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Question

Publié le 25 mar 2024Lecture 6 min

La stimulation ventriculaire anodique a-t-elle du sens en stimulation de branche gauche ?

Jérôme HOURDAIN, Marseille

La stimulation physiologique du système de conduction de l’aire de la branche gauche (STBG) s’impose progressivement comme une alternative prometteuse à la stimulation antibradycardique du ventricule droit (VD)(1), mais également à la resynchronisation cardiaque conventionnelle biventriculaire(2). À la lumière des récents résultats publiés, les recommandations américaines de 2023(3) ont intégré cette technique comme une option thérapeutique à la disposition du rythmologue.

La technique diffère peu d’une implantation droite conventionnelle et sa courbe d’apprentissage est rapide pour un praticien expérimenté avec un taux de succès supérieur à 90 % dès 50 procédures réalisées(4). La STBG peut être sélective, non sélective ou intéresser le myocarde septal du VG (figure 1). En comparaison à la stimulation myocardique septale gauche, les STBG sélective et non sélective activent plus rapidement la paroi latérale du VG, assurant une meilleure synchronisation mécanique(5), mais en majorant le retard d’activation du VD. L’obtention d’une STBG sélective n’a pour l’instant pas montré un bénéfice clinique pour le patient(6). Figure 1. Stimulation de l’aire de la branche gauche. A. Stimulation sélective de la branche gauche ; B. Stimulation non sélective de la branche gauche ; C. Stimulation septale gauche ; D. Stimulation de branche gauche avec capture anodique de la branche droite. Flèches épaisses : dépolarisation rapide par le système de conduction. Flèches étroites : dépolarisation plus lente myocardique. Étoile : site de primo-dépolarisation. SIV : septum interventriculaire ; NAV : nœud auriculo-ventriculaire   La STBG est classiquement programmée en unipolaire(7) (électrode distale - cathode - vers boîtier de stimulation - anode) afin d’éviter une possible capture du myocarde interventriculaire adjacent. Les conclusions des principales études(2,4) sur l’impact clinique de la STBG ont été rendues à partir de données obtenues en stimulation unipolaire et ne peuvent donc pas être extrapolées aux patients stimulés en mode bipolaire, avec ou sans capture anodique. L’activation ventriculaire secondaire à une STBG crée un asynchronisme aux dépens du VD qui se dépolarise tardivement par rapport au VG. Cette désynchronisation sur l’ECG de surface donne un aspect de retard droit avec la présence d’une onde R terminale en V1 (figure 2). La STBG sélective entraîne des QRS plus larges, reflet de l’activation tardive du VD comparativement à une capture non sélective dont le front de dépolarisation emprunte un trajet plus court via le septum interventriculaire(8). Les conséquences hémodynamiques à long terme de cette activation non physiologique du VD ne sont pas connues, mais pourraient être responsables d’une surmortalité dans la population générale(9). Figure 2. ECG de surface en stimulation de branche gauche. A. Stimulation sélective de la branche gauche : aspect de retard droit typique avec activation rapide de la paroi latérale VG (stim-RV6 = 71 ms) et désynchronisation VD/VG (V1-V6 = 54 ms), retour à la ligne isoélectrique après l’artéfact de stimulation en faveur de l’absence de capture myocardique locale (flèche bleue). B. Stimulation non sélective de la branche gauche : aspect de retard droit conservé, QRS plus fins, activation rapide de la paroi latérale VG (stim-RV6 = 71 ms), désynchronisation VD/VG moins importante (V1-V6 = 45 ms) et capture myocardique locale (flèche bleue). C. Stimulation septale gauche : disparition de l’aspect rSR’(flèche bleue) et retard d’activation de la paroi latérale VG (stimRV6 +20 ms). D. Stimulation bipolaire de la branche gauche avec capture anodique : absence de retard droit typique avec réduction de l’onde R terminale (flèche noire), QRS plus fins, capture myocardique locale (flèche bleue) sans retard d’activation de la paroi latérale VG (stim-RV6 = 71 ms).   