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Coronaires

Publié le 06 mai 2008Lecture 8 min

Traitement antiplaquettaire oral au long cours après un syndrome coronarien aigu : des essais cliniques à la pratique

J.-P. BASSAND, CHU Jean Minjoz, Besançon

Dans le syndrome coronarien aigu (SCA), qu’il soit avec ou sans sus-décalage du segment ST, les options thérapeutique sont virtuellement les mêmes : on aura besoin d’un traitement anti-ischémique, d’antiplaquettaires oraux, d’antiplaquettaires utilisables par voie veineuse, et d’anticoagulants. Selon les circonstances et le type de SCA, une reperfusion immédiate ou une revascularisation secondaire sera nécessaire. La cinquième phase thérapeutique concerne la prévention secondaire, identique dans les deux types de SCA. Le but de cet article est de passer en revue les éléments de preuve dans le traitement antiplaquettaire oral administré au long cours.

Pronostic des SCA : rappel La mortalité initiale au cours de la phase hospitalière est beaucoup plus élevée dans les SCA avec sus-décalage du segment ST par rapport aux SCA sans sus-décalage du segment ST. Toutefois, à un an, la mortalité est identique car le taux d’événement après la phase initiale est plus élevé dans les SCA sans sus-décalage du segment ST. Cela revient à dire que la prévention secondaire doit être particulièrement agressive dans ce type de syndrome coronarien. Dans ce contexte, le traitement antiplaquettaire combinant aspirine et clopidogrel a démontré son efficacité, non seulement à la phase aiguë mais à long terme.   SCA avec sus-décalage du segment ST Dans cette indication, l’aspirine a réduit la mortalité à J30 et à long terme dans l’essai ISIS-2(1). Plus récemment, le traitement antiplaquettaire associant aspirine-clopidogrel a conduit à un bénéfice supplémentaire par rapport à l’aspirine seule, démontré dans deux essais de grande taille qui totalisent plus de 50 000 patients(2, 3). Ces deux essais ont fait apparaître un bénéfice sur la perméabilité de l’artère responsable de l’infarctus, mais également sur la réduction de mortalité et morbidité sans excès de saignement. Dans CLARITY, chez plus de 3 400 patients soumis à traitement thrombolytique, le traitement combiné aspirine-clopidogrel a conduit à une réduction de 36 % de l’objectif composite primaire (décès, infarctus ou artère responsable de l’infarctus occluse à l’angiographie réalisée quelques jours après la thrombolyse)(2). Le bénéfice a été obtenu sans excès de complications hémorragiques. Dans COMMIT-CCS 2, une réduction significative de mortalité a été obtenue, que les patients aient été soumis ou non à reperfusion(3). Là encore, aucun excès de complications hémorragiques n’a été observé. Dès lors, le traitement combiné aspirine-clopidogrel devient le traitement antiplaquettaire standard dans l’infarctus du myocarde (IDM), quelle que soit la prise en charge initiale, angioplastie primaire (puisque de toute façon, un stent est mis en place dans la plupart des cas), traitement thrombolytique ou non-reperfusion. La seule question résiduelle est de déterminer la durée de traitement qui devrait en principe être limitée à 30 jours, compte tenu de la durée de traitement dans les deux essais mentionnés. En fait, des données de registre montrent que le maintien au long cours du traitement combiné permet de réduire de façon significative la mortalité par rapport aux patients qui n’ont reçu que de l’aspirine, que les patients aient été reperfusés ou non, et qu’ils aient reçu un traitement thrombolytique ou une angioplastie primaire(4). Récemment, il a été montré, au sein d’une population de plus que 3 100 patients, que l’interruption du clopidogrel après un IDM s’accompagnait d’un excès de mortalité et de récidive d’IDM dans les 90 jours suivant l’interruption du produit(5). Au total, ces deux informations venant du registre allemand ou de la publication la plus récente sur le sujet, encouragent à garder la thérapeutique combinée au long cours après SCA avec sus-décalage du segment ST. Il est intéressant de noter que les recommandations de l’ACC-AHA, récemment publiées(6), ont déjà incorporé ces données, puisqu’elles indiquent au chapitre thiénopyridine, que le clopidogrel doit être donné dans l’IDM, quel que soit le type de reperfusion, ou même en l’absence de reperfusion. Une dose de charge de 300 mg est recommandée (I-A) chez les sujets < 75 ans soumis à traitement thrombolytique (IIa-C). De plus, un traitement au long cours d’un an est également recommandé, que le patient ait été revascularisé ou non (IIa-C). SCA sans sus-décalage du segment ST Depuis la publication de CURE(7), le traitement combiné aspirine-clopidogrel est devenu le traitement standard des SCA sans sus-décalage du segment ST. Dans cet essai, un bénéfice de 20 % a été obtenu sur l’objectif composite, au prix de complications hémorragiques significativement plus fréquentes avec le traitement combiné, mais sans majoration des complications hémorragiques à caractère potentiellement létal. Il est important de rappeler l’importance de la dose d’aspirine. Une analyse post-hoc de CURE a montré une relation dose-effet pour les complications hémorragiques, mais pas pour l’efficacité du traitement. Dans CURE, une dose d’aspirine ≤ 100 mg a donné les mêmes résultats que les doses plus élevées, mais avec moins de complications hémorragiques. La recommandation est désormais d’associer le clopidogrel à la dose de 75 mg et l’aspirine aux doses de 75 à 100 mg maximum. De nombreuses questions demeurent non résolues concernant l’utilisation du clopidogrel dans les SCA sans sus-décalage du segment ST. Le clopidogrel doit-il être ajouté à l’aspirine chez les patients à haut risque seulement, ou prescrit à tous les patients ? La réponse à cette question est claire et provient d’une analyse post-hoc de CURE(8) dans laquelle le bénéfice du clopidogrel est apparu, quel que soit le niveau de risque déterminé par le TIMI risk score. Quand administrer le clopidogrel ? Voilà encore une question souvent débattue. Il a été montré dans CURE que le bénéfice est obtenu quelques heures seulement après l’administration du clopidogrel et que cette différence est hautement significative à la 24e heure, même si elle demeure numériquement peu importante. En outre, on recommande d’administrer le clopidogrel dès que la suspicion de SCA sans sus-décalage du segment ST est établie, attitude qui confère l’avantage du prétraitement chez les patients qui seront secondairement soumis à angiographie et angioplastie. De plus, des données provenant du registre CRUSADE tendent à montrer que, chez des patients soumis à administration précoce de clopidogrel, dans les premières 24 heures, une réduction de 32 % du taux de décès à 30 jours est observée par rapport aux patients chez lesquels le clopidogrel a été administré au moment de l’angioplastie, de façon différée (données non publiées). La durée de prescription du clopidogrel demeure également discutée. En effet, il a été montré encore à la suite d’une étude post-hoc de CURE(9) que le bénéfice au-delà du troisième mois suivant la prescription de clopidogrel est relativement modeste, alors que le risque hémorragique demeure présent. C’est la raison pour laquelle certains recommandent d’interrompre le clopidogrel au troisième mois. En fait, dans CURE(10), 1 100 patients environ ont retiré leur consentement à la participation à l’étude, et ont interrompu le traitement en moyenne 3 mois après son instauration. L’étude de cette population montre que le bénéfice initialement observé au 3e mois est suivi d’une disparition graduelle dans les 9 mois qui suivent (données non publiées). Cette observation tend à confirmer les observations de Ho et coll(5). Interruption des antiplaquettaires oraux Cinq pour cent des patients admis pour SCA en unité de soins intensifs coronariens ont interrompu leur traitement antiplaquettaire oral dans les 11 jours en moyenne précédant la survenue du SCA. Le plus souvent, cette interruption était nécessitée par une chirurgie programmée – interruption en fait non indispensable, car le plus souvent liée à un acte chirurgical mineur(11). Les malades souffrant de SCA dans cette publication ont eu une évolution à 30 jours plus sévère que les autres patients avec, en particulier, un taux de décès et de complications hémorragiques plus élevé. Dans cette étude observationnelle, l’augmentation de risque induite par une interruption des antiplaquettaires oraux était de l’ordre de deux. Les recommandations de prise en charge des SCA sans sus-décalage du segment ST de la Société européenne de cardiologie récemment publiées(12) sont dans cet esprit très claires : - l’aspirine et le clopidogrel sont recommandés à la phase initiale des SCA sans sus-décalage du segment ST (160 à 325 mg en dose de charge pour l’aspirine (1-A), et 300 mg en dose de charge pour le clopidogrel (1-A). Il est recommandé de maintenir l’aspirine à long terme. Le clopidogrel doit être maintenu au moins 12 mois (1-A) ; - pour les patients ayant une contre-indication à l’aspirine, le clopidogrel doit être administré au long cours (1-B).   Impact de la mise en application des recommandations L’analyse des registres et des enquêtes, en particulier Euro Heart Survey, montre qu’au fil du temps, la prise en charge des SCA s’est améliorée en Europe, avec une augmentation du taux de prescription des traitements formellement recommandés, quel que soit le traitement considéré, particulièrement net pour les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les statines et le clopidogrel, mais également pour l’aspirine et les bêtabloquants. Cela est vrai pour la phase hospitalière et pour le traitement au long cours. Dans cet esprit, il a été montré que l’adhérence aux recommandations permet d’améliorer de façon significative le pronostic des patients avec une réduction de 45 % du taux de mortalité pour la période 2001-2002 par rapport à la période 1997-1998. Ce type d’information a été observé dans tous les registres et toutes les enquêtes. Dès que les recommandations de prise en charge sont mises en application, le pronostic des patients est amélioré avec réduction significative de la mortalité. C’est vrai pour Euro Heart Survey, mais également pour le registre GRACE, les registres allemands et suédois, ainsi que pour CRUSADE aux États-Unis. On a pu également montrer que le pronostic était d’autant plus amélioré par la prévention secondaire que le nombre de médicaments administrés au long cours se rapprochait de la prescription « idéale ». Les patients prenant les quatre classes pharmacologiques indispensables après SCA avaient une survie à un an considérablement améliorée (réduction de 3 à 5 fois du taux de mortalité par rapport aux patients qui n’ont aucune de ces drogues, une seulement, 2 ou 3). Il s’agit donc d’un plaidoyer très ferme en ce qui concerne l’adhérence aux recommandations. À ce titre la prescription d’antiplaquettaires oraux est absolument déterminante pour l’avenir des patients : aspirine à vie, clopidogrel pour un an. Les registres permettent également de déterminer la part de chacun des médicaments dans cette amélioration du pronostic.   En pratique   Le rapport risque/bénéfice du traitement antiplaquettaire combiné associant aspirine et clopidogrel dans l’infarctus avec sus-décalage du segment ST est excellent à un mois et à un an, de même pour les SCA sans sus-décalage du segment ST. Le rapport risque/bénéfice au-delà d’un an est inconnu. L’interruption prématurée du traitement antiplaquettaire combiné, même chez les sujets qui n’ont pas été soumis à revascularisation, s’accompagne d’un phénomène de rebond et d’un excès de mortalité pendant les 3 premiers mois suivant l’interruption. Pour mémoire, dans le contexte de l’angioplastie et de l’utilisation des stents actifs, un traitement antiplaquettaire combiné est indispensable pendant un an et peut-être pour une période plus prolongée.

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