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Cardiologie interventionnelle

Publié le 07 mar 2006Lecture 7 min

Quels sont les meilleurs candidats à l'angioplastie primaire ?

D. HIMBERT, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris

La décision d’effectuer une angioplastie primaire plutôt qu’une thrombolyse intraveineuse chez un patient donné dépend de nombreux facteurs qui viennent non seulement du patient mais aussi du délai de prise en charge et des capacités des services hospitaliers.

Le «profil» du patient Les facteurs liés au patient lui-même sont au premier plan. Les premiers candidats à l’angioplastie sont ceux ayant des contre-indications à la thrombolyse ou en choc cardiogénique, mais ces situations, bien connues et sans alternative à l’angioplastie, ne sont pas discutées ici.   Les sujets âgés Peu d’études randomisées ont comparé l’angioplastie primaire et la thrombolyse chez le sujet âgé. La plupart des données proviennent d’extrapolations ou d’analyses rétrospectives de sous-groupes d’essais concernant principalement des populations plus jeunes. Le plus grand est celui de l’étude GUSTO-IIb. Le taux d’événements augmente avec l’âge dans les deux groupes de traitement, mais il n’y a pas d’interaction entre les effets du traitement alloué et l’âge (figure 1). À 1 mois, le taux de décès + réinfarctus + accidents vasculaires cérébraux est plus faible dans le groupe angioplastie primaire que dans le groupe thrombolyse intraveineuse, mais à 6 mois aucune différence n’est plus observée entre les deux groupes au-delà de 70 ans. Haut : Patients Inclus : ST+ < 12 h  après la douleur 1 138 patients randomisés Angioplastie 565 vs thrombolyse 573 Bas : Résultats : • Taux d'événements corrélés à l'âge indépendamment du traitement assigné • Décès, réinfarctus, AVC à 30 jours : angioplastie versus thrombolyse : 9,6 vs 13,6 % RR = 0,67 p = 0,033. • Pas d'interaction entre les effets du traitement alloué et l'âge. • Pas de différence à 6 mois entre thrombolyse et angioplastie. > 70 ans.   Figure 1. Sous-étude angiographique de l’étude GUSTO IIb. Le travail des Primary Coronary Angioplasty Trialists a analysé la mortalité à 30 jours de 2 600 patients enrôlés dans des études randomisées comparant angioplastie primaire et thrombolyse intraveineuse. Les conclusions sont que la supériorité de l’angioplastie comparativement à la thrombolyse est plus importante après 70 ans que dans les tranches d’âge plus basses. Dernièrement, l’étude Senior PAMI a comparé l’angioplastie primaire à la thrombolyse de façon prospective et randomisée sur 481 patients âgés > 70 ans. Sur la mortalité à 30 jours et sur le critère de jugement primaire (décès ou accident vasculaire cérébral invalidant à 30 jours), aucune différence n’est observée entre les deux groupes de traitement, ni avant ni après 80 ans (tableau 1). Sur le critère de jugement secondaire (décès + accidents vasculaires cérébraux invalidants + réinfarctus), une réduction statistiquement significative de 55 % (p = 0,009) est observée dans le groupe angioplastie chez les patients de 70-80 ans, mais pas chez ceux > 80 ans (tableau 2). Ces résultats pourraient donc remettre en question le relatif consensus sur la supériorité de l’angioplastie primaire chez les sujets très âgés… Les registres. La banque de données du Cooperative Cardiovascular Project a permis d’analyser plus de 200 000 patients > 65 ans hospitalisés pour IDM aigu. La mortalité à un an a été plus basse dans le groupe angioplastie que dans le groupe thrombolyse. L’angioplastie primaire était également associée à une réduction des taux de réinfarctus, d’hémorragies cérébrales et des autres complications hémorragiques. Mais le principal enseignement de ce registre était la sous-utilisation manifeste des traitements de reperfusion