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Paramédicaux

Publié le 26 juin 2023Lecture 5 min

Comment déléguer le contrôle des prothèses rythmiques

Julien BAUD, Paris

Les protocoles de coopération ont le vent en poupe ces dernières années dans les services de soins hospitaliers et répondent à l’évolution de la législation française. En effet, l’article 51 de la loi HPST du 21 juillet 2009, rénové et simplifié par l’article 66 de la loi OTSS publié le 24 juillet 2019 permet la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de transferts d’actes ou d’activités de soins et de réorganisations des modes d’intervention auprès des patients. C’est dans ce cadre qu’ont vu le jour un certain nombre de protocoles de coopération entre professionnels de santé, en particulier ceux permettant aux infirmier(e)s, spécifiquement formé(e)s, d’effectuer les échocardiographies cardiaques ou de contrôler les dispositifs électroniques cardiaques implantables (DECI) en présentiel, en lieu et place du médecin.

Le projet de coopération entre médecins rythmologues et infirmier(e)s est né en 2015 au sein de l’unité de rythmologie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP/AP-HP) sous l’impulsion du Pr Éloi Marijon. Le but premier était de libérer du temps médical en déléguant à un(e) infirmier(e) les activités de surveillance des patients porteurs de DECI (défibrillateurs automatiques implantables, stimulateurs cardiaques et moniteurs cardiaques implantables) en distanciel, via la télésurveillance, et en présentiel lors des contrôles de prothèses à l’hôpital. Après un long processus de rédaction, ce protocole de coopération a été validé par la Haute Autorité de santé (HAS) en juillet 2020 avant de paraître au Journal Officiel dans l’arrêté national du 7 septembre 2020 sous la mention « Contrôle des dispositifs implantables rythmologiques par un(e) infirmier(e) associant une prise en charge en présentiel et en télémédecine ». Ce protocole de coopération très détaillé donne un cadre légal à cette activité souvent déjà pratiquée par de nombreux infirmier(e)s en France, et leur permet de l’exercer sur délégation d’un ou plusieurs rythmologues. Concrètement, il est destiné aux infirmier( e)s ayant des bases théoriques solides en cardiologie et plus particulièrement en rythmologie et qui exercent dans le domaine de la télécardiologie.   En pratique   Pour intégrer ce programme, il faut être infirmier(e) D.E. et avoir : • Une expérience de deux ans en service de cardiologie • Et/ou une expérience spécifique d’un an en service de rythmologie • Et/ou une expérience en consultation de rythmologie avec contrôle de prothèses • Et/ou le diplôme universitaire paramédical de rythmologie (CHU de Montpellier) • L’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence niveau 2 validée (AFGSU) En complément de ces prérequis, Il faut pour adhérer à ce protocole avoir reçu : • Une formation théorique de 75 heures dans le cadre de la formation continue, sur les thèmes de la stimulation et la défibrillation cardiaque, de l’interprétation d’ECG et de la télécardiologie. Cette formation peut être dispensée par les rythmologues en interne et/ou par les industriels qui proposent de nombreux modules de formation à destination des paramédicaux. • Une formation dite « fabricant » de 35 heures, spécifique à l’utilisation des appareils de contrôle (programmateurs) et des solutions internet de télésurveillance proposées par chacun des cinq fabricants en fonction des dispositifs existants à ce jour. • Une formation pratique de 45 heures, soit 90 patients contrôlés en doublon sous la supervision d’un rythmologue (figure). Figure. Julien Baud, infirmier de protocole de coopération en rythmologie (HEGP, Paris).   Selon moi, les intérêts de ce protocole de coopération sont multiples, pour les patients, les rythmologues et les infirmiers. Tout d’abord pour les patients, ce protocole permet : – d’améliorer l’accès aux soins dans un délai conforme aux recommandations ; – d’améliorer la qualité des soins grâce à un suivi plus régulier, notamment grâce à la télésurveillance ; – de raccourcir les délais d’intervention et de prise en charge grâce à la gestion quotidienne des alertes. Pour le(s) médecin(s) et l’infirmier(e), il permet en effet de libérer du temps médical pour des actes à plus haute valeur ajoutée, ce qui était le but initialement poursuivi. Mais bien plus que cela, il permet de développer de nouvelles compétences paramédicales en autonomie dans le processus de consultation rythmologique (acte initialement purement médical) et de valoriser l’expertise infirmière dans le contrôle des DECI et la télésurveillance. Il convient toutefois de préciser que même si la plupart des contrôles se déroulent sans problème, la présence du rythmologue reste nécessaire pour valider tout changement de programmation dans les DECI. Il est à noter qu’une prime de coopération (100 € bruts/mois) est attribuée aux infirmier(e)s du secteur public concerné(e)s par ce protocole. Enfin, il faut souligner que ce genre de protocole, même s’il n’est pas diplômant, participe à développer les pratiques infirmières et la collaboration infirmière avec les rythmologues et les industriels du secteur qui sont très aidants en termes de formation.   Les leviers et les freins   Il se pose la question de l’uniformisation de la formation nécessaire pour pratiquer cette activité. Celle-ci reste pour le moment à la discrétion de chaque centre, mais, avec le support des industriels, on observe d’ores et déjà la prise en compte de ce nouveau besoin avec la création de parcours de formation dédiés au contrôle des DECI par les IDE. Outre la formation théorique et les compétences nécessaires à cette pratique, je tiens à souligner que, sans la volonté et l’initiative médicale au sein du centre de soins, ce protocole est difficilement envisageable. J’ai conscience d’avoir la chance d’être soutenu et entouré par des rythmologues et un encadrement avec qui je travaille en toute confiance et cela est primordial, selon moi, à la réussite du projet. Un des freins que je pourrais identifier à la mise en place de ce protocole de coopération est le fait de ne pas avoir des paramédicaux dédiés à 100 % du temps sur l’activité de télécardiologie. Il est également nécessaire d’être au minimum deux IDE dans l’équipe afin de pouvoir exercer de façon optimale la surveillance des patients en télésurveillance et le contrôle physique des DECI en parallèle.   Les perspectives d’évolution   Ce protocole de coopération national et validé par la HAS a maintenant vocation à se déployer rapidement sur tout le territoire national puisque tous les centres de soins qui pratiquent la rythmologie peuvent y adhérer simplement en inscrivant leur équipe sur le site internet https://www.demarches-simplifiees.fr. Notre rôle est maintenant d’en faire la promotion et ce n’est que le début avant, peut-être dans quelques années, une reconnaissance plus large avec la création d’une spécialisation telle qu’un Master avec la mention Rythmologie.

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