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Thérapeutique

Publié le 21 juin 2005Lecture 14 min

Résistance aux antiplaquettaires oraux : une réalité biologique ! Quelles conséquences cliniques ?

J.-P. MONASSIER, hôpital Émile Muller, Mulhouse

Les deux classes d’antiplaquettaires utilisées en pratique quotidienne par voie orale — l’acide acétylsalicylique (aspirine) et les thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel) — ont une efficacité clinique démontrée dans deux grandes indications :
- la prévention primaire et secondaire de la maladie athéromateuse coronaire et périphérique ;
- la prévention des thromboses aiguës et subaiguës de stents coronaires.
Le concept de résistance aux antiplaquettaires a d’abord été développé à propos de l’aspirine puis des thiénopyridines (et particulièrement du clopidogrel).

Définition Elle est double et reste discutée : • absence de réponse biologique ou faible réponse biologique à l’administration d’antiplaquettaires oraux ; • absence ou insuffisance de l’effet clinique antithrombotique espéré. Dès lors que la pathogénie des accidents thrombotiques aigus est multifactorielle, il ne paraît pas légitime d’utiliser le terme de « résistance » à propos des événements cliniques qui sont en réalité des « échecs thérapeutiques », dont certains seulement pourraient être la conséquence de l’absence ou de l’insuffisance de l’effet pharmacologique souhaité. Un patient peut répondre pharmacologiquement aux molécules prescrites et présenter malgré tout un événement clinique. Néanmoins, le lien de cause à effet entre les deux aspects, biologique et clinique, de cette définition est un point important et doit permettre de démontrer que la résistance aux antiplaquettaires n’est pas uniquement une « curiosité de laboratoire » mais bien la cause de l’échec thérapeutique chez certains patients. Résistance à l’aspirine   Données biologiques L’effet antiagrégant plaquettaire de l’aspirine est la conséquence d’une acétylation irréversible de la cyclooxygénase 1 (cox1) enzyme plaquettaire responsable de la synthèse de prostaglandine et impliquée dans la voie de synthèse du thromboxane A2 (TXA2) proagrégant plaquettaire. La résistance biologique à l’aspirine est mise en évidence soit : - par le dosage urinaire du TXB2, métabolite du TXA2, dont la persistance de taux normaux témoigne de l’absence d’action de l’aspirine ; - par la mesure in vitro de l’agrégation plaquettaire (agrégométrie, temps de saignement, temps d’occlusion). Weber a classé la résistance biologique à l’aspirine en trois groupes : - type I, dit pharmacodynamique : la prise orale de 100 mg d’aspirine ne s’accompagne d’aucune inhibition de l’agrégation plaquettaire et de la synthèse de TXA2 alors que l’adjonction de petites quantités d’aspirine in vitro bloque totalement l’agrégation induite par le collagène et la synthèse de TXA2 ; - type II, dit pharmacocinétique : l’agrégation plaquettaire et la synthèse de TXA2 ne sont bloquées ni par voie orale, ni par adjonction d’aspirine in vitro ; - type III, dit pseudorésistance : l’inhibition de TXA2 est totale après traitement oral mais l’adjonction de collagène déclenche néanmoins l’agrégation plaquettaire. Cette classification peut être schématisée par le tableau 1. En pratique   Dans la résistance de type « pharmacocinétique », tout se passe comme si l’aspirine n’atteignait pas l’effecteur : c’est ce qu’on pourrait constater en cas de non-observance. Dans la résistance de type « pharmacodynamique », tout se passe comme si l’aspirine atteignait l’effecteur mais sans en modifier l’activité. Dans la « pseudo-résistance », malgré l’action effective de l’aspirine au niveau de sa cible prévue, tout se passe comme si d’autres voies de l’agrégation se mettaient en activité.   