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Cardiologie interventionnelle

Publié le 08 sep 2009Lecture 9 min

Quand faut-il dilater un patient angoreux stable avec une ischémie myocardique documentée ?

M. GHANNEM, centre de réadaptation cardiaque Leopold Bellan d’Ollencourt, CH Gonesse

Si le bénéfice de l’angioplastie en cas de syndrome coronarien aigu n’est pas discutable, son bénéfice chez un patient coronarien stable n’est pas certain, même quand l’ischémie est documentée. Des enquêtes montrent que les patients angoreux stables font souvent l’objet d’une coronarographie et d’une angioplastie coronaire. Cette pratique s’appuie-t-elle sur des études bien conduites ?

Une enquête européenne(1) réalisée (novembre 2001 à mars 2002) dans 31 pays et 130 hôpitaux incluant 5 619 patients qui ont eu une coronarographie et qui présentent au moins une sténose d’un tronc coronaire supérieur ou égal à 50 %, montre que (figure 1) : – 53 % de ces coronarographies sont réalisées pour angor stable ; – 16 % pour syndrome coronarien aigu ST + ; – 30 % pour syndrome coronarien aigu ST - ; – 1 % pour d’autres indications. Si on regarde l’attitude thérapeutique adoptée vis-à-vis de ces patients coronariens, on constate que 58 % des patients sont dilatés, 21 % sont pontés et 21 % ont eu un traitement médical (figure 2). Parmi ces 58 % de coronariens concernés dans l’enquête ayant subi une angioplastie, un bon nombre sont des angoreux stables. Figure 1. Motifs de coronarographie en Europe. Figure 2. Prise en charge de l’angor en Europe. La même enquête révèle que les patients dilatés sont dans 45 % des cas monotronculaires et dans 33 % des cas bitronculaires alors que les patients opérés sont des tritronculaires dans 60 % des cas (tableau 1). En 2006 en France 45 % des indications de coronarographie et 48 % des angioplasties sont réalisées pour angor stable(2). A la lumière de ces enquêtes, les patients angineux stables font souvent l’objet d’une coronarographie et d’une angioplastie coronaire. Mais est-ce que les études déjà conduites confortent cette attitude relativement invasives dans l’angor stable ? Plusieurs études ont comparé chez le coronarien les trois attitudes thérapeutiques à savoir : – la chirurgie par pontage coronaire, – l’angioplastie coronaire percutanée – le traitement médical. Résultats des études comparatives La méta-analyse de D.G. Katritsis(3) a regroupé 7 études comparant le traitement chirurgical par pontage et traitement médical, 11 études comparant angioplastie coronaire et traitement médical et 9 études comparant la chirurgie par pontage à l’angioplastie coronaire. Ce qui ressort de cette méta-analyse est que : - seule la chirurgie pourrait diminuer la mortalité, - l’infarctus du myocarde n’est prévenu par aucune des trois attitudes thérapeutiques, - la symptomatologie est diminuée aussi bien par la chirurgie que l’angioplastie ou le traitement médical avec autant d’angineux à 5 ans dans le groupe traitement médical que dans le groupe angioplastie. Concernant la revascularisation myocardique ultérieure, la supériorité de la chirurgie par pontage par rapport au traitement médical et à l’angioplastie est manifeste. Quant à l’angioplastie, elle ne prévient pas davantage que le traitement médical, le recours à une revascularisation myocardique ultérieure. Cependant cette méta-analyse a ses limites : dans quelques études anciennes, très peu de patients sont stentés, les pontages ne sont pas toujours artériels, le traitement médical n’est pas optimal et le cross-over entre différents groupes est parfois important (tableau 2). Une seule étude(4) MASS II randomisée a comparé : traitement médical, angioplastie et chirurgie dans l’angor stable multitronculaire avec fonction ventriculaire gauche conservée à 5 ans ; elle confirme l’absence d’influence de l’angioplastie sur la mortalité dans l’angor stable. L’étude COURAGE(5), récemment publiée, a enfoncé encore un peu plus le clou. En effet, cette étude réalisée de juin 1999 à janvier 2004 concerne 2 287 patients d’âge moyen 61 ans suivis pendant 5 ans et compare un traitement médical optimal associé à un contrôle des facteurs de risque strict à l’angioplastie (95 % des patients dilatés sont stentés). Elle ne montre aucune supériorité de l’angioplastie avec stenting par rapport au traitement médical concernant le décès, la survenue de syndrome coronarien aigu ou les symptômes. Seule la revascularisation ultérieure est significativement en faveur de l’angioplastie avec stenting (tableau 3). On pourrait reprocher à l’étude COURAGE le nombre limité de stents actifs dans le groupe « angioplastie ». Mais il est probable que les stents actifs n’auraient pas changé significativement le résultat de l’étude ; en effet, le suivi à long terme des stents actifs suscite quelques questions. L’étude ARTS 2(6) qui compare