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Coronaires

Publié le 25 nov 2008Lecture 9 min

Syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du segment ST : que disent les recommandations et comment sont-elles appliquées ?

F. DIEVART, Dunkerque

Conséquence de l’évolution des données validées de la science dans un domaine où les essais cliniques sont nombreux, depuis le début des années 1990, les principales recommandations pour la prise en charge des syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du segment ST sont actualisées tous les 3 à 5 ans. En parallèle, des registres permettent de connaître les modalités de prise en charge des patients ayant un syndrome coronaire aigu (SCA). Ces registres montrent que les recommandations sont en général correctement suivies mais que nos pratiques peuvent encore être améliorées. Dans cet article, l’exemple de la prescription des antiagrégants plaquettaires, et notamment du clopidogrel, dans cette situation clinique, sera choisi pour illustrer ces propos.

Validation du bénéfice d’un traitement antiagrégant plaquettaire Plusieurs essais cliniques pertinents ont démontré que quelques antiagrégants plaquettaires peuvent améliorer le pronostic à court et à long terme de patients ayant eu un SCA. Le bénéfice de l’aspirine a ainsi été affirmé dans la prise en charge précoce des SCA sans sus-décalage du segment ST dans au moins trois essais cliniques conduits contre placebo (publiés en 1988, 1989 et 1993) et par au moins une métaanalyse (publiée en 2002). Ce bénéfice s’exprime par une réduction de moitié du risque de décès et d’infarctus du myocarde (IDM) à 30 jours et de près d’un quart à 2 ans. Le bénéfice du clopidogrel chez les patients hospitalisés pour un SCA sans sus-décalage du segment ST, a été affirmé en 2001 par l’étude CURE, conduite contre placebo, chez 12 562 patients recevant tous de l’aspirine. Le bénéfice du clopidogrel s’exprime donc en supplément de celui de l’aspirine, dès la phase précoce et avec une durée moyenne de suivi de 9 mois, et ce, que le patient ait eu, ou non, une angioplastie coronaire. Dans l’étude CAPRIE publiée en 1996, le clopidogrel a été évalué comparativement à l’aspirine en prévention cardiovasculaire secondaire, chez des patients stables. Cette étude a montré la supériorité du clopidogrel pour réduire le risque d’événements cardiovasculaires majeurs et a fourni la preuve du bénéfice clinique apporté par le clopidogrel à long terme. En phase aiguë, une dose de charge de clopidogrel est généralement utilisée pour obtenir une inhibition plus rapide de l’agrégation plaquettaire et plusieurs essais (dont l’étude CURE) ont montré l’utilité d’une dose de charge de 300 mg. Des essais de taille plus modeste ont eu tendance à montrer que la dose de charge de 600 mg serait plus efficace que celle de 300 mg chez les patients ayant une angioplastie coronaire. Les anti-GpIIb/IIIa ont été évalués dans de nombreux essais cliniques et plusieurs métaanalyses ont été publiées, indiquant que le bénéfice clinique de ces traitements est fonction du fait que le patient aura une stratégie de prise en charge conservatrice ou invasive et sera ou non à haut risque. Une métaanalyse de 6 essais ayant évalué des anti-GpIIb/IIIa et ayant inclus 31 402 patients, non soumis de principe à une stratégie invasive, a montré un bénéfice modeste mais réel de ce groupe pharmacologique (avec une réduction de 9 % en valeur relative du risque de décès et d’IDM à 30 jours). L’effet bénéfique du traitement a surtout été mis en évidence chez les patients à plus haut risque (ceux ayant une élévation de la troponine et un sous-décalage du segment ST). Ces molécules ont été évaluées avant la validation puis l’utilisation large du clopidogrel. Une des questions aujourd’hui posée est de savoir si le bénéfice initial constaté reste reproductible chez les patients traités par clopidogrel. L’étude ISAR REACT 2 (publiée en 2006), conduite chez 2 022 patients ayant tous eu une dose de charge de 600 mg de clopidogrel au moins deux heures avant une angioplastie coronaire, a montré que le bénéfice d’un anti-GpIIb/IIIa est surtout mis en évidence chez les patients ayant une élévation de la troponine.   