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Coronaires

Publié le 25 avr 2006Lecture 10 min

Quel est le traitement préhospitalier de l'infarctus aigu ?

P. ECOLLAN, SAMU de Paris, SMUR Pitié-Salpêtrière

L’organisation des soins en France, notamment des soins d’urgence, a placé les urgentistes des SAMU en première ligne dans la prise en charge des premières heures de l’infarctus. La cardiologie représente presque 40 % de l’activité d’un SMUR. Grâce à une formidable collaboration avec les cardiologues, les urgentistes préhospitaliers peuvent maintenant plus facilement et plus rapidement faire le diagnostic pour commencer un traitement au domicile du patient.

Historique Plusieurs stratégies de reperfusion sont même parfois possibles. Dans certaines régions, l’entente médicale est telle que la décision du choix d’une stratégie faite par le cardiologue interventionnel sera prise par le médecin du SMUR. Dans ce cas, un prétraitement sera même initié au domicile du patient. Un consensus national, urgentistes/cardiologues, sur cette prise en charge est attendu en novembre 2006. De 1960 à 1980, la multiplication des unités de soins intensifs cardiologiques (USIC) et le développement des SAMU a réduit de moitié (30 à 15 %) la mortalité dans l'infarctus du myocarde à la phase aiguë (IDMA). Depuis le début des années 1980, l'élément clé de la prise en charge des IDMA est devenu la reperfusion précoce de l'artère coronaire, quelles qu'en soient les modalités (thrombolyse ou angioplastie). À partir de 1985, les études montrent que la thrombolyse préhospitalière, c'est-à-dire effectuée par l'équipe du SMUR (service mobile d’urgence réanimation) dans l’ambulance (unité mobile hospitalière : UMH) ou même au domicile du patient, peut encore réduire de 17 % la mortalité des IDMA comparativement à une thrombolyse hospitalière (diminution du facteur temps). C’est au début des années 1990 que les premières angioplasties chez les IDMA voient le jour. Une nouvelle ère commence : « l’angioplastie primaire ». Une fois de plus, le rôle des urgentistes du SAMU sera primordial. Le diagnostic doit être rapide pour pouvoir décider de l’orientation directe en salle de cathétérisme. Chez ces patients, un traitement préparant à l’angioplastie est même débuté par l’équipe du SMUR. Le meilleur moyen d’accès à l’unité de réanimation cardiologique, pour le patient victime d’une nécrose, passe sans aucun doute par l’ambulance du SAMU. Malheureusement, seul un patient sur deux est transféré par le SAMU. Pour ces patients-là, depuis une dizaine d’années, deux stratégies de reperfusion sont possibles. Le choix dépend du lieu et du délai de prise en charge. L’insuffisance coronaire aiguë, c’est : • une incidence de 100 000 à 150 000 nouveaux cas par an en France ; • une activité cardiologique de 20 à 40 % pour les SAMU-SMUR. La prise en charge et l'orientation des IDMA en préhospitalier reposent sur la collaboration entre le médecin régulateur (appel au 15) et le médecin de l'unité mobile hospitalière (UMH). Ces praticiens agissent en accord avec le médecin traitant et le médecin cardiologue, chaque fois que cela est possible. Cette action commence dès la réception de l'appel par le SAMU Centre 15, puis se poursuit par une surveillance et un traitement médical dispensés par l'équipe du SMUR dépêchée sur les lieux.   La régulation médicale face à une douleur thoracique Le motif le plus courant de recours au SAMU Centre 15 lors des IDMA est la douleur thoracique. Il s'agit plus rarement de la manifestation d'une complication de l'IDMA. Dès ce moment, la préoccupation majeure du médecin régulateur est d'assurer une prise en charge rapide (15 à 20 % des IDMA décèdent dans la 1re heure d'une fibrillation ventriculaire) et de décider d'une reperfusion précoce. Tout appel pour douleur thoracique doit impérativement avoir une réponse médicale organisée par le SAMU Centre 15 (médecin traitant, cardiologue, médecin d'urgence, SMUR).   