Épidémiologie Suivant les tests utilisés et les études publiées, la prévalence de la résistance biologique à l’aspirine est comprise entre 5 et 50 %. Récemment, Wang, en utilisant un système de mesure rapide de l’agrégation plaquettaire a trouvé chez 422 patients coronariens, 23 % de non-répondeurs. Chen, à l’aide du même système, relève un taux de 19,2 % de résistance au sein d’une population de 151 patients programmés pour une angioplastie coronaire et recevant 80 à 325 mg d’aspirine par jour depuis plus d’une semaine et une dose de charge initiale de clopidogrel de 300 mg puis 75 mg/j. Les techniques d’évaluation de la fonction plaquettaire ont une influence certaine sur la prévalence du phénomène de résistance à l’aspirine. Ainsi, Gum trouve des taux de non-répondeurs de 5,5 à 9,5 % et de 23,5 à 32 % de répondeurs partiels en fonction du test utilisé. En dépit de l’absence d’accord quant au nombre de patients résistants in vitro à l’aspirine, la réalité biologique du phénomène est incontestée. Cette résistance pourrait même s’installer avec le temps après une première phase d’efficacité. Ainsi, Helgason dans un travail déjà ancien (1994) a montré que des patients initialement répondeurs « biologiques » après un accident vasculaire cérébral pouvaient dans un tiers des cas devenir ultérieurement résistants et échapper au traitement. Dans cette étude, la résistance biologique a été supprimée par une augmentation des posologies atteignant au maximum 1 300 mg/j.   Mécanismes Plusieurs hypothèses (Bhatt) sont évoquées pour expliquer cette résistance à l’aspirine due à l’absence d’inhibition de la synthèse de TXA2 : - la surexpression d’une autre cyclooxygénase, dite cox2, que l’on peut trouver au sein de plaquettes jeunes ou de l’endothélium et qui, contrairement à la cox1, est mal inhibée par l’aspirine ; - l’existence d’une source extraplaquettaire de TXA2. Les monocytes et les macrophages, qui contiennent de la cox2, seraient susceptibles de céder aux plaquettes des endoperoxydes capables de contourner l’inhibition de la cox1. Ce mécanisme serait surtout accru dans un contexte inflammatoire et pourrait être inversé par une augmentation des doses d’aspirine, la cox2 étant inhibée par des posologies de 500 mg/j ; - la synthèse de peptides bloquant les récepteurs du thromboxane (8-iso-PGF2-alpha issus de la peroxydation de l’acide arachidonique) et les rendant donc inaccessibles à l’aspirine ; - l’interférence avec d’autres molécules anti-inflammatoires (ibuprofène et inhibiteurs de l’enzyme de conversion) ; - certains polymorphismes plaquettaires (cox 1, récepteur GP III, récepteur du collagène, récepteur du facteur Von Willebrand, etc.) sont associés au phénomène de résistance à l’aspirine ; - le défaut d’observance, surtout en cas d’effets secondaires digestifs. Le tableau 2 résume les causes potentielles de la résistance à l’aspirine. Conséquences cliniques Bien que l’efficacité de l’aspirine en prévention primaire et secondaire soit démontrée par de grands essais cliniques, force est de constater que nombre de patients présentent des manifestations thrombotiques malgré ce traitement. Cet argument seul ne suffit certes pas à invoquer une résistance biologique à l’aspirine. Toutefois, certaines données suggèrent que le résultat clinique d’un traitement par l’aspirine est dépendant de l’efficacité biologique. Un travail ancien de Grotemeyer (1993) observe un risque multiplié par 9 d’infarctus et de récidives d’AVC chez des patients non répondeurs à l’aspirine et ayant présenté un premier accident ischémique cérébral. Mueller en 1997 a pu montrer chez 100 patients soumis à une angioplastie d’une artère d’un membre inférieur que les non-répondeurs avaient un risque de thrombose du site dilaté supérieur de 87 % à celui des répondeurs. Enfin, Gum constate dans une cohorte de 326 patients sous aspirine pour pathologie cardio-vasculaire stable, un taux d’événements cliniques graves (décès, infarctus myocardiques, accidents vasculaires cérébraux) 3 fois plus élevé chez les non-répondeurs. Eikelboom apporte des précisions : en mesurant dans l’étude HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation study) la synthèse résiduelle du TXA2 par le dosage de son métabolite urinaire (11 déhydro-TXB2), il constate qu’à chaque élévation d’un quartile du taux de TXB2 urinaire, le critère combiné (IDM, AVC, mortalité cardio-vasculaire) s’accroît jusqu’à doubler chez les patients qui ont le taux résiduel de TXB2 urinaire le plus élevé. Chen, en 2004, montre que les patients résistants à l’aspirine présentent avec une plus grande fréquence une élévation de CPK et de troponine après angioplastie programmée : pour les CPK chez 51,7 % des résistants contre 24,6 % chez les autres ; pour la troponine I respectivement chez 65,5 contre 38,5 %. Ainsi pour l’aspirine : • le phénomène de résistance biologique est démontré ; • de nombreux arguments existent en faveur de la réalité de ses conséquences cliniques.   