Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 16 mar 2004Lecture 3 min
Syncope chez une femme porteuse d'un stimulateur cardiaque : un diagnostic à ne pas manquer
J.-P. CAMOUS et F. RAYBAUD, CHU Pasteur, Nice
Les syncopes chez les patients porteurs d’un stimulateur cardiaque ne sont pas rares et doivent retenir toute l’attention du cardiologue, car certaines sont d’origine curable. Le diagnostic est dans certains cas difficile, voire impossible à établir, mais parfois une manœuvre simple permet de l’approcher, comme cela a été fait dans l’observation présentée.
Observation
• Madame Ber. est en parfait état général malgré ses 91 ans et mènerait une vie tout à fait normale si elle ne présentait, depuis un an, des syncopes traumatisantes, récidivantes, sans qu’aucune étiologie précise n’ait été retenue malgré de nombreux examens cliniques et paracliniques cardiologiques et neurologiques.
• Dans ses antécédents, on note la mise en place d’un stimulateur cardiaque (Medtronic Legend II, monochambre ventriculaire VVI) en 1993 pour des chutes dues à des pertes de connaissance. L’ECG montrait alors un BBG que l’on retrouve actuellement (figure 1). Les symptômes avaient alors disparu pendant de nombreuses années ce qui, a posteriori, semble montrer la pertinence du traitement effectué.
Figure 1. ECG de base objectivant un BBG et des troubles primo-secondaires de la repolarisation.
• La patiente présente par ailleurs une HTA à prédominance systolique, contrôlée de manière assez satisfaisante par un IEC prescrit à faible dose (150/65).
• Les syncopes sont réapparues depuis un an. Elles surviennent sans horaire particulier, en position debout. En position assise, seules des lipothymies sont ressenties. Il n’existe pas d’hypotension orthostatique. En effet, la patiente reste debout immobile pendant une dizaine de minutes sans modification significative de la pression artérielle ou de la fréquence cardiaque. Le stimulateur fonctionne encore bien malgré son ancienneté comme en atteste le test à l’aimant (figure 2).
Figure 2. Test à l’aimant montrant le fonctionnement correct du stimulateur VVI. L’application de l’aimant déclenche 3 stimulus à 100 c/min puis l’appareil stimule en asynchrone à la fréquence préréglée. On voit clairement en II et III la conduction rétrograde ventriculo-auriculaire (2e à 4e QRS électro-entraînés). Le sinus reprend ensuite la commande du rythme cardiaque.
Quelle manœuvre manque-t-il à l’examen et quel diagnostic clinique doit être évoqué ?
En position debout, un effleurement du sinus carotidien provoque un ralentissement de la fréquence cardiaque avec déclenchement du stimulateur cardiaque, entraînement ventriculaire et conduction rétrograde (figure 3). La patiente ressent un malaise intense avec effondrement de la pression artérielle et disparition du pouls. Il faut la coucher très rapidement. Il s’agit donc d’un syndrome du pacemaker plus ou moins intriqué à une hyperreflexivité sino-carotidienne.
Figure 3. Massage sino-carotidien droit. Un effleurement du sinus carotidien droit (MSCD), en ralentissant la fréquence sinusale, déclenche le stimulateur cardiaque avec QRS électro-entraînés et onde P rétrogrades. La fin de l’enregistrement est parasité par les mouvements anormaux provoqués par le malaise.
Le syndrome du pacemaker aurait pu être suspecté sur le test à l’aimant (figure 2) qui montre clairement une conduction rétrograde. Cependant, comme le nœud sinusal fonctionne de manière satisfaisante, l’hypotension entraîne une accélération du rythme sinusal (après le 4e QRS électro-entraîné), empêchant le syndrome du pacemaker de se manifester.
Les syncopes dont souffre la malade pourraient être expliquées par la mise en route du stimulateur cardiaque pendant la survenue de blocs paroxystiques ou après ralentissement du rythme sinusal lors de la mise en jeu d’un réflexe vagal.
Conclusion
Dans un premier temps, nous avons ralenti la fréquence d’échappement du stimulateur ce qui a grandement diminué les symptômes et nous nous proposons de mettre en place, secondairement, un stimulateur double chambre avec stimulation accélérée en réponse à une chute rapide de la fréquence spontanée. Un massage carotidien avec enregistrement simultané de la pression artérielle nous permettra alors de juger de la part revenant à la vasodépression dans la chute de la pression artérielle.
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