Les recommandations concernant les antiagrégants plaquettaires En 2007, la Société Européenne de Cardiologie a publié des recommandations pour la prise en charge des patients ayant un SCA sans sus-décalage du segment ST. En parallèle, l’American Heart Association et l’American College of Cardiology publiaient un texte conjoint sur le même thème. Ces deux textes sont les plus récents disponibles et leur longueur ne permet pas d’en rendre compte en quelques lignes. Ces textes constituent une actualisation des recommandations précédentes toutes deux parues en 2002. À noter qu’à l’issue de l’étude CURE, les recommandations antérieures nord-américaines avaient été mises à jour en ligne sur Internet pour recommander la prescription de clopidogrel dans les SCA, donc dès 2001. Les stratégies proposées dans ces deux textes, l’Européen et le Nord-Américain, relèvent d’une même approche globale, ne se différenciant que sur certains points. Ces recommandations indiquent les modalités diagnostiques, la nécessité de stratifier le risque afin de guider la thérapeutique, les modalités de la prise en charge hospitalière initiale et les suites de l’hospitalisation. Elles insistent toutes les deux sur la nécessité d’une stratification précoce du risque afin de guider la démarche thérapeutique, notamment le recours à une angioplastie potentielle précoce et aux anti-GpIIb/IIIa. Les principales recommandations européennes concernant l’utilisation des antiagrégants plaquettaires sont les suivantes : • l’aspirine est recommandée chez tous les patients ayant un angor instable et n’ayant pas de contre-indication, à une posologie initiale de 160 à 325 mg (I-A) et à une posologie de maintien de 75 à 100 mg au long cours (I-A). Cette recommandation est identique dans les recommandations nord-américaines ; • chez tous les patients, une dose de charge immédiate de 300 mg de clopidogrel est recommandée, suivie d’une dose de 75 mg/j (I-A). Le clopidogrel doit être maintenu 12 mois tant qu’il n’y a pas de risque hémorragique excessif (I-A). Concernant la durée de la double association d’antiagrégants plaquettaires, les Américains proposent la formule suivante : « administrées pendant au moins 1 mois (I-A) et, idéalement, jusqu’à 1 an (I-B) » ; • chez tous les patients ayant une contre-indication à l’aspirine, le clopidogrel doit être donné à la place (I-B). Pour les Américains, le niveau de preuve est A pour cette même recommandation ; • chez les patients pour lesquels une procédure invasive est envisagée, une dose de charge de 600 mg de clopidogrel peut être utilisée pour obtenir une inhibition plus rapide des fonctions plaquettaires (IIa-B) ; • chez les patients recevant déjà du clopidogrel qui justifient d’une chirurgie de pontage coronaire, la chirurgie doit être retardée de 5 jours après l’arrêt du clopidogrel si cela est cliniquement possible (IIa-C) ; • chez les patients à risque intermédiaire ou élevé, particulièrement les patients ayant une élévation des troponines, un sous-décalage du segment ST ou un diabète, soit de l’eptifibatide, soit du tirofiban comme traitement initial sont recommandés en plus du traitement antiagrégant par voie orale (IIa-A). Sur ce point, les recommandations américaines sont concordantes et recommandent les deux mêmes anti-GpIIb-IIIa plutôt que l’abciximab (I-B) ; • le choix de l’association des antiagrégants et des anticoagulants doit être fait en évaluant le risque ischémique et hémorragique (I-B) ; • les patients recevant de l’eptifibatide ou du tirofiban avant une angiographie, doivent être maintenus sous les mêmes traitements pendant et après angioplastie (IIa-B) ; • chez les patients à haut risque, non traités préalablement par des anti-GpIIb-IIIa, et ayant une angioplastie coronaire, l’abciximab est recommandé immédiatement après la procédure (I-A). L’utilisation de l’eptifibatide ou du tirofiban dans cette situation est moins bien établie (IIa-B) ; • les antiGpIIb-IIIa doivent être associés à un anticoagulant (I-A) ; • la bivalirudine peut être utilisée comme alternative aux anti-GpIIb-IIIa, associés à de l’héparine non fractionnée ou des HBPM (IIa-B) ; • quand l’anatomie coronaire est connue et qu’une angioplastie coronaire est programmée moins de 24 heures après, avec des anti-GpIIb-IIIa, il y a moins de données concernant la sécurité d’utilisation de l’abciximab (IIa-B). Les recommandations américaines ajoutent par ailleurs que, dans l’angor instable, chez les patients ayant un antécédent d’hémorragie digestive, quand l’aspirine et le clopidogrel sont administrés seuls ou en association, des molécules permettant de réduire le risque d’hémorragie digestive (par exemple, les inhibiteurs de la pompe à proton) doivent être prescrites concomitamment (I-B). Les traitements antiagrégants plaquettaires proposés à la sortie du milieu hospitalier dépendent, pour les Nord-Américains, du fait qu’il y ait eu ou non une angioplastie coronaire, avec un stent actif ou non. Ainsi, ils proposent qu’à la sortie du milieu hospitalier : • chez les patients n’ayant pas eu d’angioplastie coronaire, de l’aspirine à une posologie comprise entre 75 et 162 mg/j soit prescrite indéfiniment (I, A) et que du clopidogrel à 75 mg/j soit prescrit pour au moins 1 mois (I, A) et idéalement pendant 1 an (I, B) ; • chez les patients ayant eu une angioplastie coronaire avec un stent non actif, de l’aspirine à une posologie comprise entre 162 et 325 mg/j soit prescrite pendant au moins 1 mois, puis relayée par une posologie de 75 à 162 mg/j indéfiniment (I, A) ainsi que du clopidogrel à 75 mg/j soit prescrit pour au moins 1 mois (I, A) et idéalement pendant 1 an (I, B) ; • chez les patients ayant eu une angioplastie coronaire avec un stent actif, de l’aspirine à une posologie comprise entre 162 et 325 mg/j soit prescrite pendant 3 à 6 mois, puis relayée par une posologie de 75 à 162 mg/j indéfiniment (I, A) ainsi que du clopidogrel à 75 mg/j soit prescrit pendant au moins 1 an (I, B).   