Conduite de l'interrogatoire L'interrogatoire doit être systématiquement réalisé par le médecin régulateur et permettre d'évoquer le diagnostic d'IDMA en allant à l'essentiel afin de ne pas retarder l'envoi de l'UMH et donc la prise en charge médicale. Il faut tenter, si possible, d'interroger le patient lui-même. L'interrogatoire doit aboutir à une prise de décision en quelques minutes en cas de douleur typique.   Critères d'envoi d'une UMH - Si demande du médecin traitant ou du cardiologue au lit du patient. - Si signes de gravité. - Si clinique typique. - Si clinique atypique mais antécédents coronaires et appel spontané au 15. - Si clinique atypique avec facteurs de risque ± âge ± antécédents, ± signes d'accompagnement. - Si douleur épigastrique avec signes d'accompagnement et facteurs de risque. Toute douleur thoracique ayant motivé un appel au SAMU Centre 15 doit être vue par un médecin. Lorsqu’une décision d’envoi de moyens est prise par la régulation, elle n’est pas immuable et peut être modifiée rapidement en fonction de nouveaux paramètres recueillis, par exemple légère douleur atypique pour laquelle on aurait envoyé un médecin d’urgence avec ECG, qui devient une douleur avec sueurs et vomissements où l’on décide de déclencher une UMH.   Prise en charge initiale par l’UMH À cette étape, le médecin de l'UMH recueille et confronte toutes les données objectives qui vont lui permettre de décider, en relation avec le médecin régulateur, de la stratégie thérapeutique.   Mise en condition d'un IDMA - Voie veineuse périphérique avec cristalloïde (pas de glucose si thrombolyse au rt-Pa), - Monitorage ECG continu (avec défibrillateur), - Oxygénothérapie non systématique (seulement si dyspnée ou SpO2 < 95 %), - Traitement antalgique : morphine titrée 2 mg par 2 mg en IV en première intention ou morphinomimétiques de synthèse (type nalbuphine). Autres traitements (en dehors de la reperfusion) : - dérivés nitrés IV : pas d'indication systématique à la phase aiguë d'un IDMA. Si on les utilise, c'est à petite dose (en général 2 mg/h d’isosorbide dinitrate (Risordan®) ou 1 mg/h de trinitrine) et en dehors des contre-indications (suspicion d'infarctus du ventricule droit, PA systolique < 100 mmHg). Ils doivent être arrêtés au moindre signe d'intolérance que sont une tachycardie inexpliquée ou une chute tensionnelle. - Bêtabloquants IV : en l'absence d'évaluation correcte de la fonction ventriculaire gauche et de données bibliographiques, ils ne seront pas utilisés en préhospitalier. On n'utilise pas en préhospitalier en cas d’IDMA les médicaments suivants : • inhibiteurs de l'enzyme de conversion, • inhibiteurs calciques, • sulfate de magnésium, • lidocaïne prophylactique.   La reperfusion de l'artère responsable de l'IDMA   Appel et diagnostic rapides Il faut reperfuser l'artère occluse au plus vite chez les patients présentant un IDMA, au mieux dès le diagnostic qui repose, dans 90 % des cas, sur la clinique et l'ECG. Le traitement peut être débuté au domicile du patient ou dans l'UMH. Exceptionnellement (plus de 3 h de douleur) si l’interprétation de l’ECG est impossible, le diagnostic peut être porté par l'analyse des enzymes cardiaques (troponine, CK-MB, myoglobine) en moins de 15 minutes (mini laboratoire Triage®) fait au domicile du patient. Une nouvelle molécule la h-FABP marqueur très précoce (20 min) de la nécrose, est à l’étude. Elle a déjà montré dans une étude monocentrique préhospitalière, de bonnes sensibilité et spécificité. Cette molécule et ce test (CardioDetect®) pourraient, dans un avenir proche, rendre de grands services aux urgentistes (figure 1). Figure 1. Prise en charge d’un syndrome coronaire aigu en préhospitalier. Tr : troponine ; Myo : myoglobine. Traitement étiologique de l’IDMA Le traitement de reperfusion est, depuis plus de 15 ans en France, la thrombolyse préhospitalière. Elle doit se faire