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Thérapeutique

Publié le 24 mai 2005Lecture 6 min

Reste-t-il des indications pour les filtres cave dans l'embolie pulmonaire ?

G. MEYER, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Formulé par A. Trousseau dès la fin du XIXe siècle, le concept d’interruption cave a été mis en pratique dès les années quarante. Après les premières interruptions par ligature — ou clip — réalisées par un abord direct de la veine cave inférieure, les filtres posés par un abord vasculaire cervical puis par simple ponction veineuse percutanée ont largement simplifié la procédure. On a alors assisté à une augmentation importante des indications et des poses de filtres, notamment en France et aux États-Unis. Tout le mérite de l’étude PREPIC (Prévention du Risque d’Embolie Pulmonaire par Interruption Cave), seule étude contrôlée au sein de l’océan de littérature consacrée aux filtres cave, est d’avoir permis de clarifier leurs indications.

Les résultats du suivi à long terme des malades inclus dans l’étude PREPIC confirment les résultats initiaux et indiquent qu’il n’y a pas de réel bénéfice de l’interruption cave dès que les anticoagulants ne sont pas contre-indiqués ; les complications veineuses secondaires équilibrent la réduction des embolies observée pendant les premiers mois. Les filtres temporaires pourraient répondre à cette limitation puisqu’ils peuvent être retirés après plusieurs semaines d’utilisation, mais leur évaluation est encore trop limitée pour pouvoir confirmer cette hypothèse.   Une littérature le plus souvent médiocre Dans une revue récente de la littérature consacrée à l’interruption de la veine cave inférieure, P. Girard retrouve une seule étude randomisée et contrôlée parmi 568 références comprenant un abstract, soit 0,02 %. Un tiers des articles portant sur l’interruption cave sont des séries rétrospectives et un deuxième tiers concerne des cas isolés ou des séries de moins de 10 malades. Seuls 7 % des articles rapportent des séries prospectives. Nous sommes donc bien loin de la médecine basée sur des preuves. En comparaison, la même analyse faite avec l’héparine retrouve 47 % d’études contrôlées !   Des résultats mal connus et des complications non exceptionnelles Si les complications liées à la pose du filtre semblent actuellement rares, la fréquence des embolies pulmonaires survenant malgré la présence d’un filtre varie de 2,6 à 6,2 % dans les séries prospectives les plus récentes. La fréquence des occlusions cave symptomatiques est estimée à 1,7 % dans une série de 599 malades suivis pendant 26 mois en moyenne après la pose d’un filtre de Greenfield. La proportion élevée de malades perdus de vue pendant l’étude, qui s’élève à 34 %, rend l’interprétation de ces résultats difficile et suggère une sous-estimation du phénomène. Dans une série prospective réalisée chez des malades porteurs d’un filtre de type LGM, une occlusion du filtre est diagnostiquée sur un examen systématique chez 30 % des malades après un suivi de 5 ans.   Une utilisation très variable d’un pays à l’autre Aux États-Unis, le nombre de filtres posés continue d’augmenter de façon importante. De l’ordre de 2000 en 1979, le chiffre était de 49 000 en 1999 alors que la prévalence de la maladie n’a pas augmenté de façon significative durant cette période. Parmi les malades hospitalisés pour embolie pulmonaire, la proportion de malades filtrés était de 0,7 % en 1979 et de 12 % en 1999 alors que pendant la même période, les anticoagulants ont vu leurs résultats s’améliorer grâce au développement des héparines de bas poids moléculaire. La même étude montre que la proportion de malades filtrés après une embolie pulmonaire varie quasiment du simple au double selon les régions des États-Unis. D’un pays à l’autre, les différences sont encore plus importantes avec un nombre de filtres de 140 par million d’habitants aux États-Unis, alors qu’il n’est que de 3 par million en Suède et de l’ordre de 60 par million en France pour des prévalences d’embolie pulmonaire relativement identiques dans ces trois pays. Ces grandes différences dans l’utilisation des filtres reflètent clairement l’absence de consensus sur leurs indications.   