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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 04 mai 2010Lecture 6 min

Une rythmologie toujours dominée par la FA

M. GUENOUN, Clinique Bouchard, Marseille

L’actualité de l’ACC 2010 en rythmologie a été dominée, comme toujours, par la fibrillation atriale :
- la prise en charge rythmique avec un challenge traitement médical contre ablation et le contrôle de la fréquence ventriculaire revisité,
- la prévention des complications thromboemboliques et l’émergence des nouveaux antithrombotiques.

Ablation versus antiarythmiques L’étude STOP-AF évalue l’efficacité et la sécurité d’emploi de la cryoablation par un cathéter à double ballon réfrigérant proposé par Medtronic, dans le traitement de la fibrillation atriale (FA) comparativement au traitement médical. L’étude a recruté 245 patients, avec une randomisation 2/1 en faveur de l’ablation, ayant présenté au moins 2 épisodes de FA paroxystique rebelle au traitement antiarythmique. Il s’agissait de patients jeunes (57 ans) avec peu de comorbidités (CHADS2 : 0,6) (figure 1). L’ablation a comporté l’isolation d’au moins 3 veines pulmonaires chez plus de 98 % des patients lors d’une procédure de 371 min (ablation : 65 min, fluoro : 63 min). À un an, les résultats de la cryoablation sont très nettement supérieurs à ceux du traitement pharmacologique avec un taux de succès de 69,9 % vs 7,30 % (p < 0,001). Seuls 26 % des patients ablatés conservent un traitement antiarythmique et 24 % des AVK. La réduction des symptômes est très significative dans ce groupe, concernant les palpitations la dyspnée ou la fatigue. Le taux de complications de la procédure est de 6,3 % avec 1 tamponnade, 3 hémorragies et surtout 22 paralysies phréniques, dont 4 persistantes, et 5 sténoses des veines pulmonaires. Au total, il n’est pas noté de différence significative quant à l’ensemble des complications des deux stratégies : cryoablation 12,3 % vs 14,6 % pour le traitement médical. Figure 1. Analyse selon l’efficacité primaire. Les auteurs concluent que la cryoablation est efficace dans cette population de FA paroxystique rebelle au traitement antiarythmique, au prix de rares sténoses des veines pulmonaires et paralysies phréniques. CABANA PILOT STUDY est l’étude préliminaire d’un projet ayant un objectif ambitieux : 3 000 patients pour déterminer le délai sans récidive de FA après ablation, mais surtout quels sont la qualité de vie, la morbi-mortalité et le coût de cette stratégie ? Sous l’égide de la fondation Saint Jude, 60 patients âgés de plus de 65 ans ou avec > 1 facteur de risque et une FA paroxystique ou persistante ont été randomisés pour l’ablation vs un traitement antiarythmique (AAR) dans ce travail préliminaire (figure 2). Sur le critère primaire composite, mortalité, hospitalisation, AVC… à 6 mois on dénombre 52 % d’événements dans le groupe AAR vs 24 % dans le groupe ablation ; 41 % des patients du groupe AAR n’ont pas fait de récidive documentée de FA vs 65 % dans le groupe ablation. Mais les événements sont plus importants à distance dans le groupe ablation, avec à 1 an 72 % de récidive dans le groupe AAR vs 66 % dans le groupe ablation (p = 0,26). Figure 2. Etude pilote CABANA. Récidives de FA/flutter/tachysystolie. La conclusion des auteurs est mitigée, dans l’attente de l’étude princeps : si l’ablation s’est avérée plus efficace pour prévenir les récidives symptomatiques, les récidives tardives de FA, essentiellement dans les formes persistantes, pourraient limiter l’intérêt de l’ablation aux patients souffrant de FA paroxystique. Il nous faut donc attendre les résultats sur 3 000 patients pour mieux cerner les indications de l’ablation. Quel contrôle de fréquence ventriculaire dans la FA ? Après que les études AFFIRM et RACE ont montré l’équivalence des deux stratégies dans la FA, réduire ou ralentir, une question restait posée : comment ralentir et jusqu’où ? En effet, nous ne disposons que des guidelines ACC/AHA/ESC 2006 pour recommander une fréquence ventriculaire cible de 60 à 80 bpm au repos et 90 à 115 bpm à l’effort modéré, recommandation basée sur un consensus d’experts. RACE II Cette étude s’est