est hors sujet. On pourrait donc dès lors affirmer que le diabète (et même l’intolérance au glucose) représente un facteur de risque de développer un AVC, mais qu’en cas de diabète cet AVC serait moins « agressif ». Plus spécifiquement, c’est l’hyperglycémie précoce post-AVC qui semble un marqueur de mauvais pronostic. La première description d’une élévation de la glycémie après un AVC date de 1976(5). Par la suite, Christensen, et al(6) ont démontré l’élévation de la glycémie en post-AVC : de 106 mg/dl (2,5 h post-AVC) à 112 mg/dl (6 h post-AVC). Ensuite, Williams, et al.(7) ont mis en évidence que l’hyperglycémie post-AVC est un facteur de mauvais pronostic, plus spécialement chez les non-diabétiques. En outre, l’effet délétère de l’hyperglycémie d’admission a été démontré chez des patients présentant un AVC et bénéficiant d’une thrombolyse en termes de taille d’infarcissement, mais aussi de risque hémorragique(8,9). Cette hyperglycémie post-AVC est maintenant indiscutable, à l’instar de toute situation de « stress métabolique aigu ». En effet, l’hyperglycémie est associée à une augmentation de la mortalité et de la morbidité après un AVC, indépendamment d’autres facteurs pronostiques tels le diabète, le type ou la sévérité de l’AVC. Elle serait la conséquence de mécanismes de mieux en mieux connus parmi lesquels : - une réponse neuroendocrine et inflammatoire : concept de l’hyperglycémie de « stress métabolique » ; - une réaction « non spécifique » au stress aigu et à l’agression tissulaire associée aux altérations autonomes, hormonales et métaboliques ; - une éventuelle « révélation » d’un diabète latent au décours de l’AVC ; - une augmentation de sécrétion de GH (hormone de croissance : Growth Hormone) liée à la dysfonction hypothalamique ; - une irritation des centres régulateurs de la glycémie, etc.   Intervention pour « normaliser la glycémie » Un certain engouement concernant la normalisation intensive de la glycémie dans des situations de stress métabolique aigu a été observé dans le monde médical après la publication de Vandenberghe et coll. en 2001 qui avait montré que normaliser la glycémie (80-110 mg/dl) aux soins intensifs chirurgicaux réduisait considérablement la morbi-mortalité(10). Néanmoins, par la suite, différents essais cliniques dans certaines situations aiguës se sont avérés moins encourageants(11). Le diabète représente un facteur de risque de développement d’un AVC et de complications en cas de thrombolyse. L’hyperglycémie post-AVC est un facteur de mauvais pronostic. Face à ces constats, on peut légitimement se poser la question d’une intervention thérapeutique visant à atteindre ou du moins à tendre vers la normoglycémie. Pour ce faire, deux modalités de traitement ont été étudiées dans la littérature. Celle communément appelée GKI pour « Glucose-Potassium-Insuline »  (encadré ci-dessous) et l’insulinothérapie intraveineuse seule.   Encadré 1. Traitement GKI La modalité GKI a l’avantage d’être plus physiologique, entraînerait moins de variations glycémiques, mais impose de nombreux changements de perfusions et des adaptations de débit. À ce titre, une large étude multicentrique britannique a tenté de démontrer que le traitement GKI visant la normoglycémie immédiatement après un AVC réduisait la mortalité à 90 jours. Malheureusement, l’étude a été interrompue prématurément en raison d’un faible nombre d’inclusions, et l’analyse des données n’a pu confirmer la supériorité du traitement GKI(12). D’autres études ont évalué la taille de l’infarcissement cérébral après tentative de normalisation de la glycémie, mais sans être concluantes(13).   Insulinothérapie intraveineuse L’autre modalité est une insulinothérapie intraveineuse continue. Cette dernière permet de limiter les pics hyperglycémiques, mais avec le désavantage du risque hypoglycémique non négligeable. De plus, les contrôles glycémiques seront fréquents, souvent horaires ce qui représente, en pratique hospitalière, une contrainte non négligeable. Face à ces deux modalités, on pourrait également proposer une correction de l’hyperglycémie par l’administration d’insuline par voie sous-cutanée. À ce titre, vient d’être récemment publiée l’étude INSULAFARCT, qui comparait une insulinothérapie intraveineuse continue intensive à l’insulinothérapie sous-cutanée standard. Elle avait pour objectif d’étudier l’efficacité des modalités ainsi que leur impact sur la taille de l’infarcissement et a concerné plus de 100 patients. Les auteurs ont confirmé que l’insulinothérapie intraveineuse intensive permettait de mieux contrôler la glycémie dans les 24 premières heures suivant l’AVC, mais que malheureusement cela était associé à une taille plus importante de l’infarcissement et que par conséquent cette stratégie thérapeutique ne pouvait être recommandée(14). La méthode thérapeutique optimale pour la gestion de la glycémie lors d’un AVC reste donc un sujet de controverse.   Prise en charge de la glycémie lors d’un AVC Comme nous l’avons vu, l’option thérapeutique idéale n’existe pas pour la prise en charge aiguë de la glycémie en cas d’AVC. Non seulement la modalité avec les risques hypoglycémiques encourus et l’absence d’effets positifs sur le pronostic doit être prise en compte, mais la faisabilité en clinique courante doit également être un argument important. Il est évident qu’une insulinothérapie intraveineuse intensive avec adaptations fréquentes semble difficilement réalisable en pratique. Les recommandations s’accordent à dire que les études d’intervention ne permettent ni de trancher quant à la stratégie thérapeutique ni d’imposer une stricte normoglycémie en post-AVC immédiat. Les recommandations européennes proposent une intervention thérapeutique lorsque la glycémie dépasse 180 mg/dl. L’insulinothérapie intraveineuse seule semble être l’option choisie tout en spécifiant que l’hypoglycémie doit être évitée(15). Ce seuil d’intervention semble également celui préconisé par les instances américaines(16). En outre, un « position statement » concernant la prise en charge de l’hyperglycémie lors d’un AVC aigu a été publié en 2011 (encadré)(17).   Encadré 2. En conclusion   Le sujet « Glycémie et AVC » reste une problématique controversée quant à sa prise en charge. Il n’y a pas de doute qu’en phase aiguë d’un AVC, la glycémie s’élève chez le patient non diabétique et représente un facteur de risque de mauvaise évolution. Il n’y a pas de doute non plus que les patients diabétiques connus ont un risque accru de développer un AVC dans leur vie, même si celui-ci semblerait avoir une évolution moins péjorative que celle attendue. Il est également évident que le diagnostic de diabète à l’occasion d’un AVC n’est pas rare. Les instances américaines et européennes s’accordent, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, à proposer une attitude de compromis raisonnable : la prise en charge de la glycémie doit se faire quand celle-ci dépasse 180 mg/dl.   Il nous semble évident, dans ce contexte, de rappeler que la correction préventive des facteurs de risque cardiovasculaire reste évidemment une nécessité. Nous espérons que l’avenir nous apportera son lot de réponses quant aux incertitudes planant sur cette thématique.

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