La Lp(a)
Publié le 13 sep 2023Lecture 6 min
Quand et comment doser la Lp(a) ?
Michel FARNIER, Équipe PEC2, EA 7460, Université de Bourgogne, Dijon
La lipoprotéine(a) [Lp(a)] connaît un regain d’intérêt depuis que des données épidémiologiques et génétiques ont mieux précisé le risque associé à un excès de Lp(a) et en raison du développement de traitements médicamenteux spécifiques. Ces avancées ont conduit plusieurs sociétés savantes à publier des consensus centrés sur cette lipoprotéine(1-3). Ces consensus précisent en particulier les circonstances dans lesquelles ce paramètre doit être mesuré et insistent sur les difficultés de dosage liées surtout à la structure même de la Lp(a)(4) (figure).
Figure. A. Structure de la lipoprotéine(a). B. Illustration des diverses isoformes de Lp(a) (d’après Tsimikas et al.(4)).
K : Kringle, PL : phospholipides, oxPL : phospholipides oxydés, TG : triglycérides, FC : cholestérol libre, CE : cholesterol estérifié, P : protéase
Quand demander un dosage de Lp(a) ?
Un dépistage systématique ?
La concentration de Lp(a) étant déterminée quasi exclusivement par la génétique, l’idéal serait un dosage systématique une fois à l’âge adulte pour dépister les sujets ayant des taux élevés induisant un haut risque cardiovasculaire. C’est ce qui est proposé dans les recommandations européennes de prise en charge des dyslipidémies(5), de même que dans le consensus européen récent(2). Ces recommandations indiquent que la présence d’un taux très élevé > 180 mg/dL (> 430 nmol/L) induit un risque d’athérosclérose comparable à celui associé à une hypercholestérolémie familiale (HF) hétérozygote. Mais ce dosage « universel » est loin d’être entré dans la pratique clinique, d’autant plus que le dosage de Lp(a) n’est plus remboursé en France. Il est de ce fait important de déjà proposer un dépistage ciblé.
Un dépistage ciblé
La concentration de Lp(a) doit être mesurée en priorité une fois dans les circonstances suivantes (tableau) :
– en cas d’antécédent personnel ou familial de maladie coronarienne prématurée, et également en cas de sténose valvulaire aortique prématurée ;
– en cas de maladie athérosclérotique inexpliquée par les facteurs de risque traditionnels ;
– chez les patients avec récidive d’événements cliniques athérosclérotiques malgré les traitements recommandés bien suivis, en particulier un traitement par statine de forte intensité.
Pour ces 3 catégories, la découverte d’un taux élevé permettra d’apporter une explication à leur maladie, de mieux apprécier la réponse au traitement visant à abaisser le taux de LDL-cholestérol (LDL-C), et également de déclencher un dépistage en cascade dans la famille.
Un dosage de Lp(a) est également à recommander chez les patients avec HF hétérozygote pour lesquels une augmentation de Lp(a) est un facteur aggravant majeur, et en cas d’antécédent familial d’élévation de Lp(a).
Enfin le dosage est recommandé en cas d’accident vasculaire cérébral ischémique survenant chez un sujet jeune et chez des patients ayant des accidents thrombotiques récurrents inexpliqués.
Un dosage de Lp(a) est aussi utile chez des patients avec une apparente résistance à un traitement par statine seule ou associée à l’ézétimibe, c’est-à-dire les patients avec une réduction du LDL-C bien inférieure à celle attendue malgré une bonne adhérence au traitement. Il s’agit en réalité d’une « pseudo-résistance » due à la contribution de la Lp(a) à une partie du LDL-C et à l’absence d’effet des statines et de l’ézétimibe sur cette fraction de cholestérol associée à la Lp(a).
Enfin, la découverte d’un taux élevé de Lp(a) peut conduire à reclasser les patients en prévention primaire dans un niveau de risque supérieur.
AVC : accident vasculaire cérébral
Une opportunité
Compte tenu de la prévalence importante de taux élevés de Lp(a) en population générale (entre 20 et 30 %) et du peu de dépistage réel, une opportunité est certainement l’hospitalisation pour un syndrome coronaire aigu (SCA). Dans un travail récent(6), nous avons ainsi pu montrer qu’environ 20 % des patients hospitalisés pour infarctus du myocarde avaient lors d’un bilan systématique réalisé à l’admission un taux > 0,50 g/L et surtout 6 % avaient un taux très élevé > 1,0 g/L.
Même s’il est reconnu que le taux de Lp(a) peut être modérément accru lors d’un état inflammatoire(7), ce dépistage réalisé dès l’admission pour SCA permet de dépister les patients avec des taux très élevés et de recommander un contrôle à distance pour ceux avec un taux limite (par exemple entre 0,30 et 0,50 g/L).