Les registres évaluant l’utilisation des antiagrégants plaquettaires De nombreux registres de patients hospitalisés ou ayant été hospitalisés pour un SCA, sont régulièrement conduits de par le monde. Aux États-Unis, deux grands registres voient leurs données régulièrement actualisées et publiées, les registres NRMI et CRUSADE. En Europe, il en est de même du registre Euro Heart Survey on acute coronary syndromes et, dans le monde, du registre GRACE. Ces registres renseignent sur plusieurs éléments et notamment sur : • l’adéquation entre les prescriptions et les recommandations (indicateurs de qualité des soins) ; • les variables corrélées aux écarts éventuels entre les prescriptions et les recommandations (donc sur les paramètres influençant la prescription, fournissant des renseignements sur les actions à mener pour améliorer la pratique) ; • les corrélations entre les traitements prescrits à diverses périodes de l’histoire clinique et le pronostic. Considérant les thérapeutiques, trois indicateurs sont, en général, analysés dans les registres : • le traitement initial, c'est-à-dire celui prescrit en soins intensifs ; • le traitement prescrit à la sortie du milieu hospitalier ; • le traitement persistant après une certaine durée après la sortie du milieu hospitalier. En prenant l’exemple du clopidogrel et/ou de l’association de clopidogrel et d’aspirine ces différents registres ont montré que, tant en phase aiguë qu’en phase chronique, post-hospitalière, la prescription n’est pas optimale et peut être améliorée. Ainsi, par exemple, en prenant en compte les patients ayant eu un SCA sans sus-décalage du segment ST : • dans un registre national canadien, le taux de patients recevant du clopidogrel à la sortie des soins intensifs coronaires était de 56,4 % en 2005, de 58,4 % en 2006 et de 63,4 % en 2007 ; • dans le registre nord américain CRUSADE ayant inclus 29 825 patients en 2006, parmi les patients à bas risque, le taux d’utilisation du clopidogrel était de 64 % alors que, paradoxalement, chez les patients à haut risque ce taux était de 52 %. • le registre européen, Euro Heart Survey on acute coronary syndromes, a comparé les prescriptions de 5 367 patients hospitalisés en 2000 et de 3 063 patients hospitalisés en 2004. Il a montré que, pendant la phase hospitalière, le taux de prescription d’aspirine était de 88,5 % en 2000 et de 94,5 % en 2004, celui de clopidogrel (ou ticlopidine) était de 27,6 % en 2000 (avant les résultats de l’étude CURE, ce taux de prescription pouvait s’expliquer par le recours à une angioplastie coronaire avec stent) et de 67,4 % en 2004 (soit 3 ans après les résultats de l’étude CURE). À la sortie du milieu hospitalier, le taux de prescription de clopidogrel (ou de ticlopidine) était de 24 % en 2000 et de 59 % en 2004 ; • enfin, un registre français, dénommé S-Témoin, a permis d’enrôler en 2006, 2 433 patients revus en consultation de cardiologie 2 à 12 mois après un SCA. Ce travail a montré que 97,7 % des patients recevaient un antiagrégant plaquettaire lors du suivi, et 73,9 % en moyenne recevaient une bithérapie antiagrégante plaquettaire. Entre le 9e et le 12e mois de suivi, le taux de prescription de bithérapie diminuait de 23 %, passant en moyenne de 82,3 à 59,4 % alors que les taux de prescription des autres traitements demeuraient constants.   En pratique   Des essais cliniques pertinents ont démontré que quelques antiagrégants plaquettaires, notamment l’aspirine et le clopidogrel, améliorent le pronostic précoce et à long terme de patients hospitalisés pour un SCA sans sus-décalage du segment ST. Depuis 2002, les principales recommandations pour la prise en charge de cette pathologie proposent que ces deux antiagrégants plaquettaires soient administrés à ces patients, précocement et en général pendant 1 an. Les registres de pratique montrent que la prescription des traitements validés n’est pas encore optimale lorsqu’il est envisagé qu’au moins 90 % des patients pris en charge pour un SCA sans sus-décalage du segment ST devraient recevoir du clopidogrel (en excluant les contre-indications et les situations cliniques où la balance bénéfice/risque n’est pas parfaitement établie et où le médecin peut juger que la prescription n’est pas justifiée).

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