Quelques rares indications indiscutables   Chez un malade atteint de thrombose veineuse proximale, le risque d’embolie pulmonaire est de l’ordre de 20 % en l’absence de traitement anticoagulant. En présence d’une embolie pulmonaire, le risque de récidive est de l’ordre de 25 %. Les contre-indications aux anticoagulants semblent donc être des indications absolues à l’interruption cave dans ces deux circonstances. En revanche, le risque d’extension d’une thrombose distale est certainement < 25 % et le risque embolique vraisemblablement très faible, même en l’absence de traitement. Une thrombose distale ne constitue donc pas une indication à l’interruption cave en présence d’une contre-indication aux anticoagulants et ne nécessite qu’une surveillance rapprochée par échographies répétées. Chez les malades atteints d’embolie pulmonaire, les contre-indications absolues aux anticoagulants sont toutefois rares ; dans le registre ICOPER (International COoperative Pulmonary Embolism Registry), seuls 2 % des malades n’avaient pu recevoir d’anticoagulants. Les autres indications sont représentées par les hémorragies graves sous anticoagulants qui obligent à interrompre le traitement à la phase aiguë de la maladie thromboembolique et les récidives objectivement prouvées sous traitement adapté. Dans les études les plus récentes, ces deux événements sont rares : < 1,5 % de récidives et < 1,5 % d’hémorragies. Toutefois, ces chiffres sont vraisemblablement sous-estimés car ils proviennent d’études contrôlées dont les malades à risque hémorragique élevé sont habituellement exclus. Certaines populations ont effectivement un risque de récidive et de saignement plus élevé sous anticoagulant ; c’est notamment le cas des malades atteints de cancer, dont le risque de récidive et de saignement grave est trois fois plus élevé que celui des non cancéreux traités par anticoagulants oraux pour une maladie thromboembolique veineuse. Même avec une héparine de bas poids moléculaire administrée au long cours, les récidives et les hémorragies majeures sont encore de l’ordre de 7 %. L’indication des filtres dans ce type de population nécessite donc des études appropriées.   Résultats de l’étude PREPIC L’étude PREPIC est la seule étude contrôlée ayant évalué l’intérêt de l’association d’un filtre cave au traitement anticoagulant chez des malades atteints de thrombose veineuse proximale. Quatre cents malades ont été inclus dans cet essai ; 200 malades ont reçu un traitement anticoagulant associant une héparine et une antivitamine-K administrée pendant au moins 3 mois, l’autre groupe a reçu le même traitement anticoagulant ainsi qu’un filtre cave posé à l’inclusion. L’âge moyen était de 73 ans, 14 % des malades avaient un cancer et 40 % avaient une thrombose iliaque ou cave. Les résultats du suivi des malades à 8 ans est donné dans le tableau. S’il semble bien exister un bénéfice du filtre en termes d’embolies pulmonaires, les thromboses veineuses ont été plus fréquentes dans le groupe filtré si bien que la fréquence des récidives thromboemboliques n’était pas différente. Enfin, la mortalité était également identique. Le filtre semble donc épargner un certain nombre d’embolies pulmonaires, mais ce bénéfice initial paraît être annulé par les complications veineuses ultérieures. Même dans cette population à risque, le filtre ne réduit pas les récidives thromboemboliques observées sous simple traitement anticoagulant.   Qu’attendre des filtres temporaires ? Plusieurs filtres dits temporaires sont maintenant disponibles. Les premiers dispositifs de ce type étaient maintenus en place au moyen d’un cathéter à émergence cutanée qui imposait une durée de maintien réduite à une semaine. Un autre filtre, relié par un cathéter fin à un système de fixation sous-cutané, peut être laissé en place 6 semaines. Ce dispositif (Tempo Filter) a été évalué chez 66 malades qui avaient une maladie veineuse thromboembolique et une contre-indication aux anticoagulants. Aucune embolie pulmonaire n’a été observée mais le filtre était thrombosé chez 15 % des malades. D’autres filtres temporaires peuvent être simplement largués dans la veine cave inférieure et soit laissés en place en cas d’indication prolongée, soit retirés par voie endovasculaire. Leur évaluation est encore préliminaire. Ce type de matériel paraît particulièrement adapté aux contre-indications temporaires des anticoagulants. S’il tient ses promesses, il pourrait même être évalué en adjonction aux anticoagulants chez les malades dont le risque de récidive est particulièrement élevé.

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