Résistance aux thiénopyridines   Données biologiques Le clopidogrel est un inhibiteur spécifique de l’agrégation plaquettaire induite par l’adénosine diphosphate (ADP). L’ADP est un des médiateurs les plus importants de l’hémostase et de la thrombose. Il active les plaquettes par deux récepteurs distincts : le P2Y1 et le P2Y12. Le récepteur P2Y1 initie l’agrégation plaquettaire en mobilisant les stocks de calcium intraplaquettaire. Le récepteur P2Y12 complète et amplifie l’agrégation plaquettaire à l’ADP par l’intermédiaire de l’inhibition de l’adénylcyclase. Le clopidogrel est inhibiteur du récepteur P2Y12. Il est inactif directement car c’est une prodrogue qui exige d’être métabolisée pour acquérir ses propriétés antiagrégantes. C’est donc le métabolite actif du clopidogrel qui agit sur le récepteur P2Y12 et inhibe la stimulation de ce récepteur par l’ADP. Le clopidogrel est métabolisé au niveau du foie où il donne son dérivé actif. Cette transformation se fait par l’intermédiaire du cytochrome P450 3A4 et plus accessoirement 3A5. D’importantes variations de réponse à l’administration de clopidogrel Ces variations ont été mises en évidence depuis quelques années (Järemo, Müller, Gurbel, Matetzky, Aleil, Barragan) que ce soit après une dose de charge (300 mg) ou après une dose conventionnelle (75 mg/j). - Järemo a étudié 18 patients angineux stables soumis à une angioplastie coronaire transluminale avec implantation d’un stent. Tous ont été traités par 300 mg de clopidogrel immédiatement en postangioplastie, puis 75 mg/j. L’agrégation plaquettaire a été évaluée par dosage de la P sélectine soluble après stimulation par 0,6 et 1,7 µmol/l d’ADP : 4 patients (22,2 %) objectivent une forte réponse antiplaquettaire, 5 (27,8 %) une réponse faible ou absente, et les autres patients (50 %) des réponses intermédiaires. - Muller a analysé la réponse à une dose de charge de 600 mg de clopidogrel chez 105 patients dilatés avec stent, tous les patients étant par ailleurs sous aspirine (100 mg). Il définit les non-répondeurs comme une agrégation plaquettaire diminuée de moins de 10 % par rapport aux valeurs de base et les semi-répondeurs par des valeurs comprises entre 10 et 29 % des chiffres de référence. Il a dénombré ainsi 5 à 11 % de non-répondeurs en fonction de la dose d’ADP utilisée pour la stimulation de l’agrégation plaquettaire (5 ou 20 µmol/l) et 9 à 26 % de semi-répondeurs. Deux thromboses de stents ont été constatées chez les non-répondeurs. - La même équipe dans un travail ultérieur a démontré que la réponse antiagrégante est dépendante de la dose, 600 mg étant significativement plus active que 300 mg. - Gurbel, utilisant le degré d’activation des récepteurs glycoprotéines IIb/IIIa et l’expression de la P-sélectine après stimulation par 5 et 20 µmol/l d’ADP chez 96 patients ayant été traités par angioplastie élective avec stent, a étudié la résistance au clopidogrel et sa cinétique en fonction du temps. Tous les patients étaient sous aspirine (325 mg/j). Le clopidogrel a été administré à la dose de 300 mg en salle de cardiologie interventionnelle, puis à 75 mg par jour. Les mesures d’agrégation plaquettaire ont été effectuées à l’état basal, 2 h après la première dose puis à 24 h, à J5 et enfin à J30. La résistance au traitement antiplaquettaire a été définie comme une différence < 10 % par rapport aux valeurs basales. Ainsi, 63 % des patients étaient résistants à 2 h mais seulement 31 % à 24 h et J5, puis 15 % à J30. De plus, à 2 h, 41 % avaient une réactivité plaquettaire plus élevée qu’à l’état basal malgré le traitement, chiffre qui diminuait à J30, avec toutefois 11 % des patients qui restaient plus « agrégables » qu’au départ. - Barragan a testé la réponse au clopidorel et à la ticlopidine en utilisant la phosphorylation des protéines VASP (vasodilator-stimulated phosphoprotein) intraplaquettaire, dont l’expression sous forme phosphorylée inhibe l’activation des récepteurs GP IIb/IIIa et donc la fixation du fibrinogène sur la membrane plaquettaire. Il a pu montrer l’existence de trois types de répondeurs : • les bons répondeurs rapides (plus de 50 % d’inhibition dès J2) ; • les bons répondeurs retardés (plus de 50 % d’inhibition mais à partir de J3) ; • les non-répondeurs. - Aleil, utilisant le même test que Barragan, a comparé 47 volontaires sains ne recevant aucun traitement antiplaquettaire, 34 patients porteurs d’une maladie athéromateuse mais non traités, et 33 