chez tous les patients présentant un IDMA (de moins de 12 h) en respectant les contre-indications. On sait, grâce à plusieurs études, que la mortalité chez les patients âgés est élevée si on ne traite pas l’artère responsable de l’infarctus et que l’âge n’est pas une contre-indication à la thrombolyse. Depuis 10 ans, un second traitement de reperfusion est parfois possible ; il s’agit de l’angioplastie primaire. Depuis 1994, plusieurs études ont montré qu’il est possible, lors d’un IDMA, d’effectuer une coronarographie en urgence (dans l’heure qui suit la prise en charge préhospitalière) puis, si besoin, une dilatation de l’artère responsable de l’infarctus. Cette stratégie demande cependant un plateau technique disponible rapidement dès le diagnostic préhospitalier. Elle n’est donc pas applicable partout en France. En septembre 2003, en France, 96 % des SMUR pouvaient débuter un traitement de reperfusion, 46 % ne pouvaient faire que la thrombolyse, 9 % des équipes SMUR proposaient systématiquement une angioplastie, 54 % traitaient par thrombolyse ou ACP en fonction du délai après le début de la douleur et du lieu (Étude SMUR Pitié Abstract Urgences 2004). Pour ce qui est de l’efficacité, aucune des deux stratégies préhospitalières n'a pour l'instant prouvé une supériorité en termes de mortalité et de réinfarctus sur la population générale des IDMA en France. Plusieurs études existent, mais ont toutes des parti pris et surtout, elles sont réalisées outre-Atlantique avec une population de patients ne représentant pas les infarctus en France (traitement hospitalier, problème de délais, etc.). La seule étude française sur le sujet ne montre pas de différence (CAPTIM, Comparison of primary Angioplasty and Pre-hospital Thrombolysis In acute Myocardial infarction).   En pratique   La thrombolyse doit être proposée dans la plupart des départements de France, surtout si les sites de cardiologie interventionnelle sont situés à plus d’une heure de transport. En cas de prise en charge préhospitalière, la thrombolyse doit être faite par l'équipe du SMUR. Une thrombolyse intrahospitalière doit être considérée comme une mauvaise politique de prise en charge préhospitalière (17 % de vies sauvées par les thrombolyses préhospitalières par rapport aux thrombolyses intrahospitalières). Quand l'angioplastie coronaire primaire (ACP) est possible (figure 2) rapidement (- 1 h 1/2), qu’une contre-indication (encadré) à la thrombolyse existe ou qu’un doute sur le diagnostic persiste, tout doit être fait pour préparer ce geste interventionnel de cardiologie afin de le réaliser le plus rapidement possible (prétraitement, contact cardiologique, brancardage rapide, transport). Figure 2. Stratégie de prise en charge de l’IDMA par les SMUR. Contre-indications de la thrombolyse Absolues • Suspicion de dissection ou de péricardite • Ulcère digestif en évolution • Antécédent d’AVC • Traumatisme crânien récent • Ponction artérielle, rénale ou hépatique < 15 jours • Intervention : chirurgicale < 1 mois, intracrânienne < 6 mois • Néoplasie ou malformation vasculaire intracrânienne • Hémorragie récente • HTA sévère non contrôlée • Grossesse Relatives • HTA mal contrôlée • Maladie de la coagulation (INR > 2) • Insuffisance hépatique ou rénale sévère • Allergie au produit Que faire lorsqu’il y a plusieurs complications ? Un problème stratégique se pose quand les deux possibilités existent simultanément. Comme aucune étude sur la prise en charge préhospitalière n’a pu montrer de différence en termes de mortalité, certains avaient proposé de commencer par thrombolyser le patient à son domicile puis de le diriger sur un centre de cardiologie pour effectuer une coronarographie puis une angioplastie si besoin. L’étude ASSENT 4 (ASsessment of the Safety and Efficacy of a New Thrombolytic agent) dont les résultats ont été présentés récemment (ESC 2005), a montré que cette méthode donnait de moins bons résultats. La stratégie combinée (thrombolyse plus angioplastie) a montré une augmentation significative de rethromboses précoces de l’artère recanalisée, qui s’explique peut-être par la difficulté d’effectuer une angioplastie dans de bonnes conditions juste après une thrombolyse en raison d’un traitement antiplaquettaire insuffisant favorisant la coagulation et l’agrégation.   