l’évolution d’un groupe de patients pluritronculaires traités par stent actif couvert au sirolumus à celle des groupes stent nu et pontage de l’étude ARTS 1(7), retrouve à 3 ans une survie identique dans les trois groupes : stent actif, stent nu et pontage, soit 96 %. Concernant la réintervention, le pontage l’emporte significativement par rapport aux deux autres groupes mais il n’y a pas de différence significative entre le groupe « stent actif » et le groupe « stent nu » (tableau 4). Au vu de ces études récentes et moins récentes on pourrait conclure que : – le syndrome coronarien aigu n’est prévenu, ni par l’angioplastie, ni par le traitement médical, ni même par le traitement chirurgical ; – la mortalité est abaissée uniquement par le traitement chirurgical par pontage chez certains patients ; – les symptômes sont diminués par les trois attitudes thérapeutiques ; – pour les réinterventions ultérieures, la chirurgie l’emporte significativement sur les stents actifs ; – quant à la supériorité du stent actif sur le stent nu et des stents nus sur le traitement médical, elle n’est pas significative. Pourquoi alors dilater un patient angoreux stable ? On n’a pas diminué la mortalité, ni la survenue de syndrome coronarien aigu ; seuls les symptômes et l’ischémie myocardique peuvent être diminués. Mais pour les symptômes et l’ischémie myocardique, l’angioplastie a-t-elle le monopole ? Effets bénéfiques de la réadaptation cardiaque Experts Dès les années 1988-1989, Oldridge(8) et O’Connor(9) ont montré qu’en postinfarctus du myocarde, la prise en charge des facteurs de risque et le reconditionnement physique à l’effort font baisser la mortalité cardiovasculaire de plus de 20 % à 3 et à 5 ans. Plus récemment encore, en 2004, Witt(10) a rapporté le suivi de 1 821 patients sur 6 ans, dont 55 % ont bénéficié d’une réadaptation cardiaque. La mortalité des patients réadaptés est de 5 % soit identique à celle d’une population du même âge et du même sexe sans antécédent d’infarctus du myocarde ; en revanche la mortalité des patients non réadaptés s’élève à 36 % à 3 ans ; elle est nettement supérieure à celle des patients réadaptés et à celle de la population générale comparable (figure 3). Cependant, ce registre comporte un biais méthodologique : en effet, les patients réadaptés sont dans de meilleures conditions physiques que les patients non réadaptés. Aussi bien l’étude de Oldridge que le registre de WITT concernent des patients en postinfarctus ; dans ce domaine, en théorie, la réadaptation cardiaque a un niveau de recommandation I, un niveau de preuve A, soit les plus élevés. Figure 3. Mortalité à 6 ans des patients non réadaptés A et réadaptés B comparée à celle de la population générale. Dans l’angor stable Concernant l’angor stable proprement dit, l’étude Wannamethee(11) qui a regroupé 722 patients suivis pendant 5 ans, on a étudié rétrospectivement le rapport entre le niveau d’activité physique des patients et la mortalité totale cardiovasculaire. Il a été démontré que, si l’absence d’activité physique représente un risque relatif égal à 1 à 5 ans, quand le patient effectue une activité physique légère, le risque relatif baisse de plus de la moitié soit à 0,42 ; quand il effectue une activité physique modérée, le risque relatif est à 0,47 ; quand il a une activité physique intense, le risque relatif est de 0,63 (figure 4). Figure 4. Risque relatif de mortalité totale à 5 ans en fonction de l’activité (données ajustées pour l’âge, le tabagisme, le diabète, les antécédents d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral) (d’après Wanamethee et al.(14)). Par conséquent une activité physique légère ou modérée diminue le risque relatif à 5 ans de plus de 50 % chez les angoreux stables. Todd en 1990(12), a démontré, chez une quarantaine de patients angineux stables, que l’entraînement physique augmente le seuil ischémique (figure 5) et la durée de l’effort autant qu’un traitement par 100 mg d’aténolol (figure 6). Figure 5. Comparaison : entraînement physique versus aténolol sur le seuil ischémique. Figure 6. Comparaison : entraînement versus aténolol sur la durée de l’effort. Exercice physique versus angioplastie L’étude Pett d’Hambrecht en 2004(13) a comparé chez 100 patients l’exercice physique journalier une vingtaine de minutes, au traitement par angioplastie chez des patients coronariens ayant une lésion accessible à l’angioplastie avec mise en place d’un stent. Ce travail randomisé plaide en faveur du traitement médical et de l’exercice physique puisqu’à un an, le taux de survie sans événement est de 88 % dans le groupe non revascularisé et réadapté, contre 70 % dans le groupe angioplastie avec stenting (tableau 5). En utilisant le score de classification canadienne pour l’évaluation de l’angor, on ne retrouve pas de différence significative à un an entre