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Coronaires

Publié le 06 déc 2011Lecture 7 min

La gestion de l’infarctus en 2011 - Place des nouveaux antiagrégants

A. BELLEMAIN-APPAIX, G. MONTALESCOT, J. SILVAIN, P. ECOLLAN, J.-P. COLLET, Centre Hospitalier Universitaire Pitié-Salpêtrière, Paris

La prise en charge de l’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) est une urgence thérapeutique, et l’on sait que la reperfusion pharmacologique est d’autant plus efficace que la prise en charge est précoce (la composition du thrombus est temps-dépendante, avec un doublement du taux de fibrine par heure, au dépens du taux de plaquettes sur lesquelles fibrinolyse et antiagrégants plaquettaires jouent)(1). La bithérapie antiagrégante plaquettaire (AAP) associant aspirine et thiénopyridine a fait ses preuves sur la réduction de la mortalité dans la prise en charge du STEMI(2,3).

Le clopidogrel connaît des limites, en particulier par son délai d’action (qui dépend de la dose de charge) et par la variabilité de réponse liée à son métabolisme cytochrome-dépendant, dont les variants touchent 30 % de nos patients(5). Néanmoins, dans la prise en charge du STEMI, une dose de charge de clopidogrel > 300 mg permet : – d’augmenter le taux d’artères ouvertes lors de l’angiographie après fibrinolyse(6) ; – d’améliorer le taux de reperfusion précoce (34,3 % vs 25,8 %) et de diminuer les événements ischémiques majeurs (décès et réinfarctus) en cas d’angioplastie primaire(7) ; – de diminuer les décès et réinfarctus dans les STEMI avant la 6e heure sans majoration des hémorragies et des AVC(8). L’efficacité d’une inhibition plaquettaire plus puissante et plus rapide est donc un objectif essentiel des nouveaux AAP.   Nouveaux antiagrégants   Mode d’action Quatre nouveaux inhibiteurs du récepteur P2Y12 (antiP2Y12) ont été testés dans la prise en charge du STEMI : 2 d’administration orale (prasugrel et ticagrelor, testés en phase III dans les études TRITON [STEMI](9) et PLATO [STEMI](10) et approuvés par les agences du médicament), un intraveineux (cangrelor, testé en phase III dans l’étude CHAMPION PCI [STEMI](11)), et une thiénopyridine administrable sous les deux formes (élinogrel, testé en phase II dans l’étude ERASE MI(12)). Les caractéristiques de ces nouveaux antiP2Y12 sont résumées dans le tableau 1. Études d’efficacité et de sécurité des nouveaux AAP dans le STEMI Les tableaux 2 et 3 résument les études réalisées dans le STEMI avec les nouveaux antiP2Y12, ainsi que leurs résultats globaux. • L’élinogrel a été évalué dans une étude de phase II sur de petits effectifs, par voie intraveineuse, à différentes doses, comparativement au placebo et en plus d’une dose de charge de 600 mg de clopidogrel avant angiographie pour STEMI. Cette étude de non-infériorité a démontré l’absence de différence en termes de résolution du ST et l’absence d’augmentation des hémorragies, mais davantage d’AVC(12). Des études de phase III sont en cours pour préciser son efficacité et sa place dans la prise en charge du STEMI, et en particulier l’intérêt de sa réversibilité rapide (en cas de chirurgie notamment). • Le prasugrel est probablement la molécule la plus avancée avec le ticagrelor. Une charge de 60 mg de prasugrel puis 10 mg/j permet une inhibition plus précoce, plus puissante et plus prédictible (règle des 3 « p ») comparativement au clopidogrel. Cet effet puissant s’accompagne d’une diminution du nombre de non-répondeurs au traitement comparativement au clopidogrel 300 mg ainsi qu’une baisse des MACE dans TRITON à 4 heures et 30 jours après angioplastie(13) (figure 1). L’étude en sous-groupe TRITON STEMI a inclus 3 534 patients suivis pendant 15 mois, dont 2 438 bénéficiaient d’une angioplastie primaire et 64 % de l’administration concomitante d’antiGpIIb/IIIa. Comparativement au clopidogrel, le prasugrel a permis de diminuer le critère primaire à 30 jours (décès cardiovasculaires, IDM et AVC) de 32 % (p = 0,0017) maintenu à 15 mois, le critère secondaire (décès cardiovasculaires, IDM, revascularisation urgente du vaisseau cible) à 30 jours et 15 mois ainsi que les thromboses de stent et ce, sans augmentation des saignements non liés au pontage (plus de saignements TIMI liés au pontage, p = 0,0033)(9). Il existe par ailleurs une réduction de la mortalité de 1 % en valeur absolue à 30 jours, qui se maintient à 15 mois sans être significative. Figure 1. Sous-étude TRITON-TIMI 38 : distribution des valeurs individuelles de l’index de réactivité plaquettaire VASP (en ordonnée). • Le ticagrelor a montré un intérêt clinique partiel dans PLATO STEMI au prix d’un surcroit de complications hémorragiques. Sur les 7 544 patients de PLATO présentant un STEMI (5 439 angioplasties primaires, 35 % d’antiGpIIb/IIIa additionnels), le ticagrelor 180 mg en bolus puis 90 mg x 2/j comparé au clopidogrel 300 mg (charge globale optionnelle de 600 mg chez 35 % des patients) a permis de diminuer de façon non significative le critère primaire d’efficacité à 12 mois (IDM, AVC, décès cardiovasculaire) de 13 %, et de façon significative les critères secondaires indépendants (IDM -20 % (p = 0,03), mortalité cardiovasculaire -17 % (p = 0,07), thrombose de stent certaine -34 % (p = 0,03). Les AVC étaient également réduits dans le groupe ticagrelor sans augmentation des hémorragies majeures(10) (figure 2). Figure 2. Angioplastie primaire du STEMI (décès cardiovasculaires, IDM et AVC à 15 mois). • Le cangrelor n’a pas montré de différence à 48 heures et à 30 jours par rapport au clopidogrel chez 996 patients présentant un STEMI et inclus dans l’étude CHAMPION PCI (cangrelor IV vs clopidogrel 600 mg avant angioplastie, charge en clopidogrel 600 mg après angioplastie dans le groupe cangrelor). Evénements ischémiques et complications hémorragiques n’étaient pas différents entre les groupes(11).   