dans la pratique quotidienne, qui n’ont été mis en route que chez un quart des patients éligibles > 65 ans, et le caractère très marginal de l’angioplastie primaire, qui n’a concerné qu’un peu plus de 2 % des patients dans cette tranche d’âge ! Plus récemment, Mehta et coll. ont analysé près de 3 000 patients > 70 ans enrôlés dans le registre GRACE. Une thrombolyse a été instituée chez 27 % des patients éligibles et une angioplastie primaire réalisée dans 13 % des cas. À nouveau, la mortalité hospitalière a été plus faible dans le groupe angioplastie, de même que le taux des réinfarctus, avec une tendance vers une diminution des accidents vasculaires. En revanche, les saignements majeurs tendaient à être plus fréquents dans le groupe angioplastie. Globalement, en prenant comme critères de jugement la mortalité hospitalière et les accidents vasculaires cérébraux, l’analyse de l’ensemble des registres donne l’avantage à l’angioplastie primaire sur la thrombolyse (figure 2). Figure 2. Comparaison entre angioplastie et thrombolyse chez le sujet âgé : résultats de registres. Les diabétiques Les résultats de l’angioplastie primaire sont controversés dans ce groupe à haut risque. Dans GUSTO-IIb, elle s’accompagnait d’une diminution des réinfarctus mais d’une tendance à une surmortalité par rapport à la thrombolyse intraveineuse. Dans CAPTIM au contraire (figure 3), l’incidence du critère primaire de jugement (décès/réinfarctus/AVC invalidant à 30 jours) semblait plus faible dans le groupe des diabétiques traités par angioplastie primaire comparativement à la thrombolyse intraveineuse (8,8 vs 21,7 % , p = 0,09), avec une tendance vers une moindre mortalité (5,3 vs 13,0 % , p = 0,29). Cette tendance n’était pas observée dans le groupe des non-diabétiques. Ces résultats suggèrent donc un bénéfice particulier de l’angioplastie primaire chez les diabétiques, mais ne sont pas définitifs en raison du faible effectif de ces patients dans l’étude (n = 103). Figure 3. Fibrinolyse préhospitalière vs angioplastie primaire en phase aiguë d’infarctus chez le diabétique : résultats de l’étude CAPTIM. Le délai depuis le début des symptômes Il faut, logiquement, d’autant plus privilégier l’angioplastie primaire que le délai écoulé depuis le début des symptômes est long : le bénéfice attendu de la revascularisation est alors moins important que dans la ou les toutes premières heures ; le degré d’urgence est moindre et laisse le temps d’organiser l’angioplastie ; le risque d’accident hémorragique grave, en particulier vasculaire cérébral, doit être minimal. Les résultats des études CAPTIM et PRAGUE-2 vont dans ce sens. Dans CAPTIM (tableau 3), l’angioplastie primaire s’accompagne au-delà de la 2e heure d’une tendance à une diminution de la mortalité par rapport à la thrombolyse préhospitalière suivie, si nécessaire, d’une angioplastie de sauvetage ; l’étude économique ancillaire montre un rapport coût/efficacité plus favorable. Dans PRAGUE-2, le transfert pour angioplastie primaire semble plus efficace que la thrombolyse effectuée sur place au-delà de la 3e heure. Ces conclusions sont conditionnées par le délai de mise en route de l’angioplastie: dans CAPTIM, ce délai ne devait pas dépasser une heure ; dans PRAGUE-2, le délai moyen entre la randomisation et l’introduction du ballon dans la coronaire a été de 97 ± 27 minutes. Au-delà de la « golden-hour » – étendue aux 2 à 3 premières heures –, il semble donc souhaitable de privilégier la stratégie d’angioplastie primaire, lorsqu’elle est possible dans de bonnes conditions, par rapport à la thrombolyse intraveineuse.   