Comment doser la Lp(a) ?
Le dosage de la Lp(a) souffre toujours d’un manque de standardisation avec des résultats exprimés soit en masse (mg/dL ou g/L), soit molaires (nmol/L)(8).
Pourquoi le dosage est-il difficile ?
Comme illustré sur la figure, il existe plusieurs isoformes possibles pour la Lp(a) en raison d’un nombre variable de kringles K-IV-2. La Lp(a) varie ainsi en taille et en poids moléculaire, avec une corrélation inverse entre la concentration plasmatique de Lp(a) et la taille de l’apo(a), c’est-à-dire le nombre de domaines K-IV-2 : moins il y a de kringles K-IV-2, plus le taux de Lp(a) est élevé.
Historiquement, le taux de Lp(a) est exprimé en g/L, ce qui correspond à la masse totale incluant composants protéiques (apo(a) et apoB) et lipidiques (cholestérol, triglycérides, phospholipides…), alors que c’est l’apo(a) qui est spécifiquement reconnue par des anticorps.
La méthode idéale
Idéalement, les méthodes de dosage devraient utiliser un anticorps dirigé contre une région non répétée de l’apo(a) : ainsi, chaque molécule d’apo(a) est reconnue une seule fois, et ceci permet une mesure de Lp(a) en nmol/L(8).
En pratique, l’obtention de tels anticorps reste difficile et beaucoup d’essais utilisent des anticorps polyclonaux qui reconnaissent la structure répétitive de l’apo(a). Le risque est alors de sous-estimer le taux de Lp(a) en cas d’isoformes de petite taille (associés à des taux élevés) et de sur-estimer en cas d’isoformes de grande taille(8).
Toutefois, pour la plupart des essais utilisant des anticorps polyclonaux, on ignore contre quels épitopes ils sont dirigés. En pratique, chaque essai doit être calibré en couvrant une large gamme de tailles d’apo(a) et il faut se référer aux normes de chaque essai. Des travaux sont en cours afin de proposer un dosage standardisé(2).
Peut-on convertir d’une unité à l’autre ?
L’hétérogénéité des Lp(a) rend la conversion d’une unité à l’autre très aléatoire et des dosages avec anticorps polyclonaux ne peuvent pas en théorie être exprimés en unités molaires(2). Toutefois comme l’objectif est déjà de dépister les sujets avec des taux très élevés et que l’erreur pour les porteurs de petites isoformes n’est que de quelques mg/dL, il est souvent proposé un facteur de conversion de 2,5 pour passer de mg/dL à nmol/L (exemple : 50 mg/L 125 nmol/L).
Quels sont les seuils proposés ?
L’association entre taux de Lp(a) et risque cardiovasculaire étant linéaire, les seuils proposés servent à identifier les catégories de patients pour lesquels l’augmentation du risque est cliniquement significative : pour des sujets caucasiens, le seuil « à risque » de 0,50 g/L (125 nmol/L) est proposé dans les recommandations récentes, avec une valeur normale < 0,30 g/L (75 nmol/L) et une zone qualifiée de « grise » entre ces 2 valeurs(2).
À noter que la distribution des concentrations de Lp(a) diffère selon les groupes ethniques, et leur interprétation doit de ce fait tenir compte des seuils spécifiques à une population donnée.
Faut-il utiliser le cholestérol de la Lp(a) pour corriger le taux de LDL-C ?
Le taux de LDL-C rendu dans un bilan lipidique standard inclut le cholestérol contenu dans la Lp(a). De ce fait, une surestimation du taux réel de LDL-C est observée chez les patients avec Lp(a) élevée. Une formule a été proposée pour obtenir le LDL-C corrigé, en estimant que le contenu en cholestérol de la Lp(a) serait de 30 % de la masse :
LDL-C corrigé = LDL-C – [Lp(a) x 0,30] [LDL-C et Lp(a) en g/L]
Cette formule peut être utile en cas de mauvaise réponse apparente à un traitement hypolipémiant et en cas de suspicion clinique de HF. Toutefois comme il existe une très importante variation interindividuelle du cholestérol de la Lp(a) par rapport à sa masse, il n’est pas recommandé de faire cette correction en routine(2).
Liens d’intérêts
Le Dr Michel Farnier déclare avoir reçu des honoraires en tant qu’expert scientifique et/ou conférencier de la part des firmes suivantes : Abbott, Amarin, Amgen, AstraZeneca, Ajanta, Kowa, Merck and Co, Novartis, Organon, Recordati, Sanofi/Regeneron, Servier, SMB et Viatris.
Avec le soutien institutionnel de
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