Bénéfice global des nouveaux anti-P2Y12 dans le STEMI Peu d’études individuelles ont une taille suffisante pour mettre en évidence un bénéfice net en termes de réduction de mortalité globale, faute de puissance. Nous avons récemment réalisé une métaanalyse des différentes études randomisées de phases II et III comparant les nouveaux inhibiteurs du P2Y12 vs clopidogrel (avec des sous-analyses pour l’ensemble des patients, les angioplasties et l’angioplastie primaire)(15). Un total de 48 599 patients a ainsi pu être inclus, dont 13 028 présentant un STEMI, la majorité traités par angioplastie primaire. Dans cette métaanalyse, les nouveaux anti-P2Y12 diminuent la mortalité globale de 22 %, les décès CV de 19 %, les IDM de 19 %, les MACE de 18 %, les thromboses de stent (certaines et probables) de 33 % au prix d’une augmentation de 48 % des AVC (p = 0,02), mais sans majoration des hémorragies majeures ou mineures (4,89 % vs 4,78 % pour le clopidogrel). L’étude a été confirmée par une analyse de sensibilité excluant PLATO(15) (figure 3). Figure 3. Bénéfice global des nouveaux antiP2Y12 dans le STEMI. Les nouveaux antiagrégants dans les recommandations Les dernières recommandations ESC 2010 donnent, au vu des résultats des études citées, une recommandation de classe IB au prasugrel et au ticagrelor dans la prise en charge du STEMI, en association à l’aspirine, et en remplacement du clopidogrel(16).   Faut-il « switcher » du clopidogrel vers le prasugrel ? Quand et pendant combien de temps ? Oui, dès que possible en cas de STEMI à faible risque hémorragique (exclusion des thrombopénies, traitement par AVK, AVC, AIT, chirurgie récente, hémorragie active). Le prasugrel 60/10 mg permet, en effet, une inhibition de l’agrégation plaquettaire plus prompte, plus puissante et plus prédictible (règle des 3 « p ») qu’une dose de clopidogrel de 300 ou 600 mg puis 75 mg/j(17) (figure 4). Figure 4. La règle des trois “p”. Deux études menées dans le SCA (SWAP(18) et ACAPULCO(19)) ont montré l’efficacité et la rapidité d’effet du passage du clopidogrel au prasugrel (figure 5). Figure 5. Effet du passage du clopidogrel au prasugrel. (ACAPULCO). Combien de temps faut-il maintenir le prasugrel ? TRITON permet un recul de 15 mois avec une bonne sécurité. Il est possible (encore faut-il le démontrer) qu’après une période de quelques mois, après régression de la phase prothrombotique et sous couvert d’une vérification d’une bonne réponse au clopidogrel, un switch pour du clopidogrel soit envisageable, afin de minimiser les complications hémorragiques du long terme. On peut estimer qu’un tiers des patients présentent des taux d’inhibition du récepteur P2Y12 > 90 %, ce qui est inutile sur le long cours.   Le prasugrel est-il remboursé ? Est-il rentable ? Oui, il est remboursé avec une ASMR de niveau 5 et est environ 20 % moins cher que le clopidogrel non génériqué. Une étude de pharmaco-économie réalisée à partir de TRITON TIMI-38 à montré qu’à 15 mois, l’utilisation du prasugrel (5,45 dollars/j vs 4,62 dollars/j pour le clopidogrel) est largement rentable (-221 dollars/an/patient traité, IC : -759 à -299) (baisse des réhospitalisations et des angioplasties), avec un gain de 0,102 année de vie en moyenne (baisse des IDM). Même avec un générique de clopidogrel à 1 dollar/j, malgré un surplus de 996 dollars/an/ patient traité, le prasugrel reste coût-efficace avec un coût de 9 727 dollars/année de vie gagnée (seuil à 30 000 dollars)(20).   Quelle stratégie pour le SAMU ? Figure à titre indicatif l’algorithme mis en place entre l’USIC de la Pitié-Salpêtrière et le SAMU de Paris, intégrant la place respective du clopidogrel, du prasugrel et des anti-GpIIb/IIIa dans la prise en charge des STEMI avant angioplastie primaire. Cet algorithme intègre la contre-indication (AVC) du prasugrel et le sur-risque hémorragique de prasugrel et anti-GpIIbIIIa chez le sujet âgé. Il tient compte aussi des leçons de 10 ans d’expérience avec les anti-GpIIb/IIIa (plus grande efficacité dans les IDM vus tôt et nécessitant un transfert). Enfin, le sur-risque hémorragique (sujet âgé/faible poids) du prasugrel n’est pas à la phase aiguë, en particulier pour les infarctus. À chacun de se faire son idée ! Mais une page s’est vraiment tournée dans la prise en charge du STEMI par angioplastie primaire avec la démonstration d’une réduction de mortalité ! Le SAMU a un vrai rôle à jouer (figure).

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