proposée de vérifier la non-infériorité d’une stratégie de contrôle « souple » de la fréquence vs un contrôle strict FC < 80 bpm au repos et < 110 bpm à l’effort modéré, contrôlée par Holter. Sur le critère primaire, (mortalité, hospitalisation, AVC, etc.), le contrôle « souple » (311 pts) n’est pas inférieur en termes d’événements (12,9 % vs 14,9 %) au contrôle strict (303 pts). Par contre, la fréquence cardiaque cible n’est atteinte que dans 67 % pour un contrôle strict au prix de 2,3 consultations vs dans 98 % pour un contrôle « souple » avec 0,2 consultations. Cela souligne la difficulté de maîtriser strictement en pratique la fréquence ventriculaire en FA, avec l’utilisation dans 69 % d’une association bradycardisante vs 30 % (figure 3). On aurait donc pu s’attendre à un effet iatrogène plus important dans le groupe strict, mais on n’observe pas de différence concernant les syncopes, les pacemakers ou les effets secondaires des bradycardisants, mais davantage d’AVC (3,9 % vs 1,6 %) et une surmortalité cardiovasculaire (3,9 % vs 2,9 %). Un seul sous-groupe bénéficie d’un contrôle strict, les patients présentant un score CHADS2 < 2 avec 9,6 % événements vs 12,4 % (p < 0,02), alors que les patients à haut risque CHADS2 > 2 paient un lourd tribut au contrôle strict (25 % d’événements vs 13,6 % pour un contrôle « souple », p < 0,001) (figure 4). Les auteurs concluent qu’il n’est pas souhaitable d’aller trop loin dans le contrôle de la fréquence ventriculaire en FA, le mieux serait l’ennemi du bien… Figure 3. A. Consultations (prévues et imprévues). Monitoring à distance. B. RACE II. Incidence cumulée des événements du critère principal. Figure 4. Critères fatals et non fatals. Les nouveaux antithrombotiques EXPLORE Xa : le betrixaban pointe le nez. Cet anti-Xa de demi-vie longue, actif per os en une prise par jour, a été testé dans une étude de phase 2 selon 3 posologies différentes de 40, 60 et 80 mg/j. Les 3 doses ont été bien tolérées, avec des saignements comparables pour les posologies 60 et 80 mg à ceux sous AVK. Une voie qui semble intéressante est l’effet dose-dépendant sur la baisse des D-dimères observé dans l’étude. Après l’étude RELY, quid du dabigatran autour de la cardioversion ? Après 3 semaines d’anticoagulation (1 257 patients), le taux de succès après CEE est le même, 90 %, dans les trois groupes DABI 110, DABI 150 et warfarine, de même que le taux de saignements et d’AVC. Connect people Faut-il encore démontrer l’intérêt de la télécardiologie dans la surveillance à distance des dispositifs implantables ? Près de 2 000 patients ont été enrôlés pour évaluer la réduction du délai d’intervention après un événement clinique, comparativement à un suivi conventionnel en consultation. Ce délai est de 4,6 jours dans le groupe télécardiologie vs 22 jours pour le suivi conventionnel. Le nombre de consultations est réduit 3,92 vs 6,27, de même que les durées d’hospitalisation de 18 %. Mais le taux d’hospitalisations et de visites non prévues n’est pas diminué. La place de la télécardiologie et son cahier des charges restent donc à définir… En pratique La fin promise des AVK dans la FA approche et on attend l’étude « ROCKETT » cet été à l’ESC et la mise sur le marché des nouveaux agents antithrombotiques pour sonner le glas de la surveillance des INR. Pour tous les patients ? Cette question reste posée. L’ablation de la FA pour tous ? Sans doute pas, mais plutôt un partage annoncé des indications entre stratégie interventionnelle pour les patients jeunes avec FA paroxystique, et une approche médicamenteuse pour les patients plus âgés, avec davantage de comorbidités. Pour ces derniers, le bénéfice d’une stratégie de contrôle de la fréquence ventriculaire, à condition qu’elle ne soit pas trop stricte ou d’un contrôle du rythme pour peu que le traitement offre un bénéfice en termes de morbi-mortalité ne se dément pas. Rappelons que l’ablation a tout à prouver en la matière dans l’attente de l’étude CABANA à venir. En tout cas nous assistons à une évolution majeure dans la prise en charge de la fibrillation atriale et l’ACC 2010 ne nous a pas déçus !

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