patients coronariens traités par 75 mg/j de clopidogrel depuis plus d’une semaine. L’index de réactivité plaquettaire (PRI [platelet reactivity index]) ne montre aucune différence entre les deux groupes témoins alors qu’il apparaît une large variation de réponse au clopidogrel chez les patients traités ; 33 % de ces patients traités ont une réactivité identique à celle des patients non traités et peuvent donc être considérés comme des non-répondeurs. - Matetzky confirme la variabilité de réponse au clopidogrel (dose de charge 300 mg puis 75 mg/j + aspirine 200 mg/j) avec des non-répondeurs (25 %), de faibles répondeurs (50 %) et de bons répondeurs (25 %), chiffres qui sont pour Lau dans une autre étude de 22, 32 et 47 % respectivement. - Enfin, Serebruany observe cette importante variabilité de la réponse biologique au clopidogrel chez 544 patients. L’agrégation obtenue par 5 µmol/l d’ADP est en moyenne de 41,9 ± 20,8 % avec des valeurs individuelles qui se distribuent selon une courbe de Gauss. En fixant arbitrairement des limites correspondant à 2 écarts-types, cet auteur dénombre 4,2 % de non-répondeurs et 4,8 % d’hyper-répondeurs Les études basées sur différents tests d’agrégabilité plaquettaire in vitro sont donc concordantes : • il existe une variabilité individuelle importante dans la réponse biologique à l’administration de clopidogrel que ce soit en dose de charge et/ ou en traitement prolongé ; • la dose de charge de 600 mg est plus rapidement active que la dose de 300 mg ; • la réponse au traitement peut être retardée de quelques jours ; • il existe trois groupes de patients : non-répondeurs, faibles répondeurs et bon répondeurs (et hyper-répondeurs ?), quelles que soient les posologies et les durées de traitement. Leurs effectifs respectifs dépendent en partie de la méthodologie adoptée dans chaque étude et des tests d’activation plaquettaire utilisés.   Mécanismes Bien que ce phénomène de résistance au clopidogrel puisse être attribué dans certains cas à la non-observance du traitement s’agissant alors d’une fausse résistance, d’autres mécanismes doivent être évoqués : • l’hyperactivité plaquettaire avant prise de clopidogrel, • la variabilité de l’absorption intestinale, • la variabilité de l’activité du CY P450 3A4, • les interactions entre molécules métabolisées par le CY P450 3A4, • le polymorphisme génétique du récepteur P2Y12. - Les variations de sensibilité des plaquettes au clopidogrel pourraient être la conséquence d’une variabilité interindividuelle de la réponse à l’ADP. Il s’agirait donc d’une fausse variabilité d’origine biologique. Le travail d’Aleil ne confirme pas cette hypothèse. - Le mécanisme le plus fréquemment évoqué est une variation du métabolisme hépatique de la drogue et une variabilité de l’absorption intestinale. La disponibilité du cytochrome P450 3A4 et l’activité de ce récepteur pourraient expliquer les variations d’activité observées. Lau a bien montré que plus le cytochrome était actif, plus la biodisponibilité du clopidogrel était élevée, la prodrogue étant métabolisée et transformée en principe actif de façon plus importante. Il a mis en évidence une corrélation positive entre l’activité du cytochrome et l’effet antiagrégant de la molécule. Ainsi, la rifampicine, activateur du cytochrome, augmente l’effet antiagrégant et transforme des non-répondeurs ou faibles répondeurs en bons répondeurs. En outre, des non-répondeurs initiaux pourraient devenir de bons répondeurs avec le temps grâce à l’induction (non expliquée) de l’expression du cytochrome. Des variations génétiques de ce récepteur, de même que des interactions médicamenteuses agissant par inhibition compétitive, pourraient rendre compte d’une variation de biodisponibilité du clopidogrel. Si cette hypothèse était exacte, la résistance à cette molécule pourrait être compensée par une augmentation de posologie. L’interaction négative d’un traitement par l’érythromycine et par l’atorvastatine a été récemment évoquée. L’atorvastatine est une statine lipophile métabolisée par le même cytochrome P450 3A4 que le clopidogrel. La ticlopidine étant métabolisée par un autre cytochrome (P450 2C19), il serait intéressant de tester les patients résistants au clopidogrel en remplaçant cette molécule par la ticlopidine. Ce type de travail n’a pas été fait. - L’inhibition de l’efficacité du clopidogrel par l’atorvastatine a donné lieu à des travaux