L’heure d’admission La capacité de réaliser une angioplastie primaire en urgence 24 h/24 suppose le déploiement de moyens humains et logistiques, évidemment plus ou moins facile et rapide selon le moment d’admission du patient, à une heure dite « ouvrable » (jours de semaine) ou « non ouvrable » (la nuit et le week-end). Un travail récent publié de Magid et coll. publié dans le JAMA confirme qu’une admission aux heures non ouvrables s’accompagne de délais plus longs pour la réalisation d’une angioplastie : le délai moyen de « l’admission au ballon », c’est-à-dire de l’admission à l’hôpital à l’angioplastie, est de 116 minutes aux heures non ouvrables, contre seulement 95 minutes aux heures ouvrables. Dans plus de 40 % des cas, ce délai dépasse 2 heures, contre seulement 27 % des cas aux heures ouvrables. La perte de temps n’est pas liée à un retard au diagnostic, mais bien au délai entre la réalisation de l’ECG et la prise en charge en salle de cathétérisme, donc à celui nécessaire à la mise en route de la salle et à l’arrivée du cardiologue interventionnel. Ce délai s’accompagne d’un taux de mortalité supérieur à celui observé aux heures ouvrables (risque relatif de 1,1, p = 0,02). Cependant, aucune différence de ce type n’est constatée lorsqu’un traitement thrombolytique est administré (tableau 4). Les centres revendiquant la capacité d’angioplastie primaire pour le traitement de l’infarctus aigu ont donc l’obligation de se donner les moyens nécessaires pour réduire et homogénéiser leurs délais de prise en charge, indépendamment du moment de l’admission du patient.   Le centre « receveur » Plus généralement, de nombreux registres ont montré que, dans la pratique, les résultats de l’angioplastie primaire s’accompagnent d’une mortalité hospitalière pouvant aller du simple au double selon l’expérience et le volume d’activité de l’opérateur et de l’institution. Cette différence de pronostic est maximale chez les sujets âgés, où l’angioplastie est difficile (abord vasculaire, sinuosités aortiques, calcifications coronaires…). Lorsqu’elle est effectuée dans un centre à haut volume d’activité (plus de 150 angioplasties en phase aiguë d’IDM par an), la mortalité à 30 jours et à un an des patients > 70 ans est plus basse après angioplastie qu’après thrombolyse. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un centre à plus faible volume d’activité, la mortalité postangioplastie augmente et aucune différence n’est plus observée entre les deux groupes de traitement. L’angioplastie primaire reste très opérateur- et centre-dépendante, contrairement à la thrombolyse qui peut être facilement et rapidement administrée quel que soit le niveau d’expertise du centre en charge du patient (figure 4). Figure 4. Angioplastie primaire vs thrombolyse en phase aiguë d’IDM chez les sujets âgés. Influence du nombre annuel d’angioplastie réalisées. Les bons candidats à l’angioplastie primaire • Contre-indications à la thrombolyse • Chocs cardiogéniques • Prise en charge après H2 – H3 • Sujets âgés jusqu’à 80 ans (après 80 ans ??) • Diabétiques ? • Heures ouvrables • Proximité d’un centre expérimenté   Conclusion   Le fait d’être, ou non, un bon candidat à l’angioplastie primaire en phase aiguë d’infarctus dépend de facteurs intrinsèques, mais aussi et peut-être surtout des circonstances et du hasard : il faut être au bon endroit, au bon moment. Il faudra, dans l’avenir réussir à limiter ce facteur chance et parvenir à homogénéiser l’accès aux soins et leur qualité. Cela passera, entre autres, par une remise en question des centres de cardiologie interventionnelle afin qu’ils se donnent les moyens de mieux se conformer aux recommandations en vigueur, en particulier en termes de délais de prise en charge. En corollaire, cela passera aussi par la discussion d’un traitement thrombolytique préhospitalier chaque fois que les conditions d’une prise en charge interventionnelle optimale ne paraitront pas réunies.

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