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Coronaires

Publié le 31 mar 2009Lecture 6 min

Quelques réflexions sur le traitement du coronarien chronique

S. WEBER, Hôpital Cochin, Paris

Prescription du postinfarctus : de la recommandation à l’obligation… De la photographie d’une pratique médicale à la délivrance d’un certificat de conformité…

L’ordonnance de sortie après un IDM S’il est un domaine de la thérapeutique cardiologique où il est légitime et pertinent de s’interroger, d’enquêter sur la réalité de la prescription confrontée aux données acquises de la « science », c’est bien celui de l’ordonnance de sortie après un infarctus du myocarde (IDM). Il s’agit d’une pathologie fréquente, largement représentée dans les structures hospitalières quel que soit leur statut, public, privé, universitaire ou non. Le diagnostic en est généralement aisé, standardisé, source de faible variabilité d’une équipe à l’autre et de surcroît facilement identifié par le codage. Cette maladie fréquente a donné lieu depuis plusieurs décennies à de nombreux essais thérapeutiques contrôlés d’excellente qualité méthodologique ayant permis de « valider » plusieurs thérapeutiques, médicamenteuses, interventionnelles ou préventives (prévention secondaire). S’agissant à la fois d’un réel problème de santé publique et d’un enjeu médico-économique majeur, la prise en charge du post-IDM a donné lieu à d’innombrables réunions, ateliers, symposiums, groupes de travail, etc. ayant permis d’élaborer des recommandations. Ces recommandations sont légèrement différentes d’une société savante à l’autre et d’un pays à l’autre, car il faut bien marquer son territoire et justifier son existence, mais reconnaissons-le, « l’essence » des diverses recommandations est remarquablement homogène. Nous avons au demeurant et depuis de nombreuses années, participé avec enthousiasme et constance à plusieurs essais contrôlés multicentriques ayant permis de valider telle ou telle thérapeutique et à quelques-unes de ces innombrables réunions d’experts précédemment évoquées. Nous avons également à plusieurs reprises participé à des enquêtes, généralement sous couvert de notre société savante nationale, photographiant la réalité des prescriptions permettant ainsi d’approuver les registres « de la vraie vie », dont les résultats sont aussi importants que ceux des essais contrôlés.   Un « certificat de conformité » Comme je le pense tous les chefs de service de cardiologie dotés d’une USIC, j’ai reçu il y a quelques mois une liste d’une soixantaine de dossiers d’IDM tirés au sort parmi ceux que nous avions pris en charge pendant l’année précédente, accompagnée d’une « grille de recueil des indicateurs » élaborée par l’HAS. À la lecture du petit fascicule d’accompagnement, on comprend rapidement qu’il ne s’agit certes pas d’une démarche férocement inquisitoriale, mais non plus tout à fait d’une enquête, c’est-à-dire d’une photographie honnête et exhaustive des pratiques. Le balancier se positionne vraisemblablement entre ces deux extrêmes, assez proche du « certificat de conformité » au même titre que ce qui nous est déjà familier depuis plusieurs années en matière de prévention des infections nosocomiales ou de suivi transfusionnel par exemple. La démarche n’a en soit rien de choquant, la prise en charge de l’IDM jusqu’à l’ordonnance de sortie est une démarche pour le moins conséquente et justifiant donc d’un contrôle de qualité. Rien à dire donc sur le principe ! Après avoir achevé le remplissage de ces 60 grilles d’évaluation (pour une première, j’ai tenu à le faire moi-même !) je n’échappe pas à quelques interrogations de fond : la principale étant de savoir si la « solidité » de notre savoir est suffisante pour exiger un tel niveau de conformité se déclinant en 35 items (tout au moins sur le questionnaire que j’ai eu à remplir). Le chiffre de 60 dossiers annuels est raisonnable pour évaluer les pratiques thérapeutiques habituelles d’une équipe ; la charge de travail induite est loin d’être nulle mais reste néanmoins, elle aussi, raisonnable à la condition de ne pas être trop souvent répétée… Les questions concernant la prescription médicamenteuse sont subtilement rédigées et ordonnancées. Si tout va donc si bien dans le meilleur des mondes possibles, d’où vient mon inquiétude ?   