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Publié le 10 oct 2020Lecture 5 min

Traitements endovasculaires des troncs supra-aortiques

Jean PIQUET, CHU d'Angers

En position anatomique normale, les troncs supra-aortiques (TSA), tronc artériel brachiocéphalique (TABC), artère carotide commune gauche (CCG) et artère sous-clavière gauche (ASC) dans leurs portions intrathoraciques, ont des caractéristiques relativement différentes les uns des autres. Le TABC est une artère de gros diamètre et de courte longueur, les CCG et ASC sont de diamètres plus petits et de longueurs plus grandes. Le débit de la CCG est relativement constant alors que celui de l’ASG est variable pouvant s’adapter aux besoins fonctionnels du membre supérieur. Ils ont cependant tous en commun de donner des branches à destinées cérébrales, ce qui fait l’essentiel de l’enjeu de leur prise en charge chirurgicale conventionnelle ou endovasculaire.

Aussi, si la chirurgie de la bifurcation carotidienne a fait l’objet de nombreuses études prospectives randomisées ayant parfaitement défini les indications, techniques opératoires et résultats attendus et aucune étude contrôlée n’a jamais été menée sur les TSA(1-4). Ainsi, les recommandations sur les TSA sont basées sur des études aux niveaux de preuves plus faibles. TABC Nous avons récemment réalisé avec 13 centres universitaires français membres de l’Association universitaire de recherche en chirurgie vasculaire (AURC), une étude rétrospective sur les angioplasties transluminales (ATL) avec stenting du TABC, pour des lésions athéromateuses sténosantes ou occlusives(5) (figures 1 et 2). Figure 1 : Stenting simple du TABC. Figure 2 : Stenting du TABC avec fusion. Le but de l’étude était de rechercher une différence de taux de resténose en fonction du type de stents, nu ou couvert, utilisés. Sur une période de 10 ans, 93 malades ont été retrouvés et inclus. Les indications de traitement retenues l’avaient été par corrélation avec celles de la chirurgie carotidienne ou pour revascularisation du bras droit en cas d’ischémie d’effort. Un stent nu avait été implanté chez 61 % des malades, un stent couvert (Advanta V12 de Getinge, seul stent couvert disponible à cette époque) chez les autres 39 %. Une voie carotidienne rétrograde avait été utilisée dans 81 % des cas. Quatre (4,3 %) AVC postopératoires avaient été observés. Durant le suivi moyen de 34 mois, le taux de resténose globale était de 32 %, significativement plus faible dans le groupe stent couvert (13 % vs 87 %) avec un risque relatif de ré-intervention de 14,6 % pour le groupe stent nu. Malgré les biais inhérents à son caractère rétrospectif, cette étude refléte les pratiques d’un nombre significatif de centres universitaires français et est la plus importante en termes d’inclusion, portant spécifiquement sur le TABC. Cest également aussi de la seule étude s’étant intéressée au type de matériel utilisé dans cette indication particulière. La supériorité des stents couverts dans le traitement de lésions athéromateuses sténosantes et occlusives avait déjà été montré au niveau aorto-iliaque par l’étude COBEST(6), la couche de PTFE recouvrant les stents semblant avoir un effet limitant sur l’hyperplasie myo-intimale et donc la resténose. Certaines similitudes (artères courtes, relativement fixes, à gros débit, etc.) entre le TABC et les artères iliaques primitives pourraient peut-être expliquer ces résultats concordants. Les indications de prise en charge de lésions athéromateuses isolées du TABC restent non consensuelles et sans recommandations précises autres qu’un traitement médical optimal. La plus faible morbidité de la revascularistaion par rapport à une chirurgie conventionnelle imposant une sternotomie avait été à l’origine de recommandations en faveur des procédures endovasculaires en première intention. Lorsqu’une indication de revascularisation est retenue, l’étude de l’AURC nous semble de nature à préciser encore ces recommandations vers l’utilisation première de stents couverts. Qui plus est, nous recommandons la voie carotidienne rétrograde ouverte permettant une meilleure protection cérébrale. Artère sous-clavière gauche Les indications de revascularisation de l’ASC communément admises sont multiples et variées : patients symptomatiques dans le territoire vertébrobasilaire, vol vertébro-sous-clavier symptomatique, nécessité de revascularisation coronaire par pontage mammaire, préservation d’un tel pontage déjà existant, ischémie du bras gauche, lésions sous-clavières bilatérales significatives empêchant la prise de tension artérielle réelle, préservation ou nécessité d’une fistule artérioveineuse homolatérale, etc. Notons qu’une sténose ou occlusion asymptomatique de l’ASC en dehors de ces circonstances ne représente pas une indication de revascularisation(7). Du fait de leur simplicité technique relative, les techniques endovasculaires sont souvent préférées à la chirurgie conventionnelle même si elles semblent avoir de moins bons résultats en termes de perméabilité à long terme(8,9) (figures 3 et 4). Il n’y a à ce jour, aucune étude contrôlée comparant les deux approches. Les angioplasties avec stent semblent montrer de meilleurs résultats que les angioplasties au ballon. Les stents en acier montés sur ballons ayant une force radiale plus importante que les stents en nitinol semblent aussi préférables sur les lésions ostiales très calcifiées. Aucune étude n’a comparé les stents nus aux stents couverts dans cette localisation. Figure 3 : Angioplastie transluminale, artère sous-clavière gauche. Figure 4 : Angioplastie transluminale, resténose pré-occlusive intrastent de sous-clavière gauche. Les voies fémorales ou brachiales rétrogrades sont utilisables et dépendent essentiellement des conditions anatomiques de chaque malade et des habitudes des opérateurs. Les voies fémorales semblent cependant grevées d’une morbidité locale plus faible. Les lésions athéromateuses de l’ASC touchent préférablement sa portion verticale prévertébrale et le taux d’AVC postprocédurale est de l’ordre de 2,6 %(10). Il est le plus souvent difficile de réaliser une protection cérébrale par occlusion temporaire de l’artère vertébrale. Il est cependant important de repérer son ostium afin de ne pas le couvrir lors du déploiement d’un stent. Carotide commune gauche Les lésions athéromateuses de l’ACC intrathoracique sont rares et sont essentiellement ostiales. Du fait de leur localisation anatomique profonde, elles sont difficiles à évaluer en Doppler et souvent difficiles à quantifier au scanner ou à l’IRM. La faisabilité technique des angioplasties de l’ACC a largement été démontrée par de nombreuses séries de cas unicentriques et rétrospectives avec a priori de bon résultats morphologiques au prix d’une faible morbidité neurologique. À noter que les lésions ostiales en tandem et de la bifurcation carotidienne semblent plus dangereuses à traiter. Deux voies d’abord sont possibles : soit antérograde par voie fémorale percutanée, soit rétrograde par voie carotidienne cervicale le plus souvent au travers d’un court abord chirurgical permettant un clampage carotidien commun distal et des purges assurant la protection cérébrale. Comme pour les autres localisations, les angioplasties avec stent sont préférées aux angioplasties simples au ballon (figure 5). Figure 5 : Angioplastie transluminale, TABC avec tronc bi-carotido sous-clavier. Cependant, encore une fois il n’existe aucune étude contrôlée et donc aucune preuve quant à l’histoire naturelle de ce type de lésions, ni de la supériorité des angioplasties par rapport au traitement médical optimal pour des lésions symptomatiques ou asymptomatiques de cette localisation spécifique(11). Avant tout geste thérapeutique, il est ici très important de reconnaître d’éventuelles variations anatomiques de la crosse aortique relativement fréquentes telles que des arches bovines ou des troncs bi-sous-claviocarotidiens.

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