La correction de ce délai VD/VG nécessite soit une fusion entre la conduction spontanée dans la branche droite et la dépolarisation par la branche gauche par le réglage des délais atrioventriculaires (AV), soit une capture simultanée de la branche gauche et du septum droit et/ou de la branche droite. La fusion n’est possible que chez les patients sans bloc de branche droit préexistant et expose au risque de désynchronisation AV en cas d’altération de la conduction nodale et de programmation de délais AV longs. La capture simultanée du VD et du VG, quant à elle, nécessite une stimulation anodique par une programmation bipolaire (entre la cathode en position sous-endocardique VG et l’anode au contact du versant VD du septum interventriculaire) à haute énergie. Ce phénomène est connu, recherché et doit être évité lors de la resynchronisation biventriculaire, car il supprime la correction du retard VG recherchée par la resynchronisation(10). Il est rendu possible par une programmation cathode VG vers anode VD (bague ou coil de la sonde VD). La STBG bipolaire avec capture anodique, autorisant une dépolarisation simultanée bilatérale du septum interventriculaire, réduit significativement de 13 ms la largeur des QRS stimulés(11). Elle traduit une correction de la désynchronisation induite aux dépens du VD sans allonger le délai d’activation de la paroi latérale gauche(11) (figure 2), mais est caractérisée par des seuils de stimulation médians élevés (3,1V à 0,5 ms[11] et 2,7 V à 0,5 ms[12]) qui réduiront la longévité de la batterie. La suppression complète du retard droit pour des seuils < 2,5 V à 1 ms n’a été possible que chez 18/36 des patients inclus et 30 % des patients avaient des seuils anodiques ≥ 5V à 0,5 ms(12). L’affinement des QRS ≥10 ms par une stimulation du système de conduction, chez des patients en insuffisance cardiaque avec bloc de branche droit, a été identifié comme un marqueur indépendant de réponse clinique et échocardiographique. En STBG avec capture anodique les QRS étaient plus fins, par disparition partielle ou totale de l’onde R terminale en V1, possible avec un seuil inférieur à 3 V chez seulement 48 % des patients. La suppression totale de l’onde R terminale en V1 (obtenue chez 33 % d’entre eux) n’était pas associée à une meilleure réponse clinique ou échocardiographique en analyse multivariée(13). Plus récemment, Ali et coll.(14) ont comparé la STBG avec capture anodique à la STBG conventionnelle unipolaire en analysant l’activation du VD par cartographie de dépolarisation non invasive et les variations de pression artérielle. Ils confirment que la STBG avec capture anodique réduit significativement la largeur des QRS (-12 ± 7 ms), le temps total d’activation ventriculaire (-7 ± 9 ms), mais au prix d’une élévation majeure des seuils de stimulation (3,6 ± 1,9 V à 0,9 ± 0,2 ms vs 0,6 ± 0,2 V à 0,8 ± 0,3 ms; p < 0,01),sans amélioration hémodynamique (-0,2 ± 3,8 mmHg ; p = 0,2). En stimulation unipolaire, les auteurs décrivent deux types de front de dépolarisation du VD : un premier provenant du septum interventriculaire et un second plus tardif du mur postérieur en rapport avec la capture du tissu de conduction spécialisé du VG. Dans cette configuration, l’activation du VD est non physiologique de la base vers l’apex traduisant une dépolarisation cellulaire myocardique de proche en proche, la base de la paroi libre VD étant le dernier segment dépolarisé. En stimulation anodique, la dépolarisation avancée du VD se propage également de façon non physiologique (base vers l’apex), rendant peu probable une capture locale de la branche droite. Il est intéressant de noter que chez 6/16 patients, une fusion entre la capture de la branche gauche et l’activation intrinsèque par la branche droite du patient, entraînant la disparition de l’onde R terminale en V1, a pu être obtenue en allongeant les délais AV de 40 ms. Pour ces 6 patients, l’activation plus rapide du VD redevenait physiologique (apex vers base) et les QRS stimulés plus fins qu’en stimulation anodique (115,7 ± 17,7 ms vs 107,7 ± 19,2 ms ; p = 0,03). En conclusion, la STBG devrait rapidement être proposée en première intention en raison de la simplicité de la technique, des résultats cliniques obtenus, des faibles seuils de stimulation et de leur stabilité dans le temps. La désynchronisation VD/VG induite par l’activation préférentielle par la branche gauche n’a pas encore été associée à une augmentation de la morbi-mortalité. Sa correction par une capture anodique du septum droit n’a pas montré à l’heure actuelle de bénéfice clinique, mais toutes les études s’accordent sur la nécessité de programmer une amplitude de stimulation très élevée, incompatible avec une longévité de batterie satisfaisante. La fusion, par réglage des délais AV, entre la capture de la branche gauche et l’activation physiologique par la branche droite pourrait être une alternative satisfaisante, mais conditionnée par l’absence préalable d’un bloc de branche droit et d’un bloc nodal qui exposeraient le patient à une désynchronisation AV en cas de délais programmés trop longs.

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