qui doivent être cités, même s’ils sont contestés. Lau a comparé le niveau d’inactivation plaquettaire chez 44 patients traités par mise en place d’un stent coronaire après dose de charge de 300 mg de clopidogrel suivie par 75 mg/j. Les tests d’agrégation plaquettaire ont été réalisés à J1 puis à J6 ; 9 patients étaient par ailleurs sous 40 mg de pravastatine et 19 sous doses d’atorvastatine allant de 10 à 40 mg. Les données biologiques sont claires : la pravastatine ne modifie pas l’effet du clopidogrel alors que l’atorvastatine diminue d’autant plus cet effet que la dose de statine est plus élevée, phénomène retrouvé tant dans les mesures effectuées à J1 qu’à J6. Clarke a confirmé cette donnée chez l’animal en montrant que, lorsque clopidogrel et atorvastatine sont présents à des concentrations équimolaires, le métabolisme du clopidogrel est inhibé de plus de 90 %.   Conséquences cliniques Matetzky a corrélé la survenue d’événements cardio-vasculaires graves à la résistance au clopidogrel après mise en place d’un stent en phase aiguë d’infarctus myocardique ; 60 patients ont été étudiés, tous traités par aspirine et clopidogrel (dose de chage de 300 mg puis 75 mg/j pendant 3 mois). Les patients ont été répartis en quatre quartiles allant de la plus faible réponse antiplaquettaire (nulle dans le premier quartile) à la plus forte. Les taux d’événements ont été respectivement au sein des quatre quartiles croissants de 40 et 6,7 % pour les deux premiers contre 0 pour les deux derniers. Dans cette étude, la résistance au clopidogrel est donc prédictive des événements graves à 6 mois (thromboses de stents, accidents vasculaires cérébraux, accidents ischémiques aigus périphériques). Dans le travail de Barragan, le pourcentage d’inhibition de l’agrégation plaquettaire étudiée par la phosphorylation des protéines VASP plaquettaires était deux fois moindre chez les patients ayant présenté une thrombose de stent au cours des 30 premiers jours comparativement aux patients n’ayant pas présenté cette complication. L’impact clinique de l’interaction clopidogrel–atorvastatine a été nié par un travail de Saw qui a utilisé la base de données de l’étude CREDO (démonstration de l’intérêt de l’association dose de charge de clopidogrel + 75 mg pendant 12 mois) dans le cadre des syndromes coronariens aigus sans sus-décalage de ST avec ou sans angioplastie avec stent). Dans cette étude, 85 % des patients avaient eu une pose de stent ; 1 001 patients avaient par ailleurs un traitement par statine métabolisée par le cytochrome P450 3A4 et 158 par une statine non métabolisée par ce cytochrome ; enfin, 944 n’avaient reçu aucune statine. Aucune différence dans l’incidence des événements cliniques n’a été constatée à un an quelle que soit la statine utilisée (critère composé : décès + infarctus myocardiques + AVC). Ainsi pour le clopidogrel : • la variabilité (plutôt qu’une résistance) de la réponse biologique est démontrée (dose-dépendante ?) ; • ses mécanismes sont mal connus mais l’absorption intestinale et le métabolisme hépatique paraissent largement impliqués ; • les conséquences cliniques de cette variabilité semblent bien réelles notamment quant au risque de thrombose de stents ; • le chapitre des interactions médicamenteuses est ouvert mais ne permet aucune conclusion à ce jour.   En pratique   La résistance aux antiplaquettaires que sont l’aspirine et les thiénopyridines (et notamment le clopidogrel) est une réalité pharmacologique dont l’incidence et les mécanismes précis sont encore incomplètement connus. Les arguments permettant d’affirmer que ce phénomène a bien des conséquences cliniques s’accumulent désormais mais restent l’objet de débats. L’absence actuelle de tests validés en routine permettant de mesurer l’efficacité biologique des molécules administrées empêche de démontrer cette résistance en clinique quotidienne et aboutit (probablement) à des thérapeutiques aveugles et inutiles chez nombre de patients qui restent exposés au risque d’événement grave malgré une observance vérifiée. Il faut souhaiter que de tels tests, actuellement disponibles en recherche, soient accessibles rapidement au lit du patient. Enfin l’avènement de nouveaux antiplaquettaires actifs sur de nouvelles cibles devrait permettre de contourner ce phénomène de « résistance » à l’aspirine et aux thiénopyridines.

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