les deux groupes (tableau 6). Concernant la performance à l’effort, on ne note aucune amélioration dans le groupe « angioplastie » (le fait de mettre un stent chez un patient n’augmente pas ses performances à l’effort) ; en revanche, ces performances ont nettement augmenté chez les patients ayant eu un entraînement physique, en particulier le pic de VO2 (augmentation de 16 %). Quant au seuil ischémique, il a augmenté dans les deux groupes mais plus significativement dans le groupe « exercice physique » (tableau 7). À un an, le trou de perfusion myocardique à la scintigraphie a diminué de la même façon dans les deux groupes (figure 7). Quant au coût moyen, il est le double dans le groupe « angioplastie » par rapport au groupe « exercice physique » (6 086 dollars contre 3 708 dollars). Malgré son faible effectif, cette étude randomisée démontre si besoin, que l’exercice physique contribue à améliorer l’équilibre en oxygène du myocarde (augmentation du seuil ischémique), participe à corriger la dysfonction endothéliale et retarde l’évolution du processus athéromateux. Figure 7. Exercice physique versus angioplastie : résultats sur la perfusion myocardique. Une enquête du groupe de réadaptation cardiaque de la Société française de cardiologie en 2006(13) a démontré le faible risque d’un entraînement physique chez un patient angineux si cet entraînement est contrôlé et si le traitement médicamenteux est à chaque fois adapté en fonction du seuil ischémique du patient (figure 8). À l’AHA (novembre 2007) dans le sous-groupe de l’étude Courage, les patients présentant une diminution > 5 % de l’ischémie myocardique entre l’exploration à l’inclusion dans l’étude et la nouvelle évaluation entre le 6e et 8e mois, sont plus nombreux (33 ,3 %) dans le groupe angioplastie + traitement médical optimal que dans le groupe traitement médical optimal (19,8 %) (figure 9). Surtout, dans tous les cas cette diminution de l’ischémie myocardique s’accompagne d’une réduction des événements myocardiques majeurs (figure 10). En l’absence de diminution de l’ischémie > 5 %, les événements cardiovasculaires majeurs atteignent 32,4 % alors qu’ils ne sont que de 16,2 % dans le cas contraire. L’ischémie myocardique résiduelle à la deuxième exploration a une importance pronostique. En effet, si cette ischémie est < 5 %, on note 0 % d’événements cardiovasculaires majeurs, alors que si elle est > 10 %, les événements cardiovasculaires majeurs atteignent 39,3 % (figure 11). Figure 8. Complications de l'entrainement physique chez le cardiaque (SFC). Figure 9. Résultats sur la réduction de l’ischémie (est considérée comme significative une réduction supérieure à 5%). Figure 10. Résultats sur les événements cardiovasculaires majeurs. Figure 11. Une ischémie résiduelle à la seconde exploration et événements cardiaques majeurs. Au vu des résultats de ces études qui ont toutes démontré l’utilité de l’exercice physique, l’attitude thérapeutique vis-à-vis d’un angineux stable ayant une ischémie myocardique documentée par des examens non invasifs, devrait tenir compte après traitement médical optimal du degré de la symptomatologie et de l’importance de l’ischémie myocardique. En pratique  En fonction de la symptomatologie : - Devant un angor invalidant : une revascularisation myocardique est indiquée quand elle est possible soit par angioplastie, soit par pontage mais si ni l’une ni l’autre n’est possible, la réadaptation cardiaque est une alternative à la revascularisation myocardique. - Patient peu symptomatique : il relève alors de la réadaptation cardiaque.   En fonction de l’importance de l’ischémie myocardique : - Ischémie myocardique modérée à sévère : là encore, une revascularisation myocardique est indiquée soit par angioplastie coronaire en l’absence de signes de gravité (atteinte du tronc commun, tritronculaire diabétique ou à fonction ventriculaire gauche altérée), soit par pontage aortocoronaire en présence de l’un de ces signes de gravité. - Ischémie myocardique minime : dans ces conditions la revascularisation myocardique n’est pas nécessaire et une réadaptation cardiaque est indiquée. Enfin, il faut signaler : - qu’une réadaptation cardiaque après revascularisation myocardique soit par chirurgie, soit par angioplastie a un effet synergique comme l’a démontré l’étude italienne ETICA en 2001(15) : le taux d’événements cardiovasculaires à 33 mois, ± 7 mois est de 11,9 % chez les patients qui ont eu une réadaptation après angioplastie et de 33,2 % chez les patients qui ont eu une angioplastie non suivie de réadaptation cardiaque. - qu’au cours d’un séjour en réadaptation cardiaque on ne fait pas que de l’exercice physique mais on optimise aussi le traitement médical et on éduque le patient pour un meilleur contrôle de ses facteurs de risque.

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