Nouvelle stratégie de reperfusion en 2005 : « l’angioplastie facilitée » Pour les SMUR proches de centres de cardiologie interventionnelle (accès en moins de 90 minutes), une nouvelle stratégie est en cours. À la suite d’une étude française datant de 1998 (ADMIRAL, Abciximab before Direct angioplasty and stenting in Myocardial Infarction Regarding Acute and Long term follow-up), il a été montré que l’administration d’un antiagrégant plaquettaire anti-GPIIb/IIIa (abxicimab, Réopro®) dans le cadre de l’angioplastie en urgence réduit de 50 % la mortalité ou la récidive d’IDMA à 6 mois. Dans cette étude, les patients, qui étaient pris en charge avant l’hospitalisation (administration de Réopro® au domicile puis angioplastie à l’hôpital) ont eu de meilleurs résultats de survie que ceux pris en charge seulement à leur arrivée à l’hôpital (Réopro® administré en même temps que l’angioplastie). D’autres études plus récentes montrent l’intérêt d’utiliser, de la même façon, d’autres antiagrégants plaquettaires dans l’IDMA. Ainsi, le clopidogrel (Plavix®) peut être donné au domicile du patient à la dose de 300 mg (4 cp) voire plus. L’héparine est à donner en fonction des habitudes du service receveur et/ou du choix du thrombolytique (rt-Pa) à la dose maximale de 3 000 UI en bolus. Les héparines de bas poids moléculaires sont de plus en plus utilisées à la dose de 0,5 mg/kg en intraveineux (12 vs 75 % pour l’HNF). Aucune étude n'ayant encore montré l’intérêt de l’héparine à la phase préhospitalière, elle peut être administrée à l'arrivée à l'hôpital (étude EXTRACT-TIMI 25 en cours). L'intérêt de la prise en charge médicale préhospitalière est de pouvoir préparer l’angioplastie en empêchant la réocclusion après le geste par l'injection d'un « cocktail » d’antiagrégants plaquettaires dès le domicile : – Aspirine, – Réopro®, – Plavix®, – Héparine (HBPM). Ces médicaments administrés très tôt auraient probablement aussi des effets déthrombotiques comme cela a été démontré in vitro avec les fibrinolytiques. Une vingtaine de SAMU utilisant cette stratégie ont ouvert un registre national (RIPOSTE). Près de 1 000 patients ont déjà été traités. Les premiers résultats montrent que la réouverture de l’artère responsable de l’infarctus (TIMI 3), après traitement préhospitalier (cocktail d’antiagrégants plaquettaires) et avant le geste de dilatation, se maintient chez près de 35 % des patients. Ces résultats pourraient s’expliquer par l’hypothèse de l’effet déthrombotique. Ils montrent ici le rôle important du traitement en amont du geste d’angioplastie.   En conclusion   Depuis plus de 20 ans, en France, les SAMU ont joué un rôle fondamental dans la prise en charge des premières heures de l’infarctus. Les progrès dans le domaine du diagnostic et du traitement permettent aux urgentistes préhospitaliers, grâce à une collaboration parfaite avec les cardiologues, de débuter le plus rapidement possible le traitement adapté aux patients. Malheureusement, toutes les régions de France ne possèdent pas tous ces atouts. Certaines équipes préhospitalières, par manque de centres de cardiologie proches, ont peu de contact avec les cardiologues. C’est pour cette raison que le SAMU de France, la Société francophone de médecine d’urgence et la Société française de cardiologie sous le patronage de la Haute Autorité de Santé organisent une conférence de consensus sur la prise en charge de l’infarctus en novembre 2006. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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