La moitié des patients de la « vraie vie » ne sont pas ceux des essais contrôlés Les 60 dossiers tirés au sort comportaient pour une grosse moitié des patients effectivement inclus dans les essais thérapeutiques contrôlés permettant d’émettre des recommandations précises et ayant maintenant force de loi. Mais pour une petite moitié d’entre eux, il s’agissait de patients présentant un critère d’exclusion à ces fameux essais thérapeutiques ou ayant refusé d’y participer et, plus souvent encore, auxquels on n’aurait même pas envisagé de proposer une telle participation ! Quelle est la norme d’une prescription de statines, et plus encore du bilan lipidique à effectuer quelques semaines après cette prescription lorsque l’infarctus survient chez un patient porteur d’un cancer métastasé ? Plusieurs de ces patients se trouvaient dans mon échantillon, et on ne peut pas mettre en cause la malchance, car ces malades existent bel et bien. Est-il au demeurant raisonnable « d’exiger » la prescription par l’équipe hospitalière d’un bilan lipidique à effectuer quelques semaines plus tard, alors que le message que nous proposons vigoureusement à nos patients, dont la durée d’hospitalisation est maintenant fort heureusement très courte, est de consulter dans les 2 à 3 semaines suivant leur sortie leur cardiologue -s’ils en avaient un-, celui désigné par leur médecin généraliste, ou de revenir à notre consultation externe ? N’est-ce pas à l’occasion de cette première consultation post-hospitalière précoce que devrait être prescrit le bilan métabolique ? Que faire de ces patients ? Plusieurs patients dans notre échantillon, -et c’est ça la vraie vie-, ont été reperfusés par stenting en phase aiguë précoce d’un infarctus transmural mais dont la démence aura été pudiquement sous-évaluée avant l’acheminement vers la salle de coronarographie. Le stent est implanté ; la coprescription d’aspirine et de clopidogrel est impérative pour les mois à venir. Dans ce contexte, n’est-il pas plus raisonnable de centrer ce qui reste de vigilance et de compréhension du patient et ce que l’on peut trouver de disponibilité de son entourage vers l’essentiel plutôt que sur des prescriptions certes validées, mais moins fondamentales et potentiellement inutiles, voire même nuisibles dans ce contexte ? Que faire, toujours dans notre échantillon de 60 patients tirés au sort, de ces 4 ou 5 jeunes patients, très gros tabagiques ayant souffert d’une forme essentiellement thrombotique d’infarctus ? Doit-on pour rester dans le politiquement correct et obtenir la meilleure note possible, dispenser des conseils hygiénodiététiques et leur vanter les bienfaits des fruits, légumes, poissons et autres cuisines d’inspiration crétoise ? Doit-on au contraire continuer de leur demander de concentrer toute leur énergie, toute leur volonté sur le sevrage tabagique, principal enjeu thérapeutique chez eux, en allant jusqu’à leur recommander de ne suivre aucun régime tant que le sevrage tabagique n’est pas acquis et consolidé ? J’arrêterai là l’énumération de mes réflexions sur cette démarche d’évaluation de l’HAS. Mes propos n’avaient d’autre but que de rappeler, en introduction à cette intégrale de Cardiologie Pratique que, même dans un domaine en apparence aussi étudié, standardisé et globalement consensuel, les recommandations doivent être prises pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des aides à la prescription et ne dispensant en rien chacun d’entre nous d’une analyse lucide de la littérature permettant d’adapter la prescription au cas particulier de chacun de nos malades afin d’être conforme à la seule recommandation